
de ce que les villageois avoient tué Je cheval et épargné le voleur, demandèrent!
l’explication de cette singularité. Alors l'un des paysans les plus âgés leur fit rc I
pondre par un interprète, « qu’ils avoient tué le cheval pour punir le Bédouin et!
» qu’ils avoient épargné celui-ci, afin de ne pas s’exposer au droit imprescriptible!
» du rachat du sanOs. S
Si l’acharnement et la ténacité que les Bédouins mettent à leurs passions viadi®
catives, doit donner une assez mauvaise opinion du caractère de ces peuples ■
seroit difficile de les juger plus favorablement sous le rapport de la bonne foi l|®
nous ont donné, dans le cours de l’expédition , plus d’une preuve de ce quoi®
peut attendre et craindre d’eux ; mais nous citerons le trait suivant, parce qu’i j
offre quelque chose de plus saillant.
Quelques jours après l’affaire du 14 floréal, où quatre cents Français combat*
tirent et culbutèrent vingt-cinq mille Bédouins, Moghrebins et paysans révoltés*
Morback, cheykh des Efrât, vint nous rendre visite. Nous lui demandâmes où i l
étoit pendant 1 action. « A une demi-lieue du champ de bataille, nous répondit*
» il, avec toute ma tribu à cheval et sous les armes. — Ehl pourquoi faire sonsles®
» armes! — Pour vous sabrer et achever votre défaite, si vous aviez été vaincus.
Cette réponse nous surprit ; cependant nous ajoutâmes : « N’étions-nous clonepafl
» en paix avec vous! — C ’est vrai: mais que ma conduite ne vous étonne pas;3
» méthode des Bédouins est de tomber toujours sur les plus foibles. — Mais nous!
» qui étions vos amis ! — Cela est vrai, et cette amitié durera aussi long-temps qui
» vous serez les plus forts. »
C e raisonnement du cheykh Morback reçut, un an après sa parfaite application®
Les Bédouins, avant la bataille d’Héliopolis, paroissoient fort bien disposés en fa®
veur des Osmanlis; plusieurs tribus s’étoient même liguées avec eux : mais, au mol
ment de la déroute de 1 armée Ottomane, ces dangereux alliés tombèrent sur elle!
pillèrent ses bagages, exterminèrent un grand nombre de ses soldats, et furent su«
le point de faire prisonnier le grand vizir lui-même ( i ).
Lorsque les Bédouins et les villageois combinés massacrèrent la garnison Frait«
Çaise de Mansourah, forte de cent vingt hommes, deux soldats qui appartenoienfl
à la 3-e demi-brigade, durent leur salut au hasard, et furent emmenés prisonnier®
par les Arabes. Ces deux malheureux, et un troisième qui parvint à s’échapper®
ont seuls survécu au désastre de la garnison. Nous leur devons les renseignemen®
que nous allons donner ic i, bien qu’incomplets, sur divers usages de ces Bédouin*
L e camp de la tribu étoit situé à trois lieues en-deçà de Mansourah ; les prison®
niers excitèrent d abord la plus vive surprise parmi les femmes et les enfans du*
village, ou leurs conducteurs s arrêtèrent pour leur faire prendre quelque nourri«
ture. Arrivés sous les tentes des Arabes, on leur fit entendre qu’ils n’avoient rie*
a craindre pour leur vie : cependant le massacre d’un autre prisonnier Français qu®
( î) Nous citerons encore l’anecdote suivante : elle enlever les bestiaux de ce dernier village; les autres usèrfnH
n ajoute pas beaucoup à ce que nous avons déjà dit; mais de représailles sur le territoire de Damanhour; et pour
elle a un cote assez plaisant. Les Bédouins protecteurs peu que cette dispute eût duré, les deux cantonsnaaM
de Damanhour, dans une querelle qu’ils eurent avec roient plus eu de bestiaux,
d’autres Bédouins protecteurs de Sorounbây, allèrent
les barbares assassinèrent froidement à leurs yeux, ne leur inspira pas beaucoup de
c o n f i a n c e en ces promesses. On n’exigea d’eux aucun travail, et on leur témoigna
même quelque intérêt.
Ils remarquèrent que les alimens de la tribu etoient fort simples; des lentilles et
ries galettes cuites dans une espece de. poele, ou bien de la bouillie de grains
écrasés, assaisonnée d’un peu de beurre, suffisoient au repas d’un homme, et ces
mets étoient pris en fort petite quantité. Un chef vêtu en étoffe de soie, étendu
sur dos coussins, et changeant souvent d habit, leur parut le personnage principal
par son rang et sa fortune : du reste, on ne lui accordoit aucune marque particulière
de respect, et il mangeoit indifféremment avec tous. Celui-là prenoit du café,
ainsi qu’un petit nombre d’autres : ils virent même plusieurs Arabes fumer la pipe.
Leur costume ne différoit en rien de celui des autres Bédouins dont nous avons
déjà parlé.
Pendant le séjour que les deux prisonniers firent dans le camp de ces Arabes,
ils s’aperçurent qu’ils changeoient souvent de place, mais sans s’éloigner beaucoup
du lieu qu ils quittoient. C étoit afin de trouver les pâturages nécessaires à
leurs nombreux troupeaux.
La tribri entière possédoit une centaine de chevaux, autant de chameaux, et
une prodigieuse quantité de moutons, de chèvres et de gros bétail. C ’étoit là
toute sa richesse. A u rapport des prisonniers, la même tente renferme toute une
famille, sans distinction d’âge ni de sexe : le père, la mère et les enfans passent
ensemble le jour et la nuit, sans que rien les sépare les uns des autres. Les femmes
ne sont pas voilées ; elles portent des anneaux de métal aux oreilles et des bracelets :
leurs maris les traitent avec douceur. Lorsqu’elles aperçoivent les cavaliers revenir
dune excursion, chacune de celles qui ont leur époux dans la troupe, court au-
devant de lui, le reçoit avec les plus grandes démonstrations de joie s’il rapporte
du butin, et en silence lorsque sa course n’a rien produit. Les dépouilles se partagent
entre ceux qui ont concouru au pillage.
Les hommes et les femmes font de fréquentes prières, mais les hommes surtout:
la religion de la tribu est celle de Mahomet, peut-être avec quelque mélange;
mais les prisonniers n’ont pu s’en apercevoir.
Les femmes ont paru plus nombreuses que les hommes; elles travaillent à faire
de la toile pour les tentes, et préparent les repas. Les enfans sont en grand nombre
aussi. Ils sont nourris par leurs mères jusqu’à l’âge de deux ou trois ans, et restent
absolument nus jusqu’à six ou huit : les filles portent alors une pièce de toile autour
des reins, ou bien une chemise. La danse est le jeu favori des enfans : elle consiste
asauter en rond en remuant les reins et tout le milieu du corps d’une manière
lascive. Us s’accompagnent en chantant tous ensemble.
Ces Arabes parlent beaucoup, sur-tout les femmes : elles ont des disputes fréquentes
entre elles, et finissent toujours par s’accorder après beaucoup de cris. L e
respect pour les vieillards est l’une des vertus principales de cette tribu : les enfans
y ont aussi la plus grande vénération pour leurs pères. Les maux d’yeux sont à
peu près la seule maladie que ces Bédouins connoissent. On ne voit ni bossus ni