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31. Indépendamment du nombre des citernes, on compte encore dans l’en
ceinte Arabe soixante-treize puisards, de 15 à 20 mètres de profondeur 0-
reçoivent les eaux du Nil par des dérivations souterraines du khalyg, dont non
parlerons plus bas. Ces immenses réservoirs, de forme circulaire, et dont le fonj
est inférieur de 10 à 12 mètres au niveau de la mer, servent à alimenter les
citernes au fur et à mesure de la consommation, et contribuent aussi à l’arrosage
des jardins que l’on cultive dans l’enceinte. L ’eau en est retirée au moyen de i
roues à pots en forme de chapelet. Ces machines, d’une construction rustiauej
sont mises en action par des boeufs que la province de Bahyreh est tenue de
fournir tous les ans à la ville d’Alexandrie.
32. Les travaux de réparations et d’entretien des citernes étoient confiés aoe
soins, et à la surveillance d’un tchourbâgy sous l’autorité du kâchef ou gouverneur
de la ville (1). On affectoitau curement annuel de ces citernes une somme I
assez considérable, dont partie étoit divertie. Ces travaux, comme on doit leI
penser, sont de la plus haute importance, puisque de leur exécution dépend!
l’existence des habitans d’Alexandrie. Mais l'entretien et le curement de cal
citernes, ainsi que ceux de tous les canaux de l’Égypte, étoient et seront mal-1
heureusement long-temps encore mal exécutés, ou même abandonnés, tant qu’ils I
seront livrés à la cupidité la plus coupable des agens qui en ont l’inspection. |
33. Alexandrie, comme on le voit à l’article du canal de cette ville dans le I
Mémoire sur le canal des deux mers, ne reçoit d’eau douce que par le canal qui, I
prenant l’eau du fleuve à Rahmânyeh, traverse de l’est à l’ouest la province de I
Bahyreh, sur une longueur de 93,530 mètres. Ce canal, très-sinueux, est tra-l
versé, aùx environs d’Alexandrie, par quatre ponts, les seuls que l’on trouve sur I
son cours (2). Ces ponts, en arches surhaussées et en ogive, sont de construc-l
tion Arabe et en assez mauvais état. L e canal, dont les historiens Arabes nous I
ont donné de si pompeuses descriptions, et sur les bords duquel on trouve uni
grand nombre de citernes et d’autres anciennes constructions, n’offre plus que le; |
dimensions d’un fossé qui, quoique presque comblé, se rend encore dans la ville, I
où il distribue l’eau du fleuve dans tous les puisards par quatre dérivations sou-1
terraines. L a plus occidentale de ces dérivations est le prolongement même du I
( ') !•« sommes affectées annuellement aux dépenses
des réparations des citernes de la ville varioient, comme
celles du canal d'Alexandrie, de 20 à 25,000 piastres de
40 médins, faisant de 28,571 livres 10 sous à 3 5,714 livres
7 sous, monnoie tournois. Au moyen de ces sommes, le
gouverneur répond sur sa tête de l'approvisionnement annuel
de l ’eau dans les citernes de la ville. L’acte de cette
importante opération est dressé authentiquement et envoyé
en forme au pâchâ du Kaire. Cet acte contient le
procès-verbal qui constate que toutes les citernes ont été
remplies de l’eau nécessaire à la consommation de la ville
pendant l’année.
Le tchourbâgy, en outre de ces sommes, recevoit une
rétribution de 3 JjSoo médins, ou de 1278 livres 11 sous,
dont 850 lui étoient payées par le kâchef, et 428 par les
douanes.
M. Olivier parle de cet objet avec quelques détail;,
dans la relation de son voyage dans l’empire Othoman,
l’Egypte et la Grèce, tome I I I , pag. 1 et 78.
Onpeutvoir encore, àce sujet,le Mémoire sur le canal
des deux mers, section n i , §. n i , page 129, touchant
le canal d’Alexandrie; et celui de M. Estève sur les
finances de l’Égypte, page 373, É. M. tom. I."
(2) On peut voir sur la carte des ports et rades
d’Alexandrie le point de ce canal où les Anglais réunis
aux Turcs en onr opéré la coupure. C’est par cette sai- 1
gnée que, dans les mois d’avril et de mai de l’année 1801,
la mer versa ses eaux dans le bassin du Mareotis par le
lac Ma’dyeh, et qu’elle submergea près de tr e n te villages
d une province que les eaux du Nil seules devoient fertiliser
, comme dans les temps de l’existence de cette an- i
cienne province.
SUR LA VILLE D’ALEXANDRIE. ¡ 9 1 :
canal, qui va se jeter dans la mer au port vieux, sous la forme d une aiguadè. C ’est
à cette aiguade, si nécessaire a un établissement maritime, et qui, dans ce port,'
ressemble à un véritable égout, que les bâtimens vont faire de l’eau dans le temps'
de la crue du fleuve ( i ).
