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affreux. Les habitans de Rosette, rentrant dans leurs maisons à la chute du i0llr I
semblent faire peu d’attention à ce vacarme.
Si 1 on s avance dans quelques-uns des quartiers les plus reculés de la ville 0 I
y j rencontre une assez grande quantité d’habitans nonchalamment accroupis et la I
pipe a la bouche. Nous vîmes aussi beaucoup d’enfàns et de femmes : celles-ci iî' I
toient que des femmes du peuple, toutes vêtues de chemises bleues malpropres I
fendues en avant à leur partie supérieure; ce qui laissoit apercevoir leurs seinsI
pendans. Un voile aussi sale que la robe leur couvroit toute la figure, les yemI
exceptés, I
La cécité fait de nombreuses victimes à Rosette, et elle paroît être plus com-l
rnune parmi les femmes que parmi les hommes.
Un spectacle qui frappe sur-tout les étrangers arrivant à Rosette, c’est la foibleI
constitution des enfans. Iis marchent seuls de bonne heure : mais ils ont des membres I
freles et délicats; ce qui paroît provenir en partie de ce que jes femmes ont plu-1
sieurs enfans à-la-fois. Ces enfans sont portés par leur mère à califourchon sur le I
épaules ; n ayant point la force de s y tenir droits, ils sont courbés en deux. Quand I
on n’est pas accoutumé à ce spectacle, on tremble toujours qu’il ne leur arrive I
quelque accident.
Lorsque le soir les crieurs publics appellent du haut des minarets le peuple à la I
prière, rien n’est plus remarquable que l’aspect de la ville de Rosette. On se rend en I
fouie et en silence a la mosquee. L e plus grand nombre des habitans qui n’ont pas le I
moyen de faire leurs ablutions dans leurs maisons ou leurs jardins, arrivent sur leI
botd du Nil pour y remplir ce devoir; ils se lavent la barbe, et font ensuite leurI
priere, prosternes du coté de la sacree Kabah. Ceux qui ont des tapis, et c’est le i
moindre nombre, ont eu soin de Jes etendre par terre pour exécuter cet acte reli-1
gieux. Ceux qui n en ont pas, y suppléent par Je turban qui leur enveloppe la tête. I
L e temps de la prière écoulé, c’est-à-dire, la nuit étant arrivée, tous les liabi-l
tans rentrent dans leurs maisons, et Ion ne rencontre plus un seul individu dans I
les rues,
Des lampes suspendues à l’entrée des maisons éclairent la ville pendant la nuit. !
J ai visité des quartiers de Rosette qui étoient tout-à-fait abandonnés, et n’of-l
froient plus que des réceptacles d’immondices et d’ordures Les habitans sont ;
dans 1 usage de ne faire jamais aucune réparation à leurs maisons : ils les quittent,!
des qu elles commencent a tomber de vétusté, et vont bâtir de nouvelles habi-l
tâtions dans le voisinage, ou dans d’autres quartiers de la ville. Dans la partie deI
Rosette qui avoisine le desert, de vieilles masures sont déjà envahies par les sables.1
Nous avons souvent remarqué, dans ces quartiers presque abandonnés, des femmes I
du peuple occupées a préparer de la fiente d’animaux pour la faire sécher au I
soleil ; elles en forment de petites mottes ( t ) arrondies et minces, qu elles sait- I
poudrent avec de la paille hachée : eljes les appliquent ensuite sur la terre, et I
souvent aussi contre les parois mêmes des habitations, pour les faire sécher. Les
mottes sont presque le seul combustible qui soit d’un usage générai pour le feu I
( l ) Voyei le s A n s e t M é t i e r s , planche X X V I I I , f g . i , e t l’e x p lic a tio n d e c e tte p la n c h e .
de la cuisine. On sait que c est de la suie qu’elles produisent qu’on retire le sel
ammoniac,
Les portes des maisons des gens riches sont gardées par des Nubiens au teint
presque noir : connus par une fidélité à toute épreuve, on leur confie encore la
garde des bois de chauffage et de construction, dont le port est couvert.
E n parcourant la ville, nous avons rencontré plusieurs fois des écoles publiques :
on en est encore très-éloigné qu’on les entend déjà. Les enfans, en lisant ou en
apprenant par coeur, se dandinent en avant et en arrière, et chantent tout ce qu’ils
récitent ou qu’ils lisent : il en résulte un spectacle fort bizarre. Les écoles sont en
grand nombre a Rosette ; ce qui contraste beaucoup avec l’ignorance que l’on a
coutume de supposer aux habitans de l’Égypte.
Les maisons de Rosette sont toutes construites en briques rougeâtres d’une couleur
assez foncée, due certainement à leur degré de cuisson. Nous avions remarqué
à Alexandrie que, les habitations étant toutes bâties en pierre calcaire
avec mortier de chaux et sable, la pierre est attaquée et rongée par l’atmosphère
saline qui enveloppe cette ville, tandis que le mortier reste intact. Il en èst tout
autrement à Rosette : les briques'résistent parfaitement aux intempéries de l’air;
mais le ciment qui les lie en est attaqué.
Dans les différentes courses que nous fîmes à travers la ville, nous aperçûmes
quelques maisons dont 1 intérieur nous parut mieux que celui des maisons d’Alexandrie
: mais a Rosette, ainsi qu a Alexandrie, des colonnes, débris d’anciens monu-
mens, les décorent d’une manière tout-à-fait bizarre. L e manque de goût se fait
également remarquer dans leur emploi : des chapiteaux sont mis à la place des bases,
et réciproquement les bases occupent la place des chapiteaux.
Nos courses fréquentes dans la ville nous mirent à portée d’apercevoir l’intérieur
de quelques maisons de gens peu aisés : on les croiroit plutôt destinées à des
repaires d’animaux immondes qu’à des habitations d’hommes. Des chambres mal
éclairées, des murs sans aucune décoration, une aire ou pavé couvert d’une sale
poussière, tel est l’aspect des réduits occupés par la classe peu aisée de Rosette.
La malpropreté est si générale, quelle s’étend même jusqu’aux monumens publics ;
et, à cet égard, les mosquées ne sont pas mieux traitées que les habitations particulières.
On décore quelquefois en Égypte du nom de palais des maisons de la plus
mediocie etendue et de la structure la plus ordinaire : elles prennent leur importance
de la dignité des personnes qui les occupent. Lors de la fête du 14 juillet
celebree a Rosette par la garnison, le mufti vint au quartier-général prêter le
serment de ne rien faire contre l’armée Française, et il reçut du général Menou
(assurance que les propriétés des habitans seroient respectées. Après la cérémonie,
le mufti fut reconduit dans son palais, qui n’avoit guère plus d’apparence que
certaines maisons de nos paysans de France.
Nous avons tâché de prendre une idée de la principale mosquée de Rosette,
autant du moins que les préjugés du pays ont pu nous le permettre, puisque nous
n avons point eu la faculté d’y entrer. Son minaret s’élève avec grâce au milieu