
dans ia religion, dans les habitudes sociales; et cependant les rives du Nil sont tou
jours ce quelles etoient autrefois, Je lieu où l’on respecte Je plus la cendre de I
morts. L à , ce ne sont point, comme dans les autres contrées, des enceintes nu I
et dépouillées qui renferment les tombes des générations éteintes; on n’y voitpoin] |
sur un sol aride ou seulement recouvert de quelques herbes sauvages, des osseme I
humains dispersés au hasard : ces traces hideuses de l’insouciance n ’y révoltent n I
les vivans en outrageant les mânes des morts. T o u t est différent à cet égard : deJ
arbres y ombragent les tombes; ou tout au moins, des fleurs que la piété cultive!
transforment ce lieu funéraire en une espèce de jardin public : des sièges y son 1
disposés de loin a lo in, et les intervalles laissés entre lés monumens forment des!
espèces de rues, dans lesquelles on aperçoit par-tout les traces de l’homme. Mais
quelle somptuosité dans les tombes! quel luxe dans les sculptures qui les couvrent!
O n est tellement frappé de cette magnificence religieuse, qu’on se reporte en esprit]
dans les temps anciens, te L e soin des tombeaux s’est manifesté chez les anciens pj
» des dépenses infinies, par 1 érection des pyramides, par l’excavation des mon]
» tagnes, par 1 emploi des sculptures et des peintures les plus riches ; en un mot, par!
» un luxe étonnant. C est encore aujourd hui le même goût pour la magnificence desj
» tombeaux, et les Égyptiens y mettent plus de richesse que dans leurs habitations]
» C e s t là ce que disoit Diodore de leurs aïeux, qu’ils considéroient leurs maisons
» comme des hôtelleries, comme des lieux de passage où ils devoient peu s’arrêter!
» qu’ils prenoient donc peu de soin de les embellir, tandis qu’ils appeloient les*
» tombeaux, des maisons éternelles, et qu’ils employoient à les construire tout le tri*
» vail et tout 1 art dont ils étoient capables. L a croyance religieuse est totalement*
» changée, et cependant l’usage est resté le même. Autour de chaque grande v il»
» il y a une ville dès morts; là, toute famille un peu aisée a une enceinte qui lu i
» est propre, et chaque tombe est ornée d’inscriptions et de sculptures plus oifl
» moins riches ( i ). »
Les Égyptiens modernes, comme jes anciens, choisissent pour leurs tombeau«
des endroits secs et assez élevés au-dessus du niveau du fleuve, pour que lïnondatioïM
ne puisse atteindre et deteriorer les monumens. Les terres cultivables de lavalléJ
sont aussi trop précieuses et trop nécessaires aux vivans, pour qu’ils en fasse»
1 eternelle concession : car un lieu qui a servi de sépulture, doit rester désert*
il nes t plus permis d y bâtir ou d y planter : le terrain qui fut destiné à servirai™
hommes de dernièrè retraite, doit leur appartenir exclusivement ; on craindroi*
de troubler le repos de leurs cendres, si 1 on permettoit au laboureur d’y promenJ
le soc de sa charrue. Lorsquun cimetière est rempli, on ne va pas disputera™
ossemens des morts la place qui leur a été accordée; rien n’est renversé; aucun*
tombe n est fouillee : le pauvre y repose éternellement sous la pierre modest®
qui lui fut consacrée jadis; le riche n’a pas besoin d’acheter à grands frais la proJ
messe incertaine de posséder en propre 1 espace étroit qu’il doit occuper dans la
tombe. A peine les monumens ont-ils couvert la surface d’une enceinte funéraire*
( 0 Vcyri, dans la Description générale de Thèbes, le Mémoire sur les hypogées, par M. Joniard, A. * ] '
chap. i x , sect. x , pag.jSz.
quel
que le Gouvernement fait la concession d’un nouveau terrain : le premier est
a b a n d o n n é ; mais on le regarde toujours avec un religieux respect: long-temps
en core après cet abandon, la piété filiale vient y déposer des couronnes de fleurs
sur les marbres tumulaires.
Le cimetière, ou la ville des tombeaux, est ordinairement placé à l’entrée des
villes et hors de leur enceinte. Chacun peut y pénétrer librement; aucune muraille
n’en interdit l’approche : mais quelle surprise pour l’étranger qui, n’ayant
vu jusque-là dans la campagne que les masures habitées par les vivans, aperçoit
tout-à-coup lès riches demeures des morts! Une forêt de colonnes, de cénotaphes,
de mausolées, couvre un espace immense : on diroit que c’est une ville somptueuse
que ses hàbitâns auroient abandonnée la veille. O n j voit des rues, des monu-
m e n s , et, pour ainsi dire, des plaines semées de tombeaux. Par-tout on a déployé
le luxe de l’architecture : les mosquées et les palais des grands égalent à peine
e n magnificence quelques-uns de ces mausolées. Les colonnes, les cippes et toutes
les parties sculptées sont en marbre blanc, les soubassemens en pierre de taille,
les coupoles en bois recouvert de plusieurs couches de plâtre ou de chaux d’une
très-grande blancheur. La sculpture est dans le goût Oriental, c’est-à-dire que les
ornemens consistent en fleurs, en guirlandes, en festons des genres les plus variés,
et travaillés avec un soin extrême : ils sont relevés par des feuilles d’or qui leur
donnent une apparence magnifique. Les particuliers qui ne jouissent que d’une
fortune médiocre, se contentent de faire peindre en noir les inscriptions gravées
sur la tombe de leurs parens : les riches se distinguent en les faisant dorer. Les
monumens ordinaires se composent d’une pierre sépulcrale, ornée, d’un côté,
d’une colonne qui supporte un turban, et, de l’autre, d’une pierre plate qui se
termine en pointe, et dont les côtés sont taillés en obélisque ; c’est sur cette dernière
que l’on grave les inscriptions : quelquefois on y représénte un cyprès ou
des fleurs sculptées d’une manière ingénieuse. Les tombes des femmes se composent
de deux pierres plates, qui s’élèvent l’une à la tête, l’autre aux pieds :
elles sont chargées de sculptures et d’inscriptions, et se terminent toutes les deux
en obélisque; mais elles ne portent pas de turban. Ces pierres sont toujours en
marbre, à moins que les parens du défunt ne soient pas assez riches pour s’en
procurer : dans ce cas, elles sont en granit ou en pierre de taille; alors elles ne
sont décorées d’aucune sculpture. Quelquefois un bloc informe couvre un tombeau
: cela suffit à la piété ; chacun fait de son mieux pour honorer la mémoire de
ses parens. En Asie, où la terre est généralement fertile et les pluies abondantes,
les Turcs plantent sur la tombe un jeune cyprès : alors les cimetières ressemblent
a de vastes forêts; ces arbres s’élèvent à une hauteur prodigieuse, et vieillissent
sans quil soit jamais permis de les abattre : ce seroit un crime que les lois ne
pardonneroient pas.
Le vendredi est le jour consacré particulièrement à la visite des tombeaux : les
«milles s’y rendent alors toutes ensemble; les mères y amènent leurs enfans, les
amis s y réunissent : on s’assied autour du monument de la personne regrettée; on
saccroupit sur des nattes pour prendre une légère collation, et s’entretenir avec
í - M . T O M E I I , p i partie. M m m