mêmes dans lesquels Mjaqryzy rapporte cet événement, paroissent lever toute
incertitude à l’égard du canal des deux mers, considéré dans son ensemble
A ’mrou, selon lui, écrivit au calife que, depuis la conquête, la communication
étoit interrompue et la navigation abandonnée par l’effet de l’encombrement du
canal (i). O r iln ’y a aucun motif pour ne pas étendre au bras qui arrose aujourd’hui
le Kaire, ce qui est dit du canal entier. Long temps on suivit la partie supérieure
de la branche Pélusiaque; mais, celle-ci s’étant obstruée, soit sous les Ptolémées
soit sous Adrien, on pratiqua un nouveau canal beaucoup plus étroit, sortant du
Nil au-dessous de Babylone, et qui alloit rejoindre la branche Pélusiaque, non
loin d’Onion. C ’est sur les bords de ce canal que l’on bâtit d’abord des palais et
des maisons de plaisance, et, plus loin, la ville même du Kaire, quand Fostât fut
' abandonnée. Quant au Trajanus amnis, 011 n’est pas autorisé à lui comparer absolument
le canal du Kaire, comme i’a fait d’A n ville , puisque Ptolémée se borne
à dire qu’il joignoit Babylone avec Héroopolis, et que dans sa Carte ce canal va
droit à l’est, au lieu de se diriger vers le nord. T o u t au plus la prise d’eau étoit-
elle placée au même point qu’aujourd’hui.
Il ne paroît pas que, depuis le comblement ordonné en 76 7 , on ait rouvert le
canal des deux mers.
V o ic i la substance du passage d’el-Maqryzy sur ce point de l’histoire de l’Egypte:
Sur la demande d’O ’mar Ben el-Khattab, le canal des deux mers fut creusé ou
plutôt désencombré par A ’mrou ben el-A’s, gouverneur de l’Egypte, en 639,
année de la mortalité ( 18 .' de l’hégire) (2). O n l’ouvrit d’abord dans le voisinage
de Fostât, et il fut conduit du Nil jusqu’à la mer : on le nomma canal du Prince dis I
fidèles. En moins d’un an, les vaisseaux y passèrent ( en six mois, selon el-Kendy), I
Après la mort d’O ’mar ben A ’bd el-A’zyz en 7 1 9 , les gouverneurs négligèrent I
de l’entretenir. II se terminoit à l’endroit appelé la Queue du crocodile [Denebel- I
temsah 1, dans le canton des marais de Qolzoum. L e canal étoit large d’environ
yo pieds. L ’an 69 de l’hégire [ 688 ], le gouverneur de l’Egypte, A ’bd el-A’zyz ben I
Merouân, bâtit un pont sur le canal, selon el-Kendy (ou. deux ponts, selon Soyouty). I
Ensuite ils laissèrent le canal se boucher naturellement, afin de couper les vivres
aux révoltés de Médine. L e calife Abasside Abou Ga’far el-Mansour fit même
combler entièrement le canal en ¡4 ) [762 .], suivant e l-M ak yn , ou plutôt I
en. 150 [7 6 7 ] , selon Ben-Ayâs. C ’est ainsi qu’il est resté obstrué jusqu’au temps
de Maqryzy, et depuis lors jusqu’à nos jours. Ce canal est le même que celui dont !
l’ouverture est célébrée par des fêtes annuelles. « Il traversoit, dit Maqryzy, le chemin j
» appelé la Grande-Rue, par lequel on vient aujourd’hui au Kaire; il entouroit le fossé
» qui ferme le jardin connu sous le nom d'Ebn-Ccüsan, et s’étendoit jusqu’au bassin :
» qui porte le nom de S eyf Allah, fils de Hosseyn, et jusqu’au jardin d’el-Mechteha
» [lieu de délices]. » On y voit des restes du belvéder de Louloua, où se tenoit le
calife lorsqu’on faisoit l’ouverture du canal sur ce chemin. Les habitans du Kaire
( i ) Car A’mrou écrivoit à O’mar : « Depuis que nous (2) Notice des manuscrits, extrait de la Description de
» avons fait la conquête de ce pays, les communications VÊgypte de Maqryzy, par M. Langlès, tonie VI,
»sont interrompues, le canal est encombré, et les mar- pag. 320.
