Pendant Jes grandes chaleurs de l’été, le peuple mange encore avec une sorte!
de délice des betteraves, des concombres et des ognons confits dans de mauvaif
vinaigre. Cette espèce de nourriture est à très-bon compte : des marchands la co|J
portent dans les rues, et la débitent sur les places où le public se rassemble les joutJ
de fête. O n y voit, dans la belle saison, une foule d’habitans se nourrir des feuilles
crues du fenugrec. Un Egyptien y fait un excellent repas avec une laitue ro-
maine, un concombre, une pastèque ou melon d’eau, sans qu’il ait besoin d’aji
saisonner les premiers; il mord avec le plus grand appétit dans une salade verte e!
ne se donne pas la peine de l’apprêter avec de l’huile, du vinaigre, &c. Pour desf
sert il achète quelques épis de dourah, légèrement torréfiés dans un four, et mi
ont été coupés avant d’avoir atteint l’époque de leur maturité.
Lorsque le temps des fruits et des légumes verts est passé, les cuisiniers qJ
préparent en grand les fèves de marais, les pois chiches, & c. & c ., devienneni
l’unique ressource du bas peuple. Il est à propos de donner une idée de le»«
procédés dans la cuisson de ces légumes : ces procédés sont fort simples et très!
économiques. Les cuisiniers du peuple, s’il est permis de les qualifier ainsi, oui
des pots de terre d’une grande dimension, qu’ils remplissent aux trois quarts Ji
légumes trempés dans l’eau ; ces pots ont la forme de nos cucurbites, et ta
nomment qedret el-tabykh dans la langue du pays : après les avoir ainsi remplit!
on en ferme exactement l’orifice avec une espèce de lut formé du lim on d|
fleuve ; on les plonge ensuite dans les cendres chaudes des bains publics, et 0«
les y laisse cinq ou six heures environ; au bout de c e temps, les légum es son;
parfaitement cuits et bons à être distribués. L e public les achète par petites porj
tions saupoudrées d’un peu de sel, ou arrosées d’huile de sésame, sesamum. Iidik
cum, ou même encore garnies de laitues et d’une pincée d’épices com posée d l
poivre noir, de poivre long et de gingembre. Chaque portion, ainsi assaisonnée!
» pareillement les cailles, les canards et quelques petit»
» oiseaux, qu’ils ont eu soin de saler auparavant.» ■
Diodore de Sicile s’exprime ainsi au sujet du genredfi
nourriture adopté par les anciens Egyptiens :
« On dit que dans les commencemens les Egyptiens«
» vivoient que d’herbes, mangeant des choux oudtsrtj
» cines qu’ ils trouvoient dans les marais, sans autrepri«
» cipe de discernement que le goût qu’ils y trouvoient.!®
» usoient sur-tout de l’herbe nommée agrosth, quiea]
» d ’un goût excellent, et qui d’ailleurs est suffisantepoi
» la nourriture de l’homme. 11 est certain du moins queL'tj
» est salutaire aux troupeaux, et qu’elle les engraissevisK
» blement. Les Égyptiens encore aujourd’hui, enmémouj
» de l’utilité que leurs pères ont tirée de cette plante,ea
» portent dans leurs mains quand ils vont faire faut]
» prières dans les temples des dieux. Le second mets«
» Égyptiens a été le poisson ; le fleuve leur en fournitn»
-»quantité prodigieuse, et les terres en demeurentcoî,[
» vertes lorsque les eaux se retirent : ils mangeoientauss]
» la chair de leurs bestiaux, et se servoient de leur petit
» pour se vêtir. Les Égyptiens, après un assez longtemps
» passèrent à l’usage des fruits ; le principal est le I°10Ii|
»d on t ils font du pain.» (Diod. de Sic. liv. i.cr, sect. n>:
traduction de l’abbé Terrasson.)
» guêpier : on le recueille sur une tige qui sort de la ra-
» cine, et croît auprès de l’autre tige * ; on y trouve quan-
» tité de grains très-bons, de la grosseur d’un noyau d’o-
» live ; on les mange verts ou secs.
