PREMIÈRE SECTION.
État moderne de la ville d’Alexandrie sous l’empire
de la Porte Ottomane.
i. L a ville moderne d’Alexandrie, nommée Iskanderyeh par les Arabes, S
nom de son fondateur Iskander [ Alexandre-le-Grand ] , située vers l’extrémité
orientale de la côte d’Afrique, est bâtie sur un banc de sable qui réunit le continent
à 1 ancienne île P/iaros. Cette île , que les atterrissenjens ont transformée en
une presqu’île qui conserve son ancien nom, couvre, du sud-ouest au nord-est,la
ville et ses deux ports naturels, les seuls que l’Égypte possède, sur plus de soixante
lieues de côtes, dans la Méditerranée.
V o ici la position de cette ville d’après les observations de MM. Nouet et
Quesnot, astronomes de l’armée d’Orient :
Degrés (i) de f longitudte orientale du méridien de Paris.................. 27" 35' 30*
( latitude septentrionale............................................... j i . 13. >
L e territoire d’Alexandrie, baigné au nord par la Méditerranée, est resserré au
sud par l’ancien lac Mareotis, dont le vaste bassin, aujourd’hui envahi par les eaut
de la mer, étoit entièrement desséché à l’époque où nous fîmes la conquête de 1 Egypte. Cette irruption des eaux de la mer, dont les désastres sont dus aux efforts
de cette puissance Européenne, notre rivale dans la paix et dans les arts, comme
elle est notre éternelle ennemie dans la guerre, a rattaché d’une manière plus I
marquée le sol de cette ville à cette longue et étroite péninsule qui, formée d’une
chaîne continue de roche calcaire, s’étend du cap d’Abouqyr à l’est, jusqu’au-dell I
de la tour des Arabes, sur sept à huit myriamètres dans le sud-ouest.
2. L e premier des deux ports d’Alexandrie, que tout bâtiment venant de l’Occident
trouve à son arrivée sur cette partie des côtes de l’Afrique, est le port I
vieux, situé au fond d’une rade immense, formée par une ligne de roches cachées I
en partie sous 1 eau et apparentes en partie à sa surface. Les bas-fonds de ces récils
i étendent depuis le cap du Marabou jusqu’au Râs el-Tyn, ou cap des Figuiers,
{*) La position d Alexandrie a été déterminée par divers astronomes, ainsi qu’il suit : '
IN D IC A T IO N
des
DEC RÉS
e
LONGITUDE.
Ëratosthène fixe Alexandrie i ..........................
Ptoléméc, géographe, à..................................
MM. Nouet et Quesnoi, à............................
3'° n 'o o "
3j t1 00 00 31 11 »0 1} s
47 J6 33
*7 3J 3®
La différence des longitudes dans les deux dernières différence est de vingt degrés trente minutes, entre le
observations des astronomes Français est due à celle des méridien de l’île de Fer et celui de l’observatoire de
méridiens pris ultérieurement pour point de départ. Cette Paris à l’est.
situé à la pointe la plus occidentale de la presqu’île du Phare, sur une longueur
de 8300 mètres [4258 toises 3 pieds].
Cette rade a trois passes naturelles, dont la plus profonde et la plus facile,
quoiquinégale et sinueuse, est celle qui, dite du centre, n’existe cependant que
vers le tiers de l’étendue de cette ligne, du côté du Marabou. Cette passe, de
deux à trois cents mètres de largeur, ayant cinq à six brasses dans les parties
les moins profondes, est la seule accessible à des frégates ou à des vaisseaux de
guerre privés de leur batterie. Nos officiers de marine ont pensé que tout vaisseau
qui ne tirera que vingt-trois pieds d’eau, après avoir réduit sa différence à
zéro, peut entrer dans la rade par cette passe, dans son état actuel et sans autre
préparatif On lira toujours avec intérêt la lettre que l’amiral Brueys écrivit au
Gouvernement Français, quelques jours avant le combat naval d’Abouqyr; nous
consignons ici en forme de note cette lettre, qui, par rapport à l’objet de ce
Mémoire, contient des notions qu’il importe de conserver pour l’utilité de la
navigation ( 1 ).
Les deux autres passes adjacentes ont trois à quatre-brasses d’eau, mais de largeur
et de profondeur inégales ; leurs directions sinueuses, sur un fond hérissé
de récifs, en rendent 1 abord difficile : une dernière passe, la plus orientale, n’est
accessible qu aux chaloupes et aux djermes qui font le commerce de cabotage.
Les vents qui facilitent le plus l’entrée des passes de la rade sont tous ceux
qui sont compris entre i’ouest-sud-ouest et l’est-nord-est, en passant par le nord :
ces vents sont aussi les plus forts et les plus habituels; e t, comme ils forment
la moitié de la rose des vents, ils réduisent à un petit nombre les rumbs favorables
à la sortie, quils rendent difficile : en effet, il arrive souvent à des bâtimens
¿attendre, sur-tout dans la saison des vents étésiens, des mois entiers avant de
pouvoir quitter la rade.
Quand on jette les yeux sur cette rade , dont la profondeur et l’étendue
permettent d y recevoir les escadres les plus nombreuses, on regrette que la
nature, qui a tant fait pour la former, sur une plage basse et peu accessible en
tout autre point des côtes, n’ait pas achevé son ouvrage en agrandissant les passes
(1) Lettre de l’amiral Brueys, commandant la flotte Française
dans ¡‘expédition d’Êgyptc, adressée au Directoire
it la République Française.
A bord du vaisseau ¡’Orient, en rade d’Abouqyr,
Je a i messidor an 6 [ 9 juillet 1798 ].
« Le 19 messidor, ayant été reconnu que les vaisseaux
» nepouvoient pas entrer dans le port, à cause du peu de
»pro Ondeur qu il y a à l’entrée, je mis sous voile pour
»a er mouiller à la rade de Béquiers, avec treize vais-
» seaux et trois frégates.
Cette position est la plus forte que nous puissions
»prendre dans une rade ouverte, où l’on ne peut pas
»sapprocher assez de terre pour y établir des batteries,
»et ou deux escadres ennemies peuvent rester à la dis-
» tance qui.Ieur convient.
»où CSt ^c^eux tl n y ait pas à Alexandrie un port
une escadre puisse entrer; mais le port vieux, tant
» vanté, est fermé par des récifs hors de l’eau et sous
» I eau, qui forment des passes fort étroites, et entre
»lesquelles il n’y a que vingt-trois, vingt-cinq et cin-
» quante pieds d’eau : la mer y est ordinairement élevée;
» d ou I on voit qu un vaisseau de 74 canons y seroit fort
»expose, d autant qu’il seroit brisé un quart d’heure
» après avoir touché. J’ai offert, pour satisfaire au désir
» du général en chef, dix mille francs au pilote du pays qui
» feroit entrer l’escadre; mais aucun n’a voulu se charger
» que d un bâtiment qui tireroit au plus vingt pieds d’eau.
» J espere cependant qu’on parviendra à trouver un pas*
»sage dans lequel nos 74 pourront entrer: mais ce ne
» peiy être que le fruit de beaucoup de peines et de soins;
»alors on pourra entrer sans beaucoup de danger. Le
» fond en dedans des récifs va en augmentant jusques à
»quinze brasses; mais la sortie sera toujours très-longue
» et très-difficile, et dés-Iors une escadre y seroit très-mal
» placée. »