» chauds en ont abandonné la navigation. »
se
se promenoient dans des barques sur le canal par passe-temps, jusqu’à ce que le
sultan mamiôuk Melik al-Naser [el-Nasr] fit creuser le canal appelé, de son nom,
tl-Nasry ou el-Nassery, en 725 [ 132 4]
Dès l’année 4o i [ 1010] el-Hakim Biamr-Allah avoit défendu de se promener
en barque sur le canal; cette défense fut renouvelée en 79 4 [ 1 1 9 7 -8 ] , et
en 706 [ 1 306-7 ], sous Mohammed ben-Qalaoun. Depuis ce dernier prince, les
barques destinées pour les amusemens et parties de plaisir n’eurent plus lieu que sur
le canal el-Nasry.
Ce dernier, qui fut creusé lan 725 de l’hégire par Mohammed ben-Qalaoun,
surnommé M elik el-Nasr, aboutit au couvent des derviches de Seryaqous. Deux ans
lui suffirent pour ce grand travail : c’est aussi lui qui fit construire tous les ponts
qu’on voit sur ce canal ; on en comptoit quatorze au temps de Maqryzy.
De tout temps, et indépendamment de son utilité pour la ville, le canal a servi
à l’agrément des personnages principaux, des cheykhs et des gens aisés de la ville;
au temps de l’expédition Française, les cheykhs et les Coptes les plus riches
avoient aussi coutume de s’y promener en barque, accompagnés de musiciens; et
Je s’y livrer à plusieurs sortes de jeux et de divertissemens.
§. II.
Principaux L ieu x et Monumens du Kaire.
I . ° Q U A R T IE R S E T P L A C E S P U B L IQ U E S .
D a n s le premier chapitre, j’ai passé rapidement en revue les lieux et les établis-
semens les plus remarquables du Kaire; ici j’entrerai dans d’autres développemens
sans repeter ce qui a été dit plus haut. II est inutile d’énumérer les cinquante-trois
quartiers de la ville : on en formera aisement la liste en consultant la nomenclature
et relevant tous les noms commençant par le mot hârt ou hârali. Ils se distinguent
parles noms des différentes nations et des différentes espèces de fabricans, d’artisans
ou de commerçans qui les habitent, ou enfin des établissemens principaux
qui s’y trouvent. C e sont des enceintes de maisons plus ou moins étendues, et
ordinairement closes par des portes qui sont fermées la nuit pour la sûreté de la
ville, excepte pendant le ramadan et quelques fêtes nocturnes. Toutes les impasses
qui s y trouvent débouchent dans des ruelles [ a’tfet^ qui aboutissent à leur tour
dans la rue centrale du quartier [ sekket, derb ] , laquelle souvent lui donne son
nom (2 ). Il faut savoir que la plupart des noms de rues conviennent plutôt à la
masse des maisons qui entourent la ligne où l’on chemine qu’à la rue elle-même;
c est pourquoi ils changent si souvent. Les quartiers les plus commerçans et aussi
( 0 Traduction d A bd el-Latyf, par M. Silvestre de par des hommes exerçant aux mêmescondilions,ayant les
acy> Pages 429-430* mêmes droits aux privilèges, et ainsi réunis dans un même
(2) Ces espèces d enclos sont habites, soit par des intérêt.— Voyez sur ce même sujet une note de M. Sil-
ouvriers d’une même profession, soit par des étrangers vestre de Sacy, traduction de la Relation d’A ’bd el-Latyf,
dun même pays ou d’une même religion, mais toujours page 385.
E. M. TOME II, 2.e partie. Pppp