est de 30 à 4 ° pieds, suivant le degré de l’inondation, et la largeur du fleuve devant
la pointe de l’île est d’environ 750 mètres ( 1 ). L ’escalier descendant au fleuve à
l’extrémité sud de la rive occidentale, est appelé l'escalier de Moïse chez les Chrétiens
ignorans, parce qu’ils prétendent que c’est au pied des marches qu’on aperçut
flottant sur les eaux la corbeille qui portoit Moïse enfant. J’ai remarqué que le
nombre de ses marches est de vingt-deux, comme celui qu’on suppose Vulgairement
être celui des coudées du Meqyâs (quoique la colonne ne soit divisée qu’en seize).
A u surplus, cet escalier pourrait parfaitement servir dè Nilomètre, parce qu’il des-
cend.jusqu’au fond du Nil : aussi le mystère qu’on fàisoit jadis de la marche de l’accroissement,
étoit une chose absurde. Près de là se termine une longue avenue de
sycomores (figuiers), les plus beaux arbres qui soient dans toute l’Égypte; elle a
1 200 mètres : une seule rangée d’arbres forme deux avenues, parce que l’espace
couvert par leur ombrage épais a cent pieds de largeur. Le tronc du plus gros a
de 8 à 10 pieds de diamètre, et d’élévation 120 pieds (2).
En avançant au midi, on arrive au jardin du Meqyâs ou Nilomètre. Une multitude
d’orangers et de citronniers toujours verts et fleuris rendent cet endroit
délicieux et embaument l’air des plus doux parfums, pendant que des milliers
d’oiseaux y font entendre leurs concerts. 11 ne faut pas chercher dans ces jardins
(nous l’avons dit ailleurs) des avenues, des sentiers pour la promenade t on y
repose sous des kiosques, mais on n’y marche pas ; la terre est sans gazon, les
fleurs sans culture : ce sont des bois plutôt que des jardins. Mais cette végétation
agreste est si puissante et si riche, l’air est si parfumé, la fraîcheur de l’ombrage
est si précieuse au milieu d’une température brûlante, qu’on peut affirmer sans
crainte que les Orientaux y éprouvent au moins autant de bien-être que nous
en éprouvons dans les jardins d’Europe.
Continuant de marcher au sud, on se trouve dans les bâtimens du fameux
Nilomètre, l’un des plus anciens édifices des Arabes; l’histoire en a été faite
trop souvent pour trouver place ici : heureusement le lecteur la trouvera complète
dans cette collection, sans avoir besoin de consulter d’autres ouvrages, et il suffira
au plus grand nombre de lire les Mémoires de M. Marcel et de M. L e Père (3):
Bornons-nous à dire que l’extérieur présente des murs épais, susceptibles de résistance
, et que les Français avoient encore fortifiés. C ’est sans doute là qu’étoit le
fort bâti par Ahmed ebn Tou lou n, selon el-Maqryzy (4), et celui que Negm el-
Dyn fit élever. L e palais de ce dernier existoit encore à demi ruiné à llépoque de
l’expédition : on a dessiné dans l’ouvrage une des portes de cet édifice. Quant au
chantier de construction et à l’édifice appelé Hodag [la litière] d’après le même
auteur ( y ) , nous ignorons en quel point de l’île on doit les chercher. L ’intérieur
contient plusieurs hameaux qu’habitent les cultivateurs de cette île, si riche en
( i ) Niebuhr donne au Nil devanfGyzeh 2946 pieds
de large ; c’est beaucoup trop : il n’a guère que 800 mètres;
ce qui est déjà plus que le quintuple de la Seine au Pont
Royal.
(2) Voyez E. AI. vol. I , planche 17, fig. 2.
( 3 ) Voy. t. II, É. AI. p. 29, et t. I I , 2/ part. p. 927.
(4 ) Relation d‘A 3bd el-Latyf, trad, de M. Silvestre de
Sacy, pag. 388. Cependant il y a encore dans la partie
orientale un autre emplacement de château, appelé Qasr
el-Roudah.
(5) Relation d’A ’bdel-Latyf, traduction de M. Silvestre
de Sacy, pag. 388.
grains, feves et legumes de tout genre. Une belle mosquée abandonnée avoit été
convertie, au temps de l’expédition , en moulin à poudre ( 1 !.
L a position de Roudah présente des avantages qui avoient frappé les Français.
Entourée par les eaux du Nil, facile à défendre, à agrandir, même à joindre à
l’île de Boulâq, ornée de jardins délicieux, elle est exempte des inconvéniens
■graves qu offre la situation du Kaire; par exemple, d’être sous le feu du Moqattam,
et d être exposée à la réverbération d’un soleil ardent, même à l’invasion des
sables. Aussi le général du génie Caffarelli avoit conçu le projet d’en faire le
siège d’une ville Française. En l’an 8 (thermidor), le général Menouy fit tracer
le plan d’une ville et plusieurs alignemens ; cette position est préférable à celle du
Ventre de la Vach e, qu’on avoit aussi proposée.
Il existe une histoire spéciale de cette île, appelée Koukab el-Roudah, Étoile de
Roudah, par Djélâl el-Dyn el-Soyouty. Il raconte qu’en 761 [ 1 3y9 ] la crue du
Nil alla jusqu’à 24 coudées, et renversa les maisons à une grande distance. L e
peuple se retira dans le désert; l’île de Roudah fut complétemént submergée :
c etoit le plus grand débordement de ceux dont la tradition eût conservé le souvenir.
Il paraît que 20 coudées 21 doigts suffisoient pour submerger l’île; et c’est
ce qui arriva en 882 [ 1477]- Nous devons, pour tout ce qui regarde l’île et le
Nilomètre, renvoyer aux mémoires ci-dessus cités et aux planches de l’Atlas (2).
§- IIIG
y zeh , Boulâq.
L a petite ville de G y z e h fy y * est précisément en face du vieux Kaire, dont
elle est séparée par le N il, fort large en cet endroit, et par la pointe sud de l’île
de Roudah; elle est enceinte et fortifiée du côté de l’ouest, ou vers les pyramides.
Sa plus grande dimension est le long du N il, et d’environ iy o o mètres. On
ignore l’époque précise de la fondation de cette ville : son origine est due sans
doute au passage fréquent qui a lieu sur ce point ; c ’est là qu’on aborde en venant
du Kaire, quand on se rend de cette ville dans la haute Égypte. Par la même raison,
selon moi, ce lieu a toujours dû être habité depuis l’établissement de Fostât, et
même de la Babylone d’Égypte ; les Français y avoient établi un pont de bateaux :
de plus, cette opinion est confirmée par le nom même de Gyzeh, qui signifie
passage ( 3).
L a liste des établissemens de Gyzeh, qui se trouve plus loin, me dispense de
décrire la ville; je me bornerai à citer le palais de Mourâd-bey, Qasr Mourâd-bey,
situé à l’extrémité nord : il est célèbre par ses jardins et les magnifiques treilles
qu’on y voit; en consultant les planches de l’ouvrage, on en aura une idée (4).
Elles diffèrent des treilles à l’italienne par leur disposition; mais elles ne sont pas
moins pittoresques, ni moins agréables, à cause de leur ombrage délicieux : la
( i ) Voyez planches ¡6 et 22, E. AI. vol. /.
(2) Voyez-planches zj et 24, E . AI. vol. I.
( 3 ) Voyez, §- I l , ce qui est dit du pont de bateaux aboutissant à Gyzeh.
(4 ) Voyez planche 17, fig. j , E. AI. vol. I.