
 
        
         
		Il  n’entre  pas  dans  notre  sujet  de  rendre  compte  de  tou?  ces  travaux  :  nous  
 devons  nous  borner  à  ceux  des  ingénieurs-géographes,  dont  la  direction  nous  
 a  été  confiée.  Ces  travaux  ont  eu  le  double  mérite  d’avoir  été  utiles  à  l’armée,  
 à  mesure  qu’on  les  achevoit,  et  d’avoir  servi  ensuite  à  tracer  la  carte  du  pays  
 qui  fut  le  théâtre  de  ses  exploits. 
 Une  contrée  aussi  intéressante  que  l’Égypte,  où  la  géométrie  fut  inventée  et  
 mise  en  pratique  pour  partager  les  terres  après  les  débordemens  du  Nil, méri-  
 toit  sans  doute  qu’on  employât  les  procédés  savans  aujourd’hui  en  usage,  pour  
 établir  les  fondemens  de  la  carte  du  pays  :  c’étoit  en  quelque  sorte  un  hommage  
 à  lui  rendre  que  d’effectuer .par  ces méthodes  l’opération  dont  nous  étions  chargés. 
   Il  falloit  donc  mesurer  des  bases,  et même  déterminer  un  arc  du  méridien,  
 puisque, parmi  les  opérations  de  ce  genre  qui  ont  été  exécutées  dans  le  dernier  
 siècle,  et  dont  le  but  étoit  de  déterminer  la  figure  et  la  grandeur  dé  la  terre,  
 aucune  n’avoit  été  faite  entre  le  et  le  3 i .’   degrés,  latitudes  où  l’Égypte  
 se  trouve  placée ;  il  falloit  ensuite  former  des  chaînes  de  triangles  sur  toute  la  
 surface  du  so l,  et les  fixer par  des  observations  astronomiques.  Mais  le  trop  petit  
 nombre  de  coopérateurs,  le manque  accidentel  d’instrumens, le temps  et  les  circonstances, 
   n’ont  point permis  d’accomplir  ce  travail  dans  toute son  étendue  (1) :  
 on  a  été  forcé  de  se  renfermer  dans  un  cercle  plus  étroit,  et  de  suppléer  ces  
 savantes  méthodes  par  d’autres,  moins  précises  à  la  vérité, mais  avec  lesquelles  
 cependant  on  a  rempli  l’objet  qu’on  s’étoit  proposé, en y  apportant toute  l’attention  
 convenable.  L  objet  de  ce  Mémoire  est  de  les  faire  connoître,  de  rendre  
 compte  de  la  manière  dont  on  a  opéré,  des  difficultés  qu’on  a  éprouvées,  des  
 obstacles  qu’on  a  rencontrés,  enfin  d’expliquer  dans  tous  les  détails  comment la  
 carte  de  l’Egypte  a  été  levée,  construite  et  gravée. 
 Il  est  divisé  en  quatre  chapitres. 
 L e   premier  traite  des  moyens  mis  en  usage  afin  d’obtenir  les  élémens  nécessaires  
 pour  dresser  la  carte. 
 Le  deuxième  indique  ce  que  l’on  a  fait  pour  les  réunir  au  dépôt  de  la  guerre,  
 pour  construire  la  carte  et  la  graver. 
 L e   troisième  concerne  sa  construction  proprement  dite,  et  donne  l’analyse  
 des  matériaux  qu’on  y  a. employés. 
 Dans  le  quatrième,  on  explique  le  mode  ou  système  adopté  pour  écrire  les  
 noms  en  caractères  Arabes  et  en  caractères  Français. 
 Ces  quatre  chapitres  sont  suivis  de  deux  tableaux  renfermant,  l’un,  la  superficie  
 de  l’Egypte  parcourue  par  l’armée  Française,  et  l’autre,  les  noms  des  
 coopérateurs  de  la  carte. 
 (1)  On  a  exécuté plusieurs  trigonométrics partielles  à  Alexandrie,  au  Kairc, entre Beny-Soueyf et  le Fayoum,  
 et  à  Thèbes ;  il  en  sera  question  ailleurs. 
