détails au Mémoire que M. Jomard a composé sur la population comparte l \
l ’Egypte ancienne et de l'Egypte moderne. L ’auteur, ayant appuyé ses calculs sur des
données plus exactes que celles qu’on avoit eues jusqu’alors, et ayant mis en
balance le nombre des décès, la fécondité des femmes, le montant des impôts<
la consommation des grains, et d’autres considérations d’économie politique, est
ainsi parvenu à des résultats que nous regardons comme voisins de la vérité. ¡
Après avoir relaté la population des principales villes de l’Egypte, constatée!
sur des documens authentiques, tels que les registres des contributions territoriales
tenus par les administrateurs Qobtes, les tables nécrologiques dressées an
Kairc par les soins de M. des Genettes pendant les trois années de notre expédi-|
tion, ainsi que divers recensemens faits par les ingénieurs Français, M. Jomard tire
les inductions suivantes pour la population en général. Nous nous bornons à]
citer ici le passage de son résumé où sont contenus deux résultats approximatif I
obtenus par deux supputations différentes : « La détermination de la vraie super-l
» ficie du sol, comparée à celle d’une partie du pays dont la population est con-l
» nue, fournit un résultat très-vraisemblable, qui, joint au nombre des habitant
» du Kaire et des villes principales, monte en total à z ,442>2° ° habitans. En
» second lieu, nous avons trouvé 3600 villages dans le pays , et 534 habitans,
» terme moyen, par village : résultat pour les 3600 lieux habités, 2,102,400 indi-;
» vidus; et en y ajoutant les villes, on a 2,467,100. »
D ’après ce qui précède, nous fixerons donc la population de l’Egypte à environ:
deux millions et demi d’habitans. Nous ne comprenons point dans ce nómbreles
tribus Arabes qui peuplent les déserts, et qui ne sauroient être assujettis à unj
dénombrement exact. D ’après la nomenclature formée par M. Jaubert, le nombre
des cavaliers Arabes s’éleveroit à 27,000 : si l’on ajoute au moins autant d’hommef
à pied et un nombre proportionné de femmes et d’enfans,le total de ces uifciii
monterait à environ 130,000 ames.
Pour donner au lecteur une idée des diverses classes d’habitans qui composes»
en Egypte la population d’une ville, nous mettons ici sous ses yeux le tableau del
la population du Kaire. Le séjour de l’armée Française dans cette capitale a singufl
fièrement facilité nos recherches ; et nous pouvons nous flatter d’avoir acquis peri
sonnellement à cet égard des notions très-vraisemblablés.
En 179 8 , le Kaire renfermoit 250 à .260 mille individus, en y comprenais
les Mamlouks et les négocians étrangers. D ’après un autre calcul fait antérieu-J
rement à l’expédition, on comptoit 300,000 personnes, et cette population pou-j
voit se diviser ainsi :
Mamlouks, y compris la milice des Oïljnqly et généralement tous les corps formés
d’esclaves, affranchis dans la suite comme les Mamlouks..........................................
Propriétaires............. ..................................................................................................................
Négocians dont les spéculations s’étendent à l'extérieur....................................................
Dans ce nombre sont compris les marchands étrangers, qui ne se fixent au Kaire que
pour un certain temps, comme ceux qui ont leurs magasins h Khan el-Khalyly, et qui,
22,000.«
pour
Ci-contre .................
pour la plupart, ne sont point établis : il en est de même de ceux de Smyrne, de
Constantinoplé, de Bagdad, d’A Iep, de Geddah, d’Yaribo’, & c . & c . : ils arrivent'au '
Kaire avec des marchandises qu'ils vendent, et iis partent trois ou quatre mois après,
avec d’autres denrées en retour.
Artisans établis, tant maîtres que simples ouvriers. . ................. ...................................
Petits marchands en détail, qui débitent des comestibles, de ,l'huile, du riz, des
légumes et autres articles . . . . . . . ............................................... . . . . . . . . . .
Ceux-là n’ont point de capital; ils vendent le jour ce qu’ ils ont reçu la veille à
crédit des marchands en gros, et paient avec le produit des ventes de la semaine. C e
petit commerce est rarement heureux; le débitant s’arrière de jour en jou r, et finit
par l’abandonner pour retourner à une profession inférieure.
Cafetiers, c’est-à-dire, les teneurs des boutiques où les hommes de toute profession
se rendent en foule pour prendre le café, le sorbet, fumer et entendre les
musiciens et les conteurs...................................................................................................
Ces hommes achètent chaque jour ce qu’ils jugent nécessaire pour la consommation
de 1a journée. Cette branche d’industrie nécessite peu de frais; cinquante pataquès (i)
suffisent pour monter un beau ca fé , payer la maison qu’il occupe, et se fournir des
meubles et ustensiles nécessaires (2).
Domestiques mâles, qaouas [ bâtonniers ] , sàys [ palefreniers ] , saqqâ [ porteurs
d!eau ] , farrâch [ valets de chambre ] , & c .................................................................
Ouvriers,' porte-fàix, journaliers , inanouvrièrs, &c......................................................
5 ,00 0.
Les femmes adultes peuvent s’élever à . .
Et les enfàns des deux sexes, à.................
T o t a l des adultes mâles.
T o t a l g é n é r a l ( 3 ) .
2,
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‘ 99»,000.
126.
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75:
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Parmi les 99,000 individus mâles, on peut en compter au moins 36,000 qui
n’ont point de femme, la plupart à raison de leur âge. Il n’est guère de famille
un peu à l’aise qui n’ait au moins quelques esclaves négresses. Les Européens
établis en Egypte peuvent- en acheter aussi, pour les employer à leur service; ce
qui n’est pas permis dans les autres états du Grand-Seigneur.
Sous le gouvernement d’A ’ly-bey, on comptoit au Kaire 22,000 animaux de
louage, tant ânes que chameaux, chevaux et mulets; le nombre de ces derniers
étoit infiniment moindre : aujourd’hui l’on peut évaluer sans exagération à plus de
30,000 la quantité des ânes employés pour les courses dans la ville ou aux environs
et pour le transport des fruits et des herbages. Les Égyptiens ne connoissent
pas l’usage des voitures pour charier leurs marchandises ; ce qui multiplie pro-
djgieusement le nombre des animaux qui leur en tiennent fieu. L e chameau est
employé pour les longs voyages : l’âne partage les travaux des jardiniers; et comme
il ne demande pas à beaucoup près autant de soin que le cheval, il sert encore de
(0 La pataque représente 90 parats. Pendant notre
séjour en Egypte, le parat valoit à peu près 4 centimes,
auparavant 7 centimes £ : aujourd’hui sa valeur a beaucoup
diminué.
(2) En Turquie, comme en Egypte, on trouve une
multitude d’établissemens de ce genre: tout leur ameu-
lement consiste en une espèce de banc long et circu-
ou carré, suivant la forme de la salle, sur lequel
È. M. TOME II, 2.« partie.
Iaire
on étend une natte. C’est là que s’accroupissent les Turcs
pour fumer la pipe, réfléchir et prendre le café sans sucre.
Ces lieux de réunion se nomment en turc kaffenai.
Ils sont tenus ordinairement par les chefs de koulouk
ou poste militaire.
(3) M. Jomard, d’après un calcul fondé sur le rapport
qui existe entre le nombre des décès ou des naissances et
la population, fixe celle du Kaire à 263,700 habitans.
A a a