» Le byblus * * est une plante annuelle. Quand on l’a
»arraché des marais, on en coupe la partie supérieure,
» qu ’on emploie à différens usages. Q u an ta l’inférieure,
» ou ce qui reste de la plante et qui a environ une coudée
» d e haut, on le mange cru ou on le vend. Ceux qui
»veulent rendre ce mets plus dé licat, le font rôtir dans
» un four ardent. Quelques-uns d’entre eux ne vivent que
» de poissons : ils les vident, les font sécher au soleil et les
»mangent quand ils sont secs. » (H é ro d o te , liv. i l ,
S. 92 , page 71 , traduction de Larcher, édition de
1802. )
Ailleurs ( liv. i l , S- 77 » Pag- 6 2 ) , le même historien
ajoute : « Le pain des Egyptiens s’appelle cyllestis : ils le
» font avec de i’épeautre; ils vivent de poissons crus séchés
» au soleil ou mis dans de la saumure ; ils mangent crus
* Cette espèce de lis est peut-être le nymphaa Iitdica major,
nommé tarant dans YHerbarium Amboinense, lib. i l , cap. v.
** Cette autre espèce qu’Hérodote appelle byblus, est la même
mie le vavvrus.
coûte un parat; sans assaisonnement, elle ne coûte que six gedyd ( i) . Ceux qui
v i s e n t encore à une plus grande économie, vivent avec des rations de semences
de lupin, que les Arabes appellent ¡ j^ y termes. Ces dernières sont cuites' de la
même manière que les autres : mais, pour leur faire perdre l’amertume qui leur est
propre, on les fait germer avant de les préparer; on les lave ensuite en les plaçant
dans des paniers au milieu du Nil. Lorsque le lupin a subi toutes ces préparations,
on le fait cuire, et une copieuse portion de ce légume ne coûte que deux ou trois
gdyd. Au reste, avec l’extrême tempérance des Égyptiens, cette portion suffit au
repas d’un homme.
Les dattes fraîches et sèches sont aussi d’un très-grand secours pour le peuple
et sur-tout pour l’habitant des campagnes : les Arabes n’ont presque pas d’autre
aliment. Dans la haute Egypte, on trouve des villages entiers où l’on se nourrit
de dattes'pendant plus de dix mois de l’année. C e fruit se mange à divers degrés
de maturité; il s’en fait au Kaire et dans toutes les villes de l’Egypte une très-grande
consommation. Les dattes dont se nourrissent les habitans du Delta, viennent en
grande partie du Sayd ; il en arrive de fraîches et de sèches : ces dernières sont ou
entières, ou privées de leur noyau et réunies en masse par une forte pression ; ce
qui les rend susceptibles de se conserver plus long-temps. Lorsqu’on les coupe,
chaque tranche représente assez bien ce hachis que lés charcutiers de Paris
nomment fromage de cochon. Mais les dattes sèches, soit entières, soit préparées
comme nous venons de le dire, étant apportées de fort loin, coûtent trop cher
pour que la classe indigente puisse s’en procurer : elle se contente des dattes fraîches
qu’on récolte dans les environs ; encore n’attend-elle pas toujours qu’elles soient
parvenues à leur entière maturité.
Le commerce procure à l’Egypte diverses espèces de fruits secs, comme raisins,
abricots, pêches, pistaches, amandes, &c. O n récolte dans le pays même des
figues et des olives; les raisins secs de Corinthe sont d’un très-grand usage dans
l’apprêt des mets des gens riches.
On voit au Kaire et dans les grandes villes, outre les marchands de légumes
cuits, des espèces de traiteurs ou rôtisseurs qui vendent du poisson frit, des hachis
de viandes mis en boulettes et rôtis, enveloppés dans une feuille de vigne, ou
réunis ensemble, comme des mauviettes, par de petites broches de bois.
Les fellah regardent la graisse des animaux comme le manger le plus délicat;
mais leur pauvreté ne leur permet pas de s’en rassasier souvent. Les Qobtes font
une consommation excessive d’huile d’olive ; ils en mettent par-tout, et vont
jusqu’à en arroser leur pain : cet abus est la cause de plusieurs maladies auxquelles
ils sont particulièrement sujets. Mais tous les Égyptiens,en général, mâchent avec
délices la graine de pavot et d’autres semences émulsives. Leurs boissons consistent
en sorbets, et en une espèce de liqueur dans laquelle l’opium est employé comme
principal ingrédient : les riches s’enivrent avec ce dernier breuvage; les pauvres ne
boivent, pour la plupart, que de l’eau pure ou de mauvais sorbets. La loi musulmane
prohibe le vin, comme tout le monde le sait, pour prévenir l’ivresse : les
(') Le gtdydest une monnoie de cuivre; douze egdâd valent un parat.