 CHAPITRE  i» 
 Moyens employés pour connoître la géographie  de  l ’Égypte  et obtenir  
 les  elémens  nécessaires  à  la  construction  de  la  Carte\ 
 L ’a rm é e   d’Orient  parut  devant  Alexandrie  le  1 ."   juillet  1798  ;  les  troupes  
 débarquèrent  le  lendemain,  à  une  heure  du'matin  ;  le  même  jour,  la  ville  fut  
 prise,  et,  le  6,  l’armée  étoit  déjà  en  marche  pour  le  Kaire.  Elle  n’avoit  presque  
 aucune  connoissance  du  pays  qu’elle  avoit  à  parcourir  à  travers  le  désert ;  mais  
 le  canal  dérivé  du  Nil  pour  porter  les  eaux  à  Alexandrie  indiquoit  naturellement  
 la  route  qu’elle  avoit  à  suivre  :  effectivement  elle  s’en  écarta  peu,  et  arriva  
 sur  les  bords  de  ce  fleuve  célèbre  le  10  juillet,  après  avoir  beaucoup  souffert  et  
 éprouvé  de  grandes  privations  ;  elle  entra  au  Kaire  le  22  juillet,  après  la mémorable  
 bataille  des  Pyramides. 
 Il  n’existoit,  à  cette  époque,  aucune  carte  sur  l’Égypte  qui  eût  pu  la  guider  
 dans  sa  marche.  On  avoit,  à  la  vérité,  celle  de  d’Anville ;  mais,  quoique  ce  
 grand  géographe  ait  placé,  de  son  cabinet,  avec  une  sagacité  et  une  exactitude  
 qui  ont  lieu  d’étonner,  les  principaux  lieux  que  l’Égypte  renferme,  ils  ne  sont  
 pas  en  assez  grand  nombre,  et  cette  carte  est  à  une  échelle  trop  petite,  pour  
 guider  une  armée  dans  sa marche  et  y  marquer  ses  stations.  Mais  des  officiers  
 de  1 armée  y  ont  suppléé,  en  faisant  un  itinéraire  de  cette  marche  depuis  
 Alexandrie  jusquau  Kaire  :  il  a  été  depuis  très-utile  pour  tracer  sur  la  carte  
 la  route  de  l’armée  et  ses  campemens. 
 Tous  les  ingénieurs-géographes  attachés  alors  à  la  Commission  des  sciences  
 et  arts  eurent  ordre  de  rester  à  Alexandrie  ;  plusieurs  d’entre  eux,  conjointement  
 avec MM.  les  ingénieurs  des  ponts  et  chaussées,  levèrent  le  plan  de  cette  
 ville,  de  ses  ports  et  de  ses  environs.  Près  de  trois  mois  furent  employés  à  
 cette  opération,  que  l’ardeur  de  la  saison  rendoit  très-pénible  (1).  M.  Noue t,  
 après  avoir  determiné  la  position  géographique  d’Alexandrie,  mesura  une  base  
 et  forma  un  réseau  de  triangles  des  objets  les  plus  apparens  et  les  plus  remarquables  
 ;  en  même  temps, les  ingénieurs-géographes  assujettissoient les points  de  
 I intérieur  de  la  ville  à  des  opérations  trigonométriques.  C ’est  d’après  ces  
 matériaux  que  MM.  les  ingénieurs  des  ponts  et  chaussées,  sous  la  direction  de  
 M.  L e   Père,  leur  chef,  coordonnèrent  les  différens  levés,  et  qu’on  forma  un  
 plan  exact  de  cette  ville  célèbre,  qui  a  été  extrêmement  utile,  soit  pour  la  fortifier, 
   soit  pendant  le  siège  qu’elle  eut  à  soutenir  depuis, soit  enfin  pour  assigner 
 la  position  des  restes  des  monumens  qui  subsistent  encore  de  son  ancienne  
 magnificence. 
 J ü m t e   pJoÜ"’al ’rcCOraboeaf Ct Benre  fi,rC,U  Charg&  d” P'a” de '*  ville moderne, e, le  firent  à  lcd,clic«V»  
 É .M .   TOME  II,  partie.