; Au milieu des ruines que 1 on vient de parcourir, on ne trouve plus lien
qui puissé attiier la vue et arrêter lés pas du voyageur attristé, que- la verdure
de quelques plants de palmiers dans les jardins situés autour des habitations
isolées qui lès renferment. Indépendamment du palmier, on trouve clans ces
jardins le figuier, le mûrier, le grenadier, l’abricotier, le citronnier, l’oranger,
le jujubier, le henne et d autres arbustes. Parmi les légumes, on y cultive l’aubergine,
le chou, la laitue, la chicorée, l’artichaut, &c. La fraîcheur dont on jouit
dans ces jardins, d ailleurs assez mal disposés, les rend d’autant plus agréables;
qu’on est obligé, pour y pénétrer, de se frayer un chemin dans la poussière blanchâtre
et saline d’un sol brûlant.
35. Si Ion sort de cette enceinte pour en parcourir les dehors, on ne
trouve qu’un seul monument, que son élévation fait apercevoirde la haute
mer; je veux parler de cette colonne colossale, digne d attirer les premiers
regards du voyageur qui se rend en Egypte par Alexandrie. Cette colonne, qu’on
aperçoit au sud de 1 enceinte 'Arabe , est située sur un mamelon de 1 2 à 15 mètres '
de hauteur, dans lequel on remarque des masses considérables d anciennes constructions
: c est sur ce tertre qu’est élevée cette colonne monumentale en granit
Oriental, dont le fut monolithe, de 6 ^ 1“ 31 ou de 20” j o de longueur, sur
10° 81 ou 2m,56 de diamètre moyen, pèse 573,730 livres, poids de marc,
ou 281,128 kilogrammes 70 décagrammes, non compris son soubassement, sa
base et son chapiteau, dont la hauteur est de 25d 4° 91 ou de 8m,25 ; ce qui
donne au monument 88J 6° ou 28“ ,75 de hauteur totale. Cette colonne, qui a
etc jusquici improprement appelée colonne de Pompée , paroît avoir été élevée
en l’honneur de l’empereur Septime-Sévère (2). On peut dire qu’elle ressemble
(1) On a marqué par'des carrés inscrits au trait ponctué
sur les dérivations du canal d’Alexandrie lesregardsde
ces aqueducs. Ces regards sont destinés à donner de l’air
« de la clarté dans ces aqueducs souterrains, et à en faciliter
les curemens et les autres réparations annuelles.
M. de Maillet, que nous avons déjà cité, parle d’autres
canaux souterrains qui, de son temps ( de 1692 à 1,732),
portoient les eaux du Nil, suivant toute la côte,d’Alexandrie
a Abouqyr a l’est, c’est-à-dire, sur plus de 20,000
mètres, et de 5 à 6000 peut-être sur la côte des catacombes
au sud-ouest. Ce cônsul Français, qui résida
quarante ans en Egypte, dit positivement que le canal
souterrain qui s etendoit à i’est, étoit assez spacieux pour
qu un homme' pur y passer debout et à l’aise. C ’est ce que
ion observe en effet dans les quatre dérivations du sud.
On doit penser que le canal dont parle M. de Maillet, est
Jancien canal à ciel ouvert, que l’on aura recouvert par
asuite des temps, et qui, d’Alexandrie, se rendoit à Ca-
uope et à Héraclée, aujourd’hui Abouqyr.
(2) Abou-I-fedâ, prince de Syrie, historien et géographe
Arabe, vivoit en 1383. Cet écrivain dit que, de
son temps, la colonne portoit le nom de Septime-Sévère,
comme ayant été élevée par les Alexandrins en recon-
noissance des bienfaits qu’ils reçurent de cet empereur¿
qui visita l’Egypte l’an 200 de J. C. Sans doute que du
temps d’Abou-l-fedâ l’inscription Grecque, qué l’on entrevoit
encore, mais qui est illisible aujourd’hui; étoit assez
bien conservée pour attester ce fait historique. Un savant
Anglais, qui seroit, dit-On, parvenu à là déchiffrer après
notre départ, prétend que cette inscription porte en effet
que cette colonne a été érigée en l’honneur de Septime-
Sévère.
M. de Chateaubriand, qui visita cette ville en octobré
et décembre 1806, donne cette inscription Grecque, dont
la traduction est : Âu très-sage empereur d'Alexandrie
Dioctétien Auguste7 PoIlion,-préjet de tÉgjpie. Mais cette
inscription ne détruit pas, scion moi, les témoignages
qui attribuent l’éreefion de laeolonnè-à Séptinie-Sévère.
Voir l’Itinéraire de Jérusalem à Pdris par M. de Chateaubriand,
tom. 111, pag. 100, &c.
On peut voir la description spéciale qu’a donnée de
cette colonne M. Norry, architecte, et membre de la