C ’est à la beauté de cette situation que l’île de Roudah est redevable d’un grand
nombre de maisons de plaisance dont elle fut couverte à différentes époques, et
parmi lesquelles se faisoient principalement remarquer celles de plusieurs khalyfes
qui gouvernèrent 1 Egypte. Sa position au milieu du N il, à peu de distance du
lieu où le siège du gouvernement étoit établi, permettoit de s’y fortifier avec
avantage contre l’invasion des Croisés, et l’on y construisit une citadelle l’an638
de l’hégire, 1 2 4 1 de l’ère Chrétienne.
Cette île tomba au pouvoir des Français aussitôt après la bataille mémorable
des Pyramides : pendant la nuit máme qui suivit cette journée décisive, la division
qui étoit sous les ordres du général Menou, passa la branche du fleuve qui la
sépare de Gyzeh, et s’en empara.
Plusieurs manutentions utiles au service de l’armée furent dès-lors placées dans
cette île : on y établit une boulangerie, e t, par la suite, une poudrerie considérable
, dont la direction fut confiée à M. Champy père ( 1 ), membre de l’Institut da I
Ka ire , auquel fut adjoint feu M. Champy son fils, jeune homme d’une grande I
espérance, qui devint une des principales victimes de la contagion pestilentielle, I
et dont la Commission d’Égypte déplora bien justement la perte prématurée.
Lorsque la ferme d’Ibrâhym-bey (2), sur la rive occidentale du Nil, en face de I
l’île de Roudah, fut devenue un poste militaire, on réunit ce poste à l’île de Roudah I
par un pont de bateaux qui traversoit la petite branche du Nil.
Un autre pont de bateaux fut bientôt après construit sur le bras le plus considé-l
rabie du fleuve, et établit ainsi une communication directe entre le Kaire , l’île etI
Gyzeh.
C H A P I T R E II.
H istoire d u M cqyas sous les K h a ly jès Om m iades, A bbassides et FatéinitesM
de l a it ÿ 6 ¿le l hégire a l ’an j â y .
C e t t e première partie de l’histoire du Meqyâs de l’île de Roudah, qui corn-1
menee avec le 1 egne du khalyfe Ommiade Soleymân ( 3 ) , treizième successeur I
de Mahomet, et fondateur de ce Nilomètre, s’étend jusqua l’établissement de laI
dynastie des Ayoubites sur le trône d’Égypte, et comprend un intervalle d’environ I
quatre cent soixante-onze ans.
§. I."
Première E poque du M eqyâs : Fondation de ce Monument sous le Khalyjt I
Soleymân.
Nous avons v u , dans le dernier chapitre de la première partie , l’Égypte I
tomber sous la domination des khalyfes : elle continuoit, à cette époque, d’être I
( ') Maintenant administrateur général des poudres et (a) ¡MJym-beyk tiL, asIjjJ.
sa petres. (3) Soleymân ebn A ‘bd-el-Meleh ulUI oea ^,1 yl^L-
• soumise
soumise à l’autorité de ces souverains, qui avoient alors établi à Damas (i) le siège
de leur vaste empire.
Soleymân, huitième prince de la famille des Ommiades, étoit fils puîné du
khalyfe Ommiade  ’bd-el-Melek (2), et petit-fils du khalyfe Merouân (3) ; il
monta sur le trône l’an 96 de l’hégire [7 1 5 de l’ère Chrétienne], et succéda à son
frère aîné, le khalyfe Oualyd (4).
La première année de son règne, le Nilomètre que son oncle A ’bd -e l-A’zyz,
fils de Meiouan, avoit fait construire a IIelouan, fut renversé, comme nous
l’avons vu ci-dessus (y).
Asâmah, surnommé el-Tenoukhy (6), fils de Yezyd ( 7 ) , suivant el-Makyn, ou
de Zeyd (8), suivant A ’bd-el-Hokm e f el-Maqryzy, étoit alors intendant’’ ou
administrateur des finances de i’Égypte au nom du khalyfe (9) : il s’empressa
d écrire à son souverain pour lui rendre compte de cet événement. C e prince
lui ordonna de ne point rétablir le Nilomètre détruit, mais de le remplacer par
l’érection d’un autre dans l’île qui est située au milieu du N il, entre la branche
de Fostat (10) et celle de Gyzeh. En exécution de cet ordre, Asâmah fit jeter
les fondemens du premier Nilomètre de l’île de Roudah.
