plus grand rapport pour le plan avec la mosquée el-Hakim, sur-tout avec la
mosquée de Touloun. C ’est une vaste cour entourée de galeries péristyles qui ont
sur un côté cinq rjngs de colonnes, et sur les autres, deux et trois rangées: quoiqu’elle
soit en très-mauvais état, les dévots du Kaire vont souvent la visiter. Ce
qu’on nomme les greniers de Joseph, Harâmât Yousef et Souaqât el-Qamli, sont des
enceintes découvertes , entourées de fortes murailles, où l’on enfermoit en effet
des provisions de grains tirés du Sa’yd. Il est possible que ce surnom vienne
comme celui du puits et du château de la citadelle, du nom de Saladin, Yousef
Salâh el-Dyn, ou d’un sultanpostérieur: mais des voyageurs ont sérieusement regardé
cet endroit comme les magasins de blé que Joseph le patriarche avoit établis.
A l’extrémité nord est la prise d’eau de l’aquéduc el-Migreli ou Saqyet el-Migreh,
aquéduc qui conduit l’eau à la citadelle, et qui fut bâti par el-Ghoury, l’un des
derniers sultans Circassiens, après 907 [ 1501 ] ; il sert encore à sa destination (i).
C ’est un bâtiment élevé et massif en forme d’hexagone, haut d’environ 21 mètres
[64d!]; le côté de l’hexagone est de la même dimension. Sept roues à pots sont
placées au sommet ; autant de boeufs les font tourner et élèvent l’eau à l’étage
supérieur, d’où elle s’écoule dans l’aquéduc (2).
C ’est au vieux Kaire que se font les chargemens pour la haute Égypte, et qu’on
perçoit les droits sur les barques qui en descendent, chargées de blé, d’orge, de
fèves, de dattes, de sucre, de bestiaux, &c. C ’est ce qui rend ce port très-fréquenté
et très-commerçant; il s’y arrête sans cesse un grand nombre de navires. En
général, le coup-d’oeil du vieux Kaire est ga i, animé, pittoresque. Une longue
avenue plantée d’acacias odorans conduit du vieux Kaire vers Deyr el-Tyn (joli
village ( 3 ) , le dernier de la province d’A tfy eh ) , en passant par Atâr el-Naby
[Traces du Prophète], lieu ainsi nommé parce que les musulmans y croient voir
sur une pierre l’empreinte du pied de Mahomet.
L e vieux Kaire a près de dix mille habitans, dont six cents Chrétiens; ceux-ci y
possèdent, ainsi que dans les environs, une douzaine d’églises, parmi lesquelles la
plus vénérée est celle de Saint-Serge ou Sergïus, à cause d’une grotte qui passe
pour avoir donné asile à la Sainte Famille (4). On en verra les noms dans la
Nomenclature ou Explication des plans des environs du Kaire; mais je ne la crois pas
complète sous ce rapport. L e couvent de Saint-George se voit de très-loin, sur une
montagne élevée, du même nom ; et d’autres monastères sont entre ce couvent et
la ville. Enfin un grand couvent (celui de Saint-Macaire, je crois ) est au nord et
assez près de l’aquéduc.
(1 ) Voyez É. M, vol. 1, pl. ¡6 ( n.° 52), et pl. ip,
20 et 2j.
(2) Maillet parle de cinq puits comparables au puits
de Joseph pour le travail et la profondeur, situés dans
les ruines du vieux Kaire, au pied des montagnes : quatre
d’entre eux ne servoient plus de son temps; mais le cinquième
fournissoit de l’eau. La largeur de l’ouverture
étoit, dit-il, de 10 pieds sur 8 : je crois qu’il est le seul
voyageur qui ait mentionné ces ouvrages.
( 3 ) Voyez planche 18, Ê. M. vol. I.
( 4 ) Selon M. Renati, Décade Egypt. t. I l , pag. 180,
la grotte de Saint-Sergius est à l’extérieur de la ville.
s. il-
Ile de Roudah.
