khalyfe; et, suivant les auteurs Arabe s, ie Nil crut cle seize coudées dans la nuit
de la fête de la Croix ( i) , et depuis ce temps le sacrifice qu’on faisoit au fleuve
fut entièrement aboli.
Les Égyptiens modernes croient que le débordement du Nil est occasionné
par une rosée (2) qui, suivant eux, tombe du ciel la veille du jour où le Nil
commence à croître.
On observe différentes cérémonies lorsqu’on proclame les crues successives du
N i l , et lorsqu on rompt la digue qui empêche l’eau de pénétrer dans le canal
qui l’amène au Kaire.
La fete de la crue du Nil est appelée Ouafâ el-bahar (5), ou Gabr el-bahar ffi
Elle arrive, comme je l’ai dit ci-dessus, lorsque le Nil est cru de seize coudées:
alors on1 rompt la digue en présence du cheykh el-belad (5), ou commandant
de la ville, du qâdy, de tous les grands de la ville et de toutes les troupes qui
s y trouvent réunies. Pendant que l’on coupe la digue, on fait partir des feux
d’artifice, et les musiciens du pays viennent y faire entendre leur musique vocale
et instrumentale.
Les anciens Égyptiens célébroient, à la même époque, la naissance de leur
dieu Apis ou la Théophanie. Cette divinité étant un emblème Niliaque, l’objet
de cette fête étoit le même que celui de la fête moderne, mais présenté sous
le voile de l’allégorie mystique et religieuse : en la dépouillant de son caractère
sacré, on n y a pas moins attaché le plus grand respect, et elle n’a pas cessé
d etre célébrée avec la plus grande solennité. J’ai pensé qu’on pourroit voir avec
plaisir le détail très-circonstancié de toutes les cérémonies qui avoient lieu à cette
occasion, il y a plusieurs siècles : nous devons cette relation à Chems ed-dyn
Mohammed ben Aby-l-Sorour (6), qui la rapporte dans son livre intitulé Des
Etoiles errantes (7).
« Lorsque la crue du Nil est montée à seize coudées, on commence à ouvrir
» la digue pour faire couler l’eau sur les terres et dans les canaux de toute l’Égypte:
» ce jour est un jour de fête générale. '
» Autrefois, avant qu’on eût creusé le canal Hâkemy (8), l’ouverture de la
» digue se faisoit au canal appelé Khalyg el-Qantarah (9) ; il y avoit en ce lieu un
(1) Youm el-salyb fête des Qobtes, communs avec plusieurs autres savarn de la même famiilt.
dans laquelle ils ont coutume de venir, avec cérémonie, i l naquit au Kaire, l’an 1005 de l’Hégire [1596 de I’ére
jeter une petite croix de Bois dans le NU. Chrétienne], sous le gouvernement de SeydMohammti
T2) 0 ° 1 appelle vulgairement en Egypte la goutte Pâchâ ULj
[el-noqtah c U l ] t a cette epttqtte, les eaux du Nil se (7) Kitib el-houâheb el-sâyrat Jy akhbâr Mesr ou ,1-
troublent, deviennent jaunâtres et semblent se corrompre Qdhirat U l j ï o U I c x i= IX ll _
et fermenter. Cette fermentation est pour les habitans p e livre des étoiles errantes sur ¡’histoire de Egypte a I
T t ° T Ï ° C T , " d,fb° rdtment’ <!'■ Kaire]. Cet ouvrage se trouve à la Bibliothèque ds
m r î r t r n J ' Roi t manuscl'its Arabes, n ."7«#]. Ce manuscrit a été
. | r.j f achevé, suivant la note qui le termine, à la fin du mois de
ü î r 1 ” 0t 3 m0t’ I Cheykb dy-l-haë?h 1 l’an 1055 de l’hégire [en février 1646 de
O U uTi u pays. fère Chrétienne]. M.SHvestre de Sacy a inséré un extrait
(6) EbCheyhh Chems ed-dyn Mohammed ben Aby-l- , rés-étendu de cet ouvrage dans le tonte I ." des Notion
Sorour, surnomme el-Bahery et el-Sadiqy, parce qu’il « Extraite des manuscrits de la Bibliothèque du Roi.
comptott parmi ses ancetres Mohammed Baker et Ga’far (8) Khalyg el- Hâkemy .¿-.U! x k ,
Sadyq, cinquième et sixième imams: cessurnoms lui sont (9) Khalyg el-Qantarah s^ k ilt x j l -
» pavillon qui donnoit sur l’embouchure du canal, et dans lequel le khalyfe
» ou le prince régnant en Égypte se plaçoit pour faire faire la cérémonie de
»; l’ouverture.
