
Fertilité du sol.
et savant rédacteur de la partie Botanique de notre Voyage , le soin
d envisager cette matière sous des rapports plus élevés et plus étendus.
Une des choses qui surprennent le plus l’Européen qui arrivé pour
la première fois au Brésil, cest la beauté et la vigueur de la végétation
dont la terre est couverte. Depuis le marais fangeux, jusqu’au sommet
le plus éieye des montagnes, par-tout on aperçoit une verdure brillante,
perpétuelle ; et si quelquefois des rochers de granit paroissent dénués
d arbres sur quelques points, cest que leur pente, naturellement trop
rapide, ne peut retenir 1 humus qui pourroit s’y former et que les pluies
entraînent a leur base. Cette circonstance d’ailleurs s’observe rarement,
et la baie de Rio de Janeiro, peut-être, est le lieu où l’on en voit le plus
d exemples. La terre rend au centuple la semence qu’on lui confie, sans
quil soit même nécessaire de la préparer par de grands travaux; et ses
produits sont d autant plus riches, que le sol offre par-tout une couche
de terreau très-épaisse et de la meilleure qualité.
« S il est impossible de déterminer d une manière générale quelle est
1 épaisseur de cette couche productive , dit M. Gaudichaud, on peut
assurer du moins qu elle n est jamais au-dessous de trois pieds, et que, le
plus communément, elle paroit etre de cinq à six pieds et même davan-'
tage. On conçoit que c est au fond des vallées que l’humus s’amoncelle
en plus grande quantité ; cependant la végétation n’est pas moins
active sur les montagnes ; et, ce qui etonne, c’est que lès arbres qui
tapissent celles-ci sont, pour la plupart, non-seulement d’une hauteur
considérable, mais chargés de milliers de plantes parasites qui y puisent
constamment les principes nécessaires à leur existence. Les phénomènes
de cette reproduction exubérante s’expliqueroient peut-être, si l’on ré*-
ffechissoit qu au sein de ces forets touffues il se. forme une couche sans
cesse renouvelée de fleurs, de fruits et de rameaux, dont la chute successive
y entretient, outre la terre végétale, produit habituel de leur
décomposition, une humidité et une chaleur salutaires, indépendantes
des influences atmosphériques.
» On trouve, ce me semble, une autre cause de cette fécondité prodigieuse.
dans la contexture même des rochers dont les montagnes se composent
; ils sont tpus de nature essentiellement granitique, et l’on sait
LIVRE 1. " — D e F r a n c e a u B r é s i l in c lu s i v e m e n t . i i ■>
quen générai les pierres de ce genre ne se laissent que très-difficilement Rio de Janeiro
penetrer par I.eau. On peut donc en tirer cette conséquence, que celle Description,
qui vient se condenser en. tout temps a leur surface, ne pouvant s’infiltrer
a travers des couches solides quelles lui opposent, est forcée de
s ecouier entre, la masse rocheuse et la terre superposée; et que cette
terre étant continuellement humectée, les racines des arbres quelle
nourrit reçoivent en abondance l’un des principes les plus essentiels à
leur développement. »
Les couches d humus, a Rio de Janeiro, sont colorées en noir par
les détritus des végétaux, à un pied ou un pied et demi de profondeur
dans les terrains de première qualité. Très-douce au tact, extrêmement
perméable à l’eau , cette terre contient un peu d’argile, mais ne se
durcit, après les pluies, que lorsque la pression a été forte et répétée.
Cela n a pas lieu dans les terrains de moindre qualité ; au bas des montagnes,
les pluies tassent le sol , parce qu’il renferme une plus forte
proportion d argile. Les fonds ruraux les plus estimés contiennent ordinairement
dans leur sein de grosses roches qui paroissent y fixer l’humus
et y entrenir une fraîcheur vivifiante.
Nulle part on ne rencontre de landes ni de savanes dans la province Product. .végét.
de Rio de Janeiro; les champs cultivés y sont nombreux, principalement •
dans les endroits où . le transport des produits peut être effectué par
eau. Originairement, les forêts couvroient le sol entier; et aujourd’hui
encore, lorsqu’un terrain défriché est abandonné pendant quelque temps
à lui-même, les arbres y croissent en abondance. Mais ce qui paraît assez
curieux; c’est que ces nouveaux arbres, ainsi que les plantes herbacées
qui y naissent spontanément, ne ressemblent en rien aux végétaux dont
ce terrain fût primitivement dépouillé : ce sont des fougères, des arbres
à bois tendre pour la plupart, dont les analogues ne se rencontrent
point dans les forêts vierges. Lorsqu’il se fait un second défrichement,
à une distance assez considérable de celui-là pour que les semences ne
puissent être transportées de l’un à l’autre par les vents, le même phénomène
s’y reproduit.
La variété des arbres, dans un espace fort circonscrit, est véritablement
extrême; et quoique, dans une forêt, il y en ait beaucoup de la
Voyage de l’Uranie. — Historique.