d’Egypte ) se trouvoit sous la protection de la montagne Arabique placée à l’est
et qui s’avance au nord comme un long promontoire ; enfin, que ce même point
étoit à l’entrée du canal qui communiquoit avec celui des deux mers. C ’est ce
qu’on verra sur le plan général (planche // ) , et encore mieux sur la planche 24 de
l’Atlas géographique. D ’un autre, c ô té , A ’bd el-Latyf remarque avec raison que
l’emplacement de Fostât étoit mal choisi sous le rapport de la salubrité, comme
trop voisin du Moqattain, et privé plus long-temps de la salutaire influence du
soleil levant. Mais les Arabes ne pouvoient, à cette époque, avoir fait toutes ces
réflexions.
C e s t après s’être emparé de la ville capitale occupée par les Grecs, et appelée
Masr par les auteurs Arabes, qu’A ’mrou-ben el-A’âs marcha sur Alexandrie (1).
L ’emplacement de sa tente, que, par un motif assez romanesque (2), il avoit
laissée debout, devint le siège de la ville nouvelle. Tous les écrivains sont d’accord
sur ce poin t, mais on ne l’est pas également au sujet du lieu de la ville qu’il avoit
conquise sur les Grecs. Les uns croient que c’est Memphis | et se fondent sur la
route que ceux-ci prirent pour se porter à Alexandrie ; des autres pensent que
c’est Babylone. Il y a des difficultés contre ces deux opinions : Memphis étoit en
ruine, Babylone étoit un endroit trop peu considérable pour une capitale. Il n’y a
pas de motifs pour s’écarter du témoignage d’el-Edriçy, qui, en très-peu de mots,
donne l’emplacement du lieu de Masr : Urbs (primaria). Mesr olim quoque voca-
batur ainschemes (3). Il désigne donc Héliopolis; cette grande ville seule pou-
v o it, avec Memphis, passer pour une ville capitale : mais Héliopolis , et non
Memphis, étoit placée du côté du fleuve; ce qui explique la route prise par les
troupes Grecques. En effet, tandis que Makaukas, leur général, seréfùgioit avec la
garnison dans l’île de Roudah, I armée traversoit le Nil pour se rendre à Alexandrie.
Il est vrai que le même Edriçy, à l’article de Fostât, s’exprime ainsi : « Fostât est
» la ville même de Mesr. » Mais, comme la ville capitale de l’Égypte a toujours été
désignée chez les Arabes par Mesr (mot qui lui-même est le nom de l’Égypte),
ce passage veut dire seulement que Fostât succéda comme capitale. Notre sentiment
nes t quune conjecture, mais il leve presque toutes les difficultés; on n’en
peut dire autant des autres opinions.
Quant au mot même de Fostât il signifie en arabe tabernaculum, une
tente, mais plus particulièrement une tente formée d’un tissu de poils de chèvre (4);
rien n’empêche donc d’admettre que la ville ait été établie au lieu où dressa ses
tentes le vainqueur de l’Égypte, et qu’elle ait emprunté même son nom de cette
circonstance. L histoire dit fort peu de chose de la ville de Fostât jusqu’à ce que le'
C1 } Selon A bd el-Rachyd el-Bakouy, A’mrou auroit sommes pas gens à faire du mal à celui qui se réfugie dans
assiégé Alexandrie 1 an 9 de 1 hégire [630] , et prolongé notre sein, ni à offenser même un pigeon en brisant ses
le siégé pendant quatorze mois ( cette date diflère beau- oeufs. » ( Edrisii Afiiea, sect. III, p. 1 .■, pag. 366 du
coup de celle d’el-Makyp ) : voyez les Extraits de sa Céo- Comment, de Hartmann.) EI-Makyn confirme cette histo-
graphie, par M. Marcel. ( Décade Égypt. tome I, p. 278. ) riette. Abou-I-Fedâ se borne à dire qu'A’mrou bâtit Fostât
(2) Une colombe avoir déposé ses oeufs sur le faite auprès de Qasr el-Chûma’ , et que la mosquée d’A ’mrou
de la tente, ce qui fut de bon augure pour les Arabes : étoit à peu de distance du lieu où il avoit sa tenta.
