de leurs cris, qui se prolongent pendant plusieurs jours, et deviennent souvemJ
incommodes pour les voisins.
Les bières ne sont point enterrées : ainsi que nous l’avons dit, le corps est dé I
posé dans la fosse que les hommes envoyés par le cheykli ont préparée à ce 1
effet. Les tombeaux de famille sont construits à l’avance; ils consistent princi-j
paiement en une voûte de pierre, sous laquelle on place les corps à côté le!
uns des autres. Tan t que la chair n’est pas consommée, on ne les dérange poinrj
mais, lorsqu’avec le temps les os se sont dégagés de toutes les parties charnues oui
les recouvroient, on les réunit dans un même sarcophage. C e seroit un crintel
de conserver la moindre des parties d’un cadavre; il doit être enseveli en entier!
Si quelqu’un meurt à l’entrée de la nuit, on attend le lever du soleil pour le porte!
au lieu de la sépulture. Les musulmans se font un point de religion de n’enterre!
leurs morts que tant que le soleil est sur l’horizon ; ils attachent même à l’obserl
vation ou à la violation de cet usage une très-grande importance, puisqu’il s’agij
du bonheur ou de la réprobation éternelle. C e sont les riches qui font les frais de!
la sépulture des pauvres : leurs tombeaux sont simples, à la vérité ; mais la piété del
leurs parens ou de leurs femmes les orne toujours de quelques fleurs.
Les chrétiens du Kaire ont leurs tombeaux au vieux Kaire; il ne leur est p J
permis de se faire inhumer ailleurs. Les Arméniens seuls ont un local à part pou«
ensevelir leurs morts : cette classe de chrétiens n’est pas nombreuse; elle s’élève«
peine à quatre où cinq cents individus établis dans la ville.
Des chrétiens qui résident au vieux Kaire ont conservé l’antique usage d’avoi«
des caveaux funéraires dans leurs maisons, pour y garder les restes de le u r s»
milles. Cette coutume, qui n’est peut-être qu’un reste du culte des anciens Égyp-fl
tiens, est sévèrement proscrite au grand Kaire, soit pour cause de salubrité, soi«
pour des motifs d’intolérance de la part des musulmans. On remarque sur-touH
parmi les principaux Qobtes ce goût pour les sépultures domestiques. Ils ont chois«
des maisons dans un quartier isolé du vieux Kaire pour y établir leurs tombeaux del
famille; ils s’y rendent, du Kaire où ils résident, à quelques époques de Tannée«
et y célèbrent les grandes fêtes de leur secte avec leurs parens et leurs amis. Oi«
ne trouve nulle part ailleurs l’ancien usage des sépultures domestiques.
Les pleureuses et les marques extérieures de désespoir à la mort d’un pi«
rent font sur-tout une partie essentielle des cérémonies funèbres des Qobtes; i ls
poussent même ces démonstrations bien plus loin que les musulmans : ils rem«
plissent les environs de leurs c ris, auxquels succèdent bientôt ceux des pieu«
reuses ; ces gémissemens durent quelquefois plusieurs semaines. Peut-être ménif*
est-il permis de supposer que les Qobtes ont transmis ces pratiques aux musul«
mans de l'Egypte, puisqu’il est vrai que ceux des autres parties de l’Asie ne les!
observent nullement. Un passage d’Hérodote, que nous citerons ic i, prouve égale«
ment que les lamentations feintes ou vraies, auxquelles on se livre pour déplorer®
la mort d’un proche, ont en Egypte une origine des plus anciennes. « Le deuil e fl
35 les funérailles, dit l’historien Grec, se font en Egypte de la manière suivante*
33 quand il meurt un homme de considération, toutes les femmes de sa maison se l
„ couvrent de boue la tête et même le visage ; elles laissent le mort à la maison,
» se ceignent par le milieu du corps, se découvrent le sein, se frappent la poitrine
» e t parcourent la ville accompagnées de leurs parentes ( i ) . >3 Ne trouve-t-on pas
dans ces pratiques des deux nations une analogie d’autant plus grande, qu’Hérodote,
toujours extrêmement concis, semble indiquer encore plus qu’il ne dit effectiv
em e n t ! Ces parentes éplorées tenoient sans doute lieu des pleureuses d’aujourd’hui;
le reste de la description présente la même conformité, à quelques légères
nuances près (2).
Un homme qui sent approcher sa dernière heure, règle ses affaires; et s’il est
prudent, il réunit un petit nombre d’amis auxquels il fait part de ses dernières volontés.
La loi exige qu’avant de procéder à la division des biens, on prélève d’abord
sur le total de l’héritage les sommes nécessaires à la liquidation des dettes, legs
pieux et autres engagemens que le défunt pourroit avoir contractés. Les enfans
légitimes ont le droit de succession ; les enfans naturels ne peuvent hériter sans une
clause expresse du testateur. Ces arrangemens sont pour les mâles seulement : les
filles et les femmes n’ont pas droit à l’héritage des propriétés foncières. Nous parierons
plus longuement de ces lois injustes dans le chapitre suivant, à l’article des
institutions.
La femme peut se remarier quatre mois et dix jours après la mort de son époux,
s’il ne Ta pas laissée en état de grossesse; dans ce dernier cas, il lui est permis de
prendre un autre homme après ses couches. Les fils ont aussi le droit de se marier
à la mort de leur père : mais les bienséances exigent qu’on mette quelque intervalle
entre un événement si funeste et un acte qui demande toujours les démonstrations
d’une excessive allégresse ; ce contraste auroit quelque chose de choquant
et de contradictoire. Aussi les hommes qui se permettroient de faire succéder
les fêtes de Ihyménée aux funérailles de leurs parens, se couvriroient d’une tache
indélébile dans l’opinion publique.
§. III.
Tombeaux.
Le soin des tombeaux, qui porta les anciens Égyptiens à entreprendre tant de
choses prodigieuses, se manifeste encore aujourd’hui chez les modernes par des
travaux moins gigantesques à la vérité, mais d’une magnificence extraordinaire,
relativement à leur état actuel. Une révolution totale s’est opérée dans les moeurs,
(1) Hérod. Iiv. I l , §. 85, traduct. de Larcher, édit.
de 1786.
(2) Diodore de Sicile donne les mêmes détails. « Dès
»quun homme est expiré, ses parens et ses amis, se couvrant
là tête de boue, vont pleurer dans toutes les rues
“jusqu a ce que le corps soit inhumé. » Mais il est encore
bien plus précis, lorsqu’il parle du deuil des Égyptiens à
l occasion de la mort d’un roi. « A la mort d’un roi, toute
"1 Egypte entroit en deuil : on déchiroit ses habits, on
» fermoitles temples, on suspendoit les sacrifices, on ées-
» soit les fêtes pendant soixante-douze jours. Des hommes
»et des femmes, au nombre de deux ou trois cents, la
»tête couverte de boue, et ceints d’un linge sur la poi-
» tri ne, faisoient deux fois par jour des lamentations en
» musique. »( Diod. Iiv. i.cr, sect. 11.)
Voye^ la Description des hypogées, A. D. chap. I X ,
section X , j*. i j , où ces rapprochemens sont fortifiés par
les peintures et les bas-reliefs des anciens hypogées.