
La portion de terrain donnée à lever à chaque ingénieur renfermoit toujours
plusieurs de ces points. Il partoit de l’un d’entre eux, en se dirigeant sur un
objet éloigné, mais le moins distant que possible de la direction de celui de
ces points où il devoit arriver ; il mesuroit à la chaîne en cheminant sur cette
direction; à chaque distance de 1000 à 2000 mètres, et à tous les points qui
paroissoient favorables, il faisoit une opération à la planchette ou au graphomètre,
pour rayonner tous les objets environnans et les plus apparèns ; lorsque plusieurs
de ces rayons, tirés des diverses stations sur le même objet, ne formoient qu’une
feule intersection, il avoit la preuve qu’il avoit bien opéré.
Arrivé à l’objet sur lequel il s’étoit porté, il se dirigeoit sur un second en
opérant comme il vient d’être dit, jusqu’à ce qu’il fût arrivé à un nouveau point
astronomique, dont la distance au premier, étant donnée par le calcul, servoit à
vérifier la longueur de la corde qui sous-tendoit la ligne brisée par laquelle l'ingénieur
avoit cheminé. Cette manière d’opérer étoit la seule à employer pour
l’Egypte, qui est une vallée longue et étroite, peu boisée, unie, et où l’on peut
toujours mesurer facilement. En effet, on ne trouva en général que de très-
petites différences à corriger entre les distances ainsi mesurées et celles qui étoient
déterminées par les observations astronomiques.
Il arrivoit souvent qu’aux limites des provinces on n’avoit point de position
astronomique pour y rattacher ses opérations; dans ce cas, l’ingénieur le premier
arrivé à une limite mesuroit une base d’au moins 2000 mètres, et, des extrémités
de cette base, il tiroit des rayons visuels sur tous les objets remarquables:
l’ingénieur chargé de la province limitrophe empioyoit la même base et rayon-
noit les mêmes objets remarquables, qui servoient ainsi de points de repère pour
rattacher son travail à celui de son collaborateur, avec lequel il avoit d’abord eu
la précaution de s’entendre.
T e lle est la méthode qui fut prescrite à chacun des ingénieurs pour'établir les
bases nécessaires aux détails topographiques, détails qui devoient être levés à
l’échelle d’un mètre pour 4oooo.
Nous passons maintenant à celle qu’on empioyoit pour les reconnoissances
faites au pas et à la boussole, soit dans le désert, soit dans l’intérieur de l’Égypte,
afin de faire juger du degré de confiance qu’elles méritent.
Après avoir placé la boussole sur le lieu choisi pour opérer, et l’avoir mise
de niveau, on dirigeoit l’alidade ou la pinnule dans la direction qu’on se propo-
soit de suivre. Pendant que l’aiguille aimantée se fîxoit, on figuroit sur le papier
le terrain et les objets qui se trouvoient autour du point de station; et l’on
indiquoit par une ligne l’orient de la boussole. Cela fait, on observoit le nombre
de degrés que la direction de la pinnule faisoit avec l’aiguille aimantée : on tra-
çoit cette direction par une ligne au bout de laquelle on écrivoit le nombre de
ces degrés ; avant de l’écrire, on avoit le soin de diriger la pinnule sur un autre
objet; on figuroit cet objet sur le papier, et l’on écrivoit aussi à côté l’angle qu’il
faisoit avec l’aiguille aimantée : on faisoit la même opération pour tous les objets
visibles qui étoient à proximité du point de station, comme pour ceux qui
se trouvoient à de grandes distances. Ces opérations terminées, on continuoit
sa route en regardant à sa montre l’instant du départ, et l’écrivant à côté de la
station. Arrivé à un lieu où la route pouvoit changer de direction, ou que l’on
croyoit propre à faire une seconde station, on s’y arrêtoit et l’on regardoh l’heure
à sa montre; on plaçoit au même instant la boussole, en dirigeant la pinnule sur
l’objet que l’on venoit de quitter, ou dans la direction de la route que l’on ve-
noit de parcourir: pendant que l’aiguille se fixoit, on marquoit le point de station
où l’on se trouvoit; on figuroit la route que l’on venoit de suivre, et l’on
écrivoit le temps que l’on avoit employé à la parcourir, ainsi que l’angle ou le
nombre de degrés qu’elle faisoit avec la direction de l’aiguille aimantée, qu’on
avoit soin de tracer à chaque station. On prenoit également l’angle que faisoit
avec cette direction la route que l’on avoit à parcourir. On opéroit ensuite avec
les mêmes procédés qu’à la première station. Cette deuxième station terminée,
on passoit à une troisième, et ainsi de suite. Si l’on ne pouvoit pas faire de station
à tous les objets que l’on rencontroit dans sa marche, on les figuroit et l’on
indiquoit à côté le nombre de minutes qu’on avoit employé pour y arriver, en
partant de la dernière station.
Pour apprécier le temps de la marche, on mesuroit à la chaîne, soit en plaine,
soit dans les montées, soit dans les descentes, une distance parcourue dans une
minute ou dans un temps donné; on la mesuroit ensuite au pas, pour savoir
combien on pouvoit en faire dans ce temps donné, et quelle étoit la longueur
en toises ou en mètres ; et de temps en temps, étant en route, on avoit l’attention
de compter le nombre des pas faits dans une minute, afin de connoître
plus exactement les distances que l’on parcouroit dans cet espace de temps.
Cette méthode de lever une route, en suivant une armée ou une caravane,
est généralement bonne ; mais elle demande une grande attention pour coter
exactement les angles et les distances parcourues, et pour n’en point oublier.
Voici maintenant 1 analyse de l’instruction qui fut donnée à chacun des ingénieurs
chargés de lever la carte des provinces, pour l’uniformité des opérations.
Elle se divisoit en trois parties.
La première contenoit la maniéré dont on devoit opérer, en mesurant d’un
point astronomique à un autre, pour déterminer des bases et pour lever des
détails ; c est ce que 1 on vient d’indiquer. Elle étoit suivie de la nomenclature
de tous les objets qui peuvent entrei- dans une carte, avec la manière de les
rendre et de les exprimer.
La deuxième partie étoit relative aux notions à prendre sur les habitans de chaque
ville ou village, sur leur nombre, leurs occupations, leur industrie, leur commerce
et les productions du sol. Pour classer ces renseignemens avec ordre et
clarté, on avoit disposé des tableaux synoptiques, divisés en dix colonnes, comme il
suit : ■ .
La première contenoit les numéros d’ordre du tableau ;
L a deuxième, les noms des villes, villages et hameaux, en caractères Arabes;
La troisième, les mêmes noms traduits en français par l’ingénieur;