
son costume, assez agréable, étoit absolument celui que nous voyons sur
nos éventails et nos paravens ; il occupoitici le poste de capitaine chinois.
Quoique M.mc Tielman fut métisse, nous aimions à*voir en elle
presque une compatriote. Née à Java, d’un père français, elle a été élevée
à Samarang: la langue de son père luiest cependant tout-à-fait inconnue;
le hollandais et le malais sont celles qui lui sont le plus familières; et
quoiqu elle entende un peu I anglais, elle ne le parle pas. Son teint est
basane, ses yeux noirs et assez beaux, sa physionomie douce et bienveillante.
Suivant 1 usage chinois, elle porte les ongles, sur-tout celui du
petit doigt, d’une longueur démesurée. Son ajustement, assez bizarre aux
yeux d’un Européen, consistoit en un long jupon noir, plissé dans la
longueur comme un surplis, avec une large camisole de même couleur,
descendant jusqu’aux genoux ; ses cheveux noirs, tout-à-fait plats autour
du visage, étoient tantôt relevés en chignon par derrière, et d’autres fois
pendoient librement sur ses épaulés. On pourra prendre une idée de l’ensemble
de ce costume dans la figure du milieu de notre planche io.
Lorsque M.me Tielman sortait pour rendre des visites de cérémonie, elle
shabilloit a 1 européenne, mais toujours en étoffe de soie noire, quoiqu’elle
ne fût point en deuil.
Le 1 3 , M. Quoy et quelques autres de nos camarades résolurent
daller rendre visite au raja Peters de Bacanassi, dont l’habitation étoit
alors à trois quarts de lieue de Coupang (i) : ils partirent de très-grand
matin pour éviter la forte chaleur................Mais laissons à M. Quoy le
soin de rendre compte lui-même de cette promenade.
« Notre route se fit au milieu des bois, dit-il, et par de très-petits sentiers;
une foule d oiseaux qui nous étoient inconnus fixoient à chaque
instant nos regards. Nous montâmes et -descendîmes d’abord par des
routes remplies de débris de madrépores ; puis , après, avoir traversé la
rivière de Bacanassi, nous parvînmes à un carrefour, où nous trouvâmes
les plus beaux tamariniers que nous eussions jamais vus ; à leur pied le
sol est pavé en pierre, et cette place sert ordinairement de lit aux na-
( i) La capitale du royaume de Bacanassi' est un peu plus éloignée du chet-Iieu de l’établissement
hollandais; elle est indiquée sur notre carte de Timor i pl. i ç ) , par 21 ° 12 ' de
longitude. . -
LIVRE II. — Du B r é s i l à T im o r in c l u s iv e m e n t . 4 9 1
turels du pays. Un peu plus loin, nous pénétrâmes dans un superbe bois
de lataniers, par un chemin qui nous conduisit à la maisçn de campagne
du raja.
» Sa case, située dans une vaste cour, est construite moitié en terre ou
en pierre, et moitié en feuilles de latanier. A notre approche, le prince
se leva, et, étant venu aurdevant de nous, il nous fit asseoir devant sa
porte, sous une galerie, à la mode du pays. II était entouré de plusieurs
personnes de sa suite qui lui témOignoient le plus grand respect; ondis-
tinguoit parmi elles des guerriers d’une mine et d une stature imposantes ;
son petit-fils se tenoit à sa droite, assis sur le même siège. Peters, le doyen
des rajas des environs, avoit plus de 80 ans.; il a dû être jadis un fort
bel homme. Son intention avoit été d’abord de se montrer a nous dans
son costume d’apparat; mais, ayant souffert toute la nuit de la poitrine,
il lui avoit été impossible, nous dit-il, de s’habiller : Ses vetemens, en
conséquence, étoient fort simples; ils se composoient de deux pièces de
drap assez sales qui lui couvraient les reins et les épaules, et d’une petite
calotte de coton à jour placée sur sa tête.
» La conversation entre nous ne fut pas tres-active. Un esclave lui
ayant apporté le bétel, j’en pris occasion pour offrir à sa majesté du vin
que j’avois dans une gourde de chasse : il accepta; et ayant fait apporter
un cabaret d’argent et des verres de cristal, il but un peu de vin
qu’il trouva bon, puis passa le reste à son petit-fils, jeune enfant dune
figure vive et intéressante. Nous ne fûmes pas peu étonnés de voir dans
cette habitation grossière un tel luxe de service, et des fusils d Europe
très-bien faits et de prix.
» Une chose qui satisfit beaucoup notre hôte, ce furent des images coloriées
qu’un de nos compagnons avoit apportées avec lui. Nous crûmes
d’abord qu’elles n’étoient propres tout au plus qu’à plaire au jeune enfant,
et nous les lui offrîmes ; mais le vieillard. se les appropria.
» Sa vaste maison, que nous visitâmes, est partagée en deux par une
cloison ; nous n’y vîmes d’autre ouverture que la porte. Au milieu de
l’appartement étoit un foyer, et, sur l’un des côtés, un vieux meuble
précieux, entièremènt doré, représentant un palais chinois. Une ou deux
femmes étoient étendues par terre sur des nattes.