
7 I 2 D E S C R I P T I O N D E L A V I L L E D U K A I R E .
C e sont les Geouâby qui transportent cette plante : il en vient aussi de Helouân
près de Torrâh, mais d’une qualité inférieure.
Avant d employer les jo n c s , il faut les faire sécher au soleil environ pendant
un ou deux mois, puis les faire digérer dans le saffanon pendant vingt jours'
après quoi ils sont lisses, ronds et flexibles. O n teint les joncs en noir, en jaune
en rouge et autres couleurs, et on les emploie encore mous pour fabriquer les'
nattes. L e métier a nattes consiste en un long et large filet formé de ficelles
tendues à quatre grandes pièces de bois et formant la chaîne, entre les fils de
laquelle Iouvrier passe les joncs alternativement par-dessus et par-dessous, en
meme temps qu une pelote de fil qui aide à soutenir la trame. Plusieurs ouvriers
travaillent a-la-fois et ils agissent très-régulièrement et en mesure, afin que chaque
rang soit fait au même instant, après quoi tous ensemble serrent l’ouvrage avec
une longue pièce de bois transversale. Les dessins sont composés de losanges
noires, jaunes, & c ., et ordinairement très-agréables à l’oeil : cette espèce de nattes
se nomme hosr samar. Il s en fabrique de beaucoup plus communes en feuilles de
dattier, de roseau, &c. On fait d’autres ouvrages de sparterie, des paniers en
branches de henneh, des couffes en feuilles de dattier, des balais, moqachât, qu’on
forme de la base des pétioles du même arbre (en battant et divisant les fibres),
des cafas, caisses et lits fabriqués avec des geryd ou branches de palmier ( i ), &c
Les faiseurs de tuyaux de pipe sont naturellement fort occupés au Kaire ; ces
ouvriers s appellent cboubouqgy (de choubouq). Ces tuyaux sont en roseau ou en
bois de noisetier, de cerisier, de lilas ou de jasmin. Ils occupent le Nalhâsyn, non
loin du Mouristân, et encore plusieurs autres quartiers; ils travaillent à l’aide
d’un archet qui sert à percer les tuyaux sous un diamètre convenable (2).
L e charbon se fabrique au Kaire. Les charbonniers, el-fahâmyn,£ se tiennent non
loin de Faoualeh ; ils se servent du bois de sount ou acacia et de bois "d’atl ou
tamarix : on en fait aussi avec du nabq et du lebbek; mais ces dernières espèces
sont plus chères.
Outre les sacs qui viennent du Fayoum, et dont il se fait une forte consommation,
les ouvriers du Kaire en fabriquent une grande quantité en toile et en
crin. O n confectionne beaucoup de tamis en crin, en gaze et en soie, dans le
quartier appelé Monâklilyeh. L a nacre de perle, saditf, est employée assez habilement
pour la construction des meubles, boutons, chapelets, &c.; cette matière
vient en Egypte par Soueys. On la travaille principalement dans l’okel nommé
e l-A ’gatyel (3)..
L e corail et 1 ambre sont travailles dans le Margouch ; on en fait des colliers,
des chapelets, des bouts de pipe et différens ouvrages. On fabrique aussi des colliers
et des bracelets en ambre faux, qui se débitent dans Souq el-Khorouzâtyeh.
( 1 ) Voyez planche x x , Arts et Métiers, et l’explication par M. Delile.
(2) Voyez planche xxvn ,fig. i , Arts et Métiers, et l’explication.
( 3 ) Voyez planche 26, É. M. vol. I (n.° 254, G-8).
M O N U M E N S , P O P U L A T I O N , I N D U S T R I E , & C . y j 3
Divers A r ts économiques.
ÉM O U L E U R S .
L émouleur du Kaire se .sert des meules de grès qu’on va chercher à l’entrée
de la vallée de I Egarement. A u milieu de l’ouverture de la vallée (qui est large
de plus d’une lieue et demie), et au-delà d’el-Baçâtyn, sont des monticules de
sable et de gres, d environ vingt pieds ; c’est là qu’on exploite le grès. Les eaux
du torrent minent ces rochers : les uns sont d’une couleur rougeâtre, d’un grain
mou, et ce grès ne peut être d’aucun usage; celui qui s’exploite aujourd’hui est
blanc, d un grain fin et assez dur, parsemé de points ferrugineux et d’impressibns
de coquilles, cependant généralement homogène. Ce qu’il y a d’extrêmement
remarquable, c est que les lits du grès sont absolument verticaux. Les gens qui
l’exploitent ont la paresse de tailler leurs meules dans ce grès horizontalement,
de manière qu’il s’y rencontre souvent deux ou trois veines ou bandes différentes
de couleurs et de ténacité; quand la meule tourne, elle s’use inégalement à cause
de eés veines, et il faut continuellement l’arrondir ; en outre, le mouvement de la
meule la fait souvent séparer et casser à l’endroit des changemens de veine par
l’effet de la force centrifuge; ce qui est très-dangereux pour les ouvriers. C e n’est
pas que les travailleurs qui exploitent ce grès, n’aient remarqué que les lits sont
verticaux; mais ils ignorent absolument le mal qui peut résulter de leur méthode.
Voici comment ils tirent une meule de Ja carrière : ils choisissent un point é lev é ,
le debarrassent du sable et creusent un cercle d’environ huit pouces de profondeur
et plus large que la meule qu ils veulent avoir. Après avoir déchaussé le pied,
ils introduisent un grand nombre de coins de fer, vingt à trente, entre le bloc
et la pièce de la meule ; ces coins sont maintenus par des plaques de fer nombreuses.
Quand les coins sont tous places, un homme frappe un coup sur chacun
deux, et dès quil a fait le tour, il arrive presque toujours que le dernier coup
enleve la meule, ce dont on s aperçoit a un petit bruit qu’elle fait en se détachant
du bloc. J ai eu bien de la peine a faire entendre aux ouvriers qu’ils devoient
exploiter le gres en hauteur pour avoir une meule ou deux dans chaque lit, et
qu ils auroient ainsi des meules plus solides et beaucoup meilleures ( 1 ).
S A L P Ê T R IE R S .
Les salpêtriers exploitent une butte située au nord de Birket el-Saqqâyn, T ell
el-Sebakh, ou les habitans apportent les cendres et la poussière de leurs maisons.
Ils lessivent dans des caisses de bois ces cendres [ el-sebâkh ] , et ils font cristalliser
la dissolution. Je ne parlerai point ici de la fabrication du sel ammoniac; elle a été
décrite ailleurs par feu M. Descosáis (2).
(1) Voyez planche xxv,Jig. 1, Arts et Métiers, et l’explication.
(2) Voyez planche x x iv , Arts et Métiers, et l’explication par M. Descostils; voyez aussi le Mémoire du même
auteur, E. M. totn. I , pag. 413..