L u e de Roudah n’est pas seulement remarquable par son étendue,
ses promenades et scs jardins dehcieux ; elle est encore digne d’attention sous Je
rapport historique. Ce fut là que se réfugia, avec une partie de la garnison Grecque
et Égyptienne, le général Makaukas qui commandoit pour l’empereur Héraclius,
après avoir été défait par A ’mrou et chassé de la citadelle ( i ) ; j’ai parlé ailleurs
de la capitulation que lui accorda le vainqueur et qui décida du sort de l’Égypte (2),
A u temps de la conquête, elle s’appeloit simplement l ’île, ou l ’île deMesr, et n’étoit
pas encore fortifiée. On ne sait pas a quelle epoque elle s’est formée, mais il
est certain qu elle est antérieure a 1 arrivée des Arabes : peut-être est-elle le résultat
de 1 ouverture du canal connu sous Je nom Aamnis Trajanus, ouvrage d’Adrien;
et le petit bras du Nil qui est à sa droite est-il le commencement de ce même
canal, élargi par la puissance du courant, lequel dans cette partie tend fortement
a 1 ouest, la pente du canal étant plus foible que celle du fleuve. C e qui confirme- j
roit notre conjecture, c’est que ce petit bras est à sec tous les ans. A u temps
d’el-Edriçy, on appeloit ce lieu Dâr el-Meqyâs (3). On voyoit beaucoup de
belles maisons bâties sur le rivage : dans les hautes eaux, on y communiquoit par
un pont de trente bateaux, et de l’île à l’autre côté du fleuve, par un autre de
soixante bateaux, aboutissant a Gyzeh. Ces ponts, dont Ebn el-Ouardy fait aussi
mention, et que le Nil n’avoit pas vus depuis des siècjes, ont été rétablis, mais sur
des points différens, pendant le séjour de l’armée Française. Il en existoit dès le
temps de la conquête d’A ’mrou, entre l’île et le site de Babylone, et de l’île à la
rive gauche du fleuve. Si l’on s’en rapporte au témoignage de Djélâl el-Dyn ( 4 ),
les Grecs ayant coupé ce pont, il fut, aussitôt après la capitulation de Makaukas,
rebâti par les Arabes. Sa largeur étoit de 11 m,y y. Le khalyfe el-Mâmoun répara le
double pont en 2 10 [ 825]; el-Mo’ezz, en 364 [975 ]; et le sultan Dâher Beybars,
en 664 [ 1265 ]. A u temps de l’auteur Arabe, en 895 [ 1489 ], il n'en existoit plus
de traces.
La longueur de l’î le , à l’époque d’el Edriçy, étoit de deux milles, et sa largeur,
l’étendue du jet d’une flèche. L ’emploi du petit mille Arabe de 66 ÿ a u degré feroit
pour la longueur de l’île plus de 3100 mètres : or on trouve aujourd’hui 3150
mètres de long et 570 de large ( y ). Ainsi, depuis cet écrivain, c’est-à dire, depuis
environ sept siècles, elle ne paroît pas avoir changé sensiblement; mais il ne faudrait
pas juger par-là des variations du cours du Nil. A partir de l’extrémité méridionale,
et jusqu à une certaine distance, l’île est entourée de murs de quai, qui soutiennent
le choc d’une masse d’eau énorme. En effet, la profondeur du Nil en cette partie
( i ) Ce fait est rapporté par Maqryzy et d’autres auteurs.
Voyez la Relation dJ'AJbdel-Latyf, trad. par M. de Sacy.
(2) Voye^ le Mémoire sur la population comparée de
l’Egypte ancienne et moderne, A, JVI. t. I I , pag. fy.
(3) Sect. I I I , pag.369 du Commentaire de Hartmann.
(4 ) Voy. dans les Notes et Èclaircissemens de M. Lan-
glès sur le Voyage de Norden , tom. II i , pag. 203 etsuiv.,
une histoire très-détaillée de l’île de Roudah, d’après
Djélâl el-dyn el-Soyouty, de l’an 89ç [ 1489].
( 5 ) Voyez planches /y et 16, E. Al. vol. I.
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