C e Nilometre ,.le plus célèbre de to u s ,-e t qui est particulièrement connu
sous le.nom de Meqyâs \ 1 1), fut donc commencé cette même année ; on travailla
(1) Demechq ou Dimechq ¿ i o . Les auteurs de l’antiquité
connoissoientsous le nom de Damascus cette ville,
qui ne le cède en célébrité à aucune autre de la Syrie;
elle fut la métropole de la province appelée Phénicie du
Liban. Les agrémens de sa situation dans une vallée.que
des courans d’eau fertilisent et rafraîchissent, et qui est
fameuse chez les Orientaux sous le nom de Ghytah Demechq
j j x o aW [verger de Damas], sont des garans
de la haute antiquité de cette ville, comme c’est à eux
qu’il faut attribuer son rétablissement après diverses calamités
qui sembloient chaque fois devoir l’anéantir pour
jamais. Un fleuve, nommé par les Grecs Chtysorrhoas,
Xfvcffia; [courant d’o r ] , suivant Sirabon, Pline e’t
Ptolémée, se partage en différens canaux dans la ville
commedans les environs. Étienne deByzance (liv.xvi,
Tag' 755) donne aussi le nom de Bardine, d’où dérivé
le nom actuel de Barade, ou Banda; comme l’écrit l’au-
teurdu Qâmous.
Damas tomba au pouvoir des Musulmans au mois de
regeb de l an 14 de l’hégire [635 dé l’ère Chrétienne],
sous le khalyfat d’O’mar, second successeur de Ma-
homet.
& tilUI ouus,
fils aine de Merouân, et onzième successeur de Mahomet
mourut pan 86 de l’hégire [705 de l’ère Chrétienne]!
( Voyez tom. I l , pag. SB, noce 6. )
(3) Merouân ben el-Hahem -JÜ! ^ ^ , cst d -si.
gne par nos historiens sous le nom de Merouân 1 " ■
.1 succéda au khalyfe A ’bd-allah ben-Zobeyr «| "
f é S u f V -‘ T ." ',3. - 1"’ ’ e trÔ" e en r*n 64 de l’hégire
[684 de ere Chrétienne], Son régne ne fut pas d’une
T ? " ere' 11 e“ ‘ pour sooeesseur son fils aîné A’bd-
el-Melek. ( Voyez tom. I I , pag. SB, note y. )
É. M. T O M E I I , y partie.
(4) Oualyd ben A ’bd-el-Meleh tilUI ou* ^ fut
le douzième khalyfe après Mahomet, et le septième de
la famille des Ommiades. II succéda à son père A’bd-el-
Meiek, et monta sur le trône l’an 86 de l’hégire [705 de
l’ère Chrétienne], Après un règne de dix ans, il mourut
1 an 96 de l’hégire [ 71 j de l’ère Chrétienne], et.eut pour
successeur son frère Soleymân.
(5) Tome I I , page 83. Voyez le n.° 37 des textes à la
suite de ce Mémoire.
(6) Asâmah el-Tenoukhy «^Lf.
(7) Ben YrQtd 00J j Voyez, ci-après, le n.°31 des
textes insérés à la suite de ce Mémoire.
(8) Ben Zeyd oaj
(9) A ’âmel k/ierâg Mesr
[>*■ Voyez le
n.° 39 des textes à la suite de ce Mémoire.
(10) El-Fostât iL L jJ I Lorsque A’mron ben el-Aas
(voyez tom.II, pag. 86, note q) porta la guerre en
fi-gypte , d fit dresser sa tente dans le lieu où est maintenant
située la ville de Fostât : une colombe y étant
venue faire son nid, A ’mrou , lorsqu’il partit, ne voulut
point quon le dérangeât, et ordonna de laisser sa tente
toute dressée en cet endroit. Quelque temps après repassant
par le même lieu, et voulant qu’on gardât le souvenir
de cette action, H fit bâtir à la même.place une
ville, a laquelle il donna par ce motif, le nom de
Fostat qu, signifie mare. On l’appelle aujourd’hui le Vieux
(11) Le mot meqyâs, ^ U , signifie proprement en
arabe mesure, instrument de mesurage, et vient d e là
racine ^Is qds, mesurer, comparer une chose avec
une autre.