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Un homme coupable de cet acte de violence peut néanmoins le faire oublier I
en payant au blessé la moitié de la somme qu’on auroit exigée de lui s’il lui ei' J
ôté la vie.
j On ne peut infliger la peine de mort au meurtrier involontaire ; mais il doit àfl
la famille le prix du rachat du sang, comme l’ayant privée de l’un de ses membres I
• Selon les u'iemâ, la loi est au-dessus du prince, et nul homme n’a le droit deB
mettre son semblable à mort, si le juge n’a prononcé la sentence. Sous les khalyfes I
les parens d’une personne que le chef de la police auroit fait exécuter, avoient le I
droit de citer l’ofRcrer devant le tribunal du qâdy, et de demander vengeance. Le I
sultan lui-même ne pouvoit, de son plein grc, envoyer au supplice un coupable I
qu’il auroit surpris dans le crime. Ghoury, sultan d’Egypte, vit commettre soi®
ses yeux un adultère : il manda le juge et les coupables, et dit au premier de faire*
mettre les autres à mort. « Je sais, lui répondit le juge, que tu détestes ceux queH
» tu accuses ; tu as entre les mains le glaive pour les frapper : mais moi je n’ai p a ®
» le droit de les condamner sans preuves ; fais venir de vrais témoins, et ¡’examinera®
» l’affaire. » L ’histoire fournit un autre exemple bien plus remarquable encore de®
l ’empire de la loi sur les plus grands princes, dans les premiers temps de lislamisme®
L e sultan Haroun ei-Rachyd fut appelé en jugement et comparut au tribunal. L®
juge le reçut assis, examina la cause, et la termina à l’amiable. C e magistrat, qui n®
s’étoit pas levé devant le prince, parce qu’il pouvoit être coupable, se leva après I®
décision, et le reconduisit jusqu’à son cheval, sur lequel il l’aida à monter.
Cependant, sous le prétexte que la sûreté publique exige souvent les mesure®
les plus promptes, l’ouâly, ou chef de la police nocturne, faisoit couper la tc tfl
à celui qu’il trouvoit en flagrant délit, sans aucune enquête juridique. 11 n’es®
jamais arrivé, depuis l’établissement des Turcs en Egypte, que la famille dur®
homme ainsi mis à mort osât porter plainte au qâdy. « L ’épée de l’ouâly es®
» flanche et hors de la loi » , dit le peuple. Mais, comme nous l’avons déjà là®
observer, le pouvoir des chefs de la police étoit devenu bien moins arbitrair®
dans les derniers temps : ils ne faisoient jamais exécuter personne sans en avoi®
obtenu auparavant l’autorisation du cheykh el-beled.
11 n’est point d’asile sacré pour un assassin : on le poursuit par-tout, jusqufl
dans les mosquées et dans l’appartement des femmes. Cependant l’homme géné®
reux qui le dérobe à la première fureur de la famille offensée, fait une actio®
louable, dont le ciel doit le récompenser un jour, sur-tout s’il ne protège le meui®
trier que pour solliciter des plaignans la commutation de la peine encourue : mais®
lorsque les parens du mort s’obstinent à demander la tête du coupable, son pro®
tecteur est obligé de le livrer, s’il ne veut y être contraint par la force publique, a
Les meurtres sont très-rares dans les grandes villes, et sur-tout au Kaire: on le
doit peut-être moins à la force des lois qu’au caractère timide des liabitans, et à la-
vigilance d’une police qui frappe comme la foudre et dont l’oeil est constam m ent
ouvert. Dans les provinces, le défaut de police générale, et la m ésintelligence
perpétuelle qui règne entre les villageois et les tribus d’Arabes qui peuplent le®
campagnes, rendent les assassinats plus fréquens.
Il s’étoit introduit, au temps de Mohammed-bey, un usage barbare'et qui cau-
soit des crimes sans nombre. Dans la saison où l’on coupe le trèfle, les sâys des
Matnlouks alloient le fourrager : ces dilapidations occasionnoient des meurtres, et
des plaintes si souvent réitérées, que, pour s’épargner la peine de réprimer ces
excès et pour n’en plus être importuné dans la suite, le Gouvernement les toléra:
il autorisa en quelque sorte les fellâh à tuer les sâys maraudeurs, et ceux-ci à
défendre leur vie, pourvu qu’on n’employât pas les armes à feu de part et d’autre.
Les meurtriers des deux partis ne subissoient aucune peine.
CHAPITRE VI.
D u Commerce, de l ’Industrie et de 1’A griculture.
§. I . "
Commerce de l ’É g yp te depuis les temps anciens ju s q u ’à nos jo u rs.
L E g y p t e a toujours été le centre d’un commerce considérable : elle a dû cet
avantage autant à sa position géographique qu’à la richesse et à la variété de ses
produits agricoles. Assise entre deux mers, et servant, pour ainsi dire, de point
de jonction entre les trois grandes parties de l’ancien monde, elle ne pouvoit
manquer de devenir le principal marché des nations, sur-tout lorsque la navigation
du Nil et de canaux sans nombre y facilitoit encore les communications. Aussi 1 Ecriture nous apprend que des marchands Ismaélites, appelés par le commerce
en Egypte, achetèrent le plus célèbre des fils de Jacob pour le conduire dans ce
pays. Ce passage important, et l’épisode qui le suit, prouvent, d’une manière
incontestable, que, dès ces époques reculées, le royaume des Pharaons avoit
acquis déjà la plus grande prospérité par le commerce et l’industrie. Cependant
la superstition y mit bientôt des bornes : selon Hérodote et quelques autres historiens
dignes de fo i, les peuples de l’Égypte prirent la mer en aversion, et
regardèrent les-voyages entrepris sur cet élément comme des tentatives sacri-
eges. Peut-etre expliqueroit-on cette idée singulière par l’éloignement naturel des
gyptiens pour les autres nations, ou par quelques faits importans de leur théogonie;
mais Une dissertation de ce genre nous écarteroit trop de notre sujet. II
nous suffira de dire que le commerce Égyptien se ressentit d’une pareille prohi-
mon, et s’y se maintint encore avec éclat, il fut redevable de ce bienfait
a a fécondité des' terres et aux besoins des peuples voisins, qui trouvoient en
OTte, non-seulement la plupart des denrées qui sont nécessaires à la vie, mais
encore les divers produits qui concourent au luxe des villes opulentes,
pi, 6 Pleln*ei commerce bien connu dont l’histoire fasse mention, est celui des
wmaens avec jes Égyptiens, et des Égyptiens avec les habitans de l’Ethiopie et
rabie, dans les ports de la mer Rouge. Les Perses et les Indiens portorent
£ M. TOM E II, parue. R r r a