L ’accusation d’adultère est la plus grave de toutes celles qu’un mari puisse J
tenter à sa femme; mais le législateur a rendu cette imputation si difficile à prouver!
qu’on cite bien peu d’exemples de femmes convaincues et punies pour ce crime]
Cependant, lorsqu’un homme jure cinq fois devant le qady que son epouse lui ®
été infidèle, et que celle-ci jure le contraire par les mêmes sermens, le magistral
prononce le divorce , et leur séparation est éternelle. Il est inutile de dire que Jçf
gens d’un rang distingué et même d’une condition médiocre évitent le scandalj
d’un pareil jugement ; le petit peuple et les hommes éhontés s’exposent seuls à cett'
flétrissure pour satisfaire leur vengeance, ou leur passion pour la débauche.
Une femme ne peut de son plein gre quitter la maison de son époux : s il exist
entre elle et lui une antipathie de caractère, quil la négligé ou la maltraite, ell
peut l’engager par des offres avantageuses a consentit a leui séparation; s il s
refuse, et qu’il persiste dans ses mauvais procédés,.elle s’adresse au qâdy. Qk
magistrat examine la plainte, et prononce le divorce lorsquil la reconnoit fonder!
L a femme ne perd aucun de ses droits relie conserve sa dot et tous ses privilégesL
dans le cas où le mari accepteroit le divorce proposé par la femme, il ne pourrai
la reprendre dans la suite qu’en contractant avec elle un nouveau mariage.
Chez un peuple où la femme n’est presque jamais du choix de celui qui lep o u si
le divorce doit être bien plus fréquent que dans les contrées où l’union conjugal!
est le résultat d’une inclination mutuelle; il le devient plus encore par la facilitl
que les lois y accordent aux maris : c’est ce qui arrive en Turquie et en É gypJ
Malgré les ménagemens que Mahomet recommande aux maris envers leurs femmes!
malgré l’obligation qu’il leur impose de les garder trois mois encore après uneprel
mière rupture, le divorce est assez ordinaire : il est vrai qu’une femme répudié!
n’est point déshonorée, et qu elle trouve facilement un autre époux, mais !
moeurs souffrent toujours d’un pareil relâchement. Toutefois nous devons ici à i l
vérité de dire que les progrès de la civilisation ont rendu cet acte scandaleux assez
rare dans les premières classes de la société, et qu’il y est presque regardé comnj
déshonorant. Heureuses les nations chez lesquelles la raison et la morale peuveJ
déraciner les abus, et sur-tout ceux qui flattent le plus les passions! T el est i l
caractère des Égyptiens, et nous avons eu lieu de nous en convaincre pendai
notre séjour dans leur patrie : le moment viendra peut-être où l’on fera des effoii
pour les rendre à la civilisation, aux sciences et aux arts; de pareils efforts, noii
osons le dire, n’auroient rien de pénible, et le succès'iroit même au-delàdl
espérances.
Nous finirons cet article par quelques considérations générales sur l’existence
la manière d’être des femmes en Egypte. Ce sexe, qui est l’objet de toute notre«
licitude et de tous nos égards, est bien loin, comme nous l’avons remarque j j
qu’ici, de jouir des mêmes avantages parmi les Mahométans; la femme, isolée«
la société, est condamnée à une nullité absolue : a peine si 1 opinion des mus«
mans la met au nombre des êtres qui ont reçu l’intelligence et le privilège de1 1
raison. O ’mar est l’auteur de l’avilissement dès femmes; en les em p ê ch an t de 1® |
ticiper aux devoirs de la religion, il signa 1 arrêt irrevocable de leui degiadat |
morale. Mahomet n avoit pas été si loin, quoique son système religieux soit également
préjudiciable au beau sexe. Sans doute que, pour étayèr l’échafaudagé
monstrueux de son prétendu paradis, il devoit en exclure les femmes mortelles:
mais n auroit-il pu trouver un moyen plus équitable d accorder le merveilleux avec
la raison et la justice !
Les hommes, en n’accordant aux femmes qu’une nature bien inférieure à la
leur, ont pour elles une sorte de mépris et de pitié dédaigneuse qui expose souvent
ces dernières à leurs injures, ou même aux terribles effets cïe leur brutalité.
Ce n’est point le mari qui peut maltraiter sa femme, comme nous l’avons déjà dit :
mais, avant le mariage, ces malheureuses sont exposées aux violences de leurs párenseles
courent encore les mêmes risques en redevenant libres, et souvent
elles ne peuvent s’en garantir en puissance de mari. Il est inutile de faire observer
que ces reproches tombent particulièrement sur le bas peuple des villes et sur les
gens à peine civilisés qui habitent les campagnes. Un Osmanly ou un notable
Égyptien regarderoit l’action de frapper une femme comme un acte aussi coupable
que honteux : mais cette maniéré de voir, toute sage , humaine et juste, n’est
malheureusement pas générale, et la loi ne la fortifie pas du poids de son autorité.
L’anécdote que nous allons Citer fera connoître l’opinion dès musulmans sur les
femmes : nous pourrions citer Une foule d’exemples ; iiotis nous bornerons aü
suivant, où nous avons joué nous-même un rôle.
Nous étions au village de Rahmânyeh lorsqu’une femme et plusieurs hommes sé
réfugient dans la maison de l’un de nos collègues, et tombent à ses genoux en lui
demandant justice ou plutôt vengeance; car les Orientaux emploient ce dernier
mot de préférence. L a femme étoit couverte de sang : il la relève, la rassure, et
reconnoît qu’elle a été frappée à la tête; alors il veut ôter le voile qui lüi couvre
le visage, mais elle résiste; il fait un nouvel effort, arrache le voile, et la malheureuse,
qui, dans cet état de souffrance, conservoit encore le sentiment des devoirs
imposés à son sexe par les Usages dé son pays, se couvre le visage avec ses déux
mains. Notre collègue, respectant ses préjugés, coupe les cheveux autour de la plaie,
la panse lui-même faute de chirurgien, et pose l’appareil avec les morceaux d’une
chemise qu’il déchire à cet effet. Cependant plusieurs Qobtes et des musulmans
étoient présens à cette opération : ils né purent s’empêcher de manifester hautement
leur surprise et même leur indignation de voir un homme revêtu d’un
caractère public s avilir au point de panser un être aussi méprisable qu’une femme
Iétoit à leurs yeux. Indigné d’une pareille barbarie, il voulut les chasser; ils continuèrent
a dire qu’il se déshonoroit.
« Cependant, ajoute notre collègue, j’allai chez le commandant de la province
” et lui exposai toute I affaire; il maccorda plein pouvoir pour le châtiment du
” coupable, que j’avois fait arrêter. D e retour chez moi, j’y trouvai cet h omm e.__
>’ Est-ce toi,barbare, qui as si cruellement traité cette infortunée! — Qu oi! vous
” Pensez qu il y ait de la cruauté à battre une femme ! me répondit-il en riant.__
" Et le sang que tu as répandu ! — L e sang clemande le sang pour les hommes, ré-
* P iqua-t-il ; il n’en est pas de même à l’égard des femmes. Indigné du calme qu’il
£ M. T O M E I I , 2.« parue. F f f i