» Ce jour étant venu, le sultan,ou son lieutenant, sortoit à cheval du château,
» et serendoit à Mesr el-A ’tyqah [le Vieux Kaire], sur les bords du N il, au lieu
».nommé Dâr.el-nohas; et là, il descendoit de cheval, et il y trouvoit deux
».barques décorées l’une et l’autre du nom du sultan et de divers ornemens : il
» montoit avec les personnes les plus distinguées de sa suite dans la première de
».ces deux barques, nommée Harakah; l’autre barque, qui portoit le nom de
»;Dahbyali, étoit pour le reste de son cortège. Il se trouvoit au même endroit
» un nombre infini d’autres barques de différentes formes, dans lesquelles mon-
» toient les émyrs et les officiers auxquels elles appartenoient, et qu’ils s’étoient
». empressés d’orner à l’envi l’un de l’autre.
» La barque du sultan, suivie de toutes les autres, se rendoit à l’île de Roudah :
» cette île, située en face du Vieux Kaire, entre le grand bras du fleuve et celui
» qui passe au pied de cette ville, étoit remplie de maisons et de palais. L e sultan,
» ayant abordé dans l’île , remontoit à cheval, et .se rendoit au Nilomètre, placé
» au milieu du lit du fleuve : il y entroit avec toute sa suite, et jetoit dans le
»bassin du safran imbibe deau de rose. Après qu’il y avoit fait sa prière, on lui
» servoit un magnifique festin : le repas fini, on approchoit sa barque près des
» grillages du Nilomètre, qui étoit couvert de ses tentures dorées; il y entroit,
». et retournoit avec toutes les autres barques qui 1 avoient accompagné, au bruit
» des pétards et des instrumens de musique.
»Étant anive près de Mesr e l -A t y q , il faisoit détourner sa barque vers
» l’embouchure du canal qui entre dans le Kaire. Pendant, toute sa ro u te , tant
» sur terre que sur le fleuve, en allant et en revenant, il jetoit des pièces d’or
» et d argent au peuple, et lui faisoit distribuer des fruits, des sucreries et autres
» choses semblables.
» La digue qu’il devoit faire ouvrir étoit une espèce dé rempart de terre, élevé
» en face du pont : le sultan, ou celili qui tenoit sa place, donnoit le signal avec
» une serviette aux gens chargés de la démolir, et qui tenoient des pelles à la
» main ( i ) , aussitôt ils abattoient la digue, qui étoit renversée en un instant : le
» sultan remontoit alors à cheval et retournoit au château.
» Depuis que 1 Égypte est sous la domination Ottomane, c’est le beglierbeyk qui
» fait cette cérémonie : il sort le matin à cheval de la citadelle , et se rend à
» Boulâq, où il trouve, en face de l’arsenal, des barques ornées, préparées pour
»lui et pour les émyrs et les sangiacs. II met à la v o ile , suivi de toutes les
» barques, et pendant ce temps on tire un grand nombre de coups de canon :
» le beglierbeyk remonte le fleuve jusqu’au Nilomètre dans l’île de Roudah. Cela se
» fait lorsqu’il s’en manque encore de vingt doigts que la crue n’ait atteint seize
» coudées, et il demeure dans le Nilomètre jusqu’à ce que l’eau y soit parvenue à
hui ce sont Ie! Juif’5 eI ■« fossoyeurs du Kaire qui sont chargés alternativement, chaque année, de
remplir cette fonction.
Ê Ai » T O M E I I , j,( partie. || &