A’mrou ordonna qu’on la laissât intacte jusqu’à ce que les ( 3 ) Traduct. de Gabriel Sionite.
petits fussent éclos, ajoutant, dit el-Edriçy: .. Nous ne (4) Décade Égyptienne, tom. III, pag. 167.
Kaire lui eût succède. On ne sait pas l’extension qu elle acquit : on peut seulement
présumer qu elle s etendit, a 1 est et au sud, jusqu’aux points occupés par les buttes
de décombres ; le Nil et 1 aquéduc avec la bouche du canal font ses limites à
l’ouest et au nord. Je ne crois donc pas que Fostât ait jamais eu plus de
2400 mètres en tout sens. Cependant elle a continué d’être le chef-lieu de J’Égypte
depuis lan 20 de l’hégire [640] ( 1 ), jusqu’en l’année 359 [969], époque de la
conquête de lÉgypte sous le khalyfe Mo’ezz le-dyn-allah, prince Fatimite, qui
fit jeter les fondemens du Kaire, c’est-à-dire, pendant trois cent vingt-neuf ans.
A la vérité , selon Abou-I-Fedâ (traduit par Savary), Fostât-Masr n’a été le siège
de l’empire d’Égypte que jusqu’au moment où Ebn-Touloun construisit le faubourg
de Qâtaya’ ; mais comment concilier ce fait avec un autre passage du même auteur!
« L ’an 564 de l’hégire [ 1 168], les Français conduits par Amaury s’emparèrent
.» du Kaire; Châour, vizir du khalyfe Adhed, craignant que Fostât ne tombât entre
» leurs mains, y mit le feu, et la ville brûla pendant cinquante-quatre jours. » Or,
si cent quatre-vingt-dix neuf ans après la fondation du Kaire la ville de Fostât
avoit encore cette importance, comment auroit-elle cessé detre la capitale un
siècle avant cette même fondation, et comment le Kaire l’auroit-il été alors,
puisqu’il ne fut enceint de murs qu’en 572 [1 1 7 6 ] ! D ’après ce que je viens
de dire du site de la ville ancienne, et que tout le monde peut vérifier sur les
plans (2 ), il est impossible de comprendre et je n’entreprendrai pas d’expliquer
le passage où el-Edriçy lui donne trois parasanges de longueur.
■Le nom actuel de la ville qui a succédé à Fostât est Masr el-A ‘tyqah KsuJhx}] “Aù
l’ancienne Masr ou l’ancienne capitale ; mais les voyageurs modernes ( on l’a déjà
remarqué) lui ont donné un nom impropre, en l’appelant le v i e u x K a i r e ,
puisque jamais Fostât n a porté le nom de Kaire, et que celui-ci n’est autre chose
qu’une épithète qui fut imaginée pour la première fois sous Mo’ezz le-dyn-allah,
probablement en l’honneur de ses victoires. Ces écrivains ont pris Kaire et Masr
l’un pour l’autre; cependant l’appellation de vieux Kaire est restée, et elle est d’un
usage général.
Dans l’espace que nous avons assigné à l’emplacement de Fostât, sont compris
le Qasr el-Châma’ ( grande enceinte sur laquelle je ne m’étendrai point, parce que
ce lieu, qui renferme des vestiges antiques et plusieurs couvens Coptes, a été décrit
dans le chapitre X IX des antiquités par M. du B o is -A ym é ); la fameuse mosquée
qui porte le nom & A ’mrou, le plus ancien des édifices de la religion musulmane;
une autre grande mosquée dite Gâma' Abou el-So’oud, et le grand couvent d’Abou-
Seyfeyn. Comme la nomenclature des lieux de la ville trouvera sa place à la fin
de ce chapitre, je me bornerai à peu de mots sur les détails de sa distribution
et de ses édifices. L a mosquée d’A ’mrou fut construite à la place d’une église des
Chrétiens qu’il avoit rasée. Selon A ’bd el-Rachyd el-Bakouy, le Qorân tout entier
y étoit écrit en koufique sur des tables de marbre blanc, avec les titres ornés en or
et en azur. Elle forme à peu près un carré de 120 mètres de côté , et elle a le
( 1 ) Voye^ la noie i , page 742.
È. Ai. T OM E II, 2.' partie.
( 2 ) Voyez planches /j et ¡6.
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