manière différente, sa conduite seroit blâmée hautement; la prédilection potlt
une femme au détriment des autres passeroit pour une injustice, que ne se per.
mettent pas les hommes jaloux de leur tranquillité domestique, et qui se piquent
de quelque sentiment de délicatesse. Dans le cas où les dames ne s’accorderoiem
pas entre elles, chose assez commune, le mari est obligé de donner une maison
particulière à celle qui le demande. C e n’est qu’à force d’attention, de patience
et de générosité, ou par l’effet d’une rigueur ou d’un despotisme absolu, qu’m
homme peut réussir à garder plusieurs femmes dans la même maison.
La polygamie est beaucoup plus en usage parmi les gens du peuple. Ils abusent
aussi de la facilité qu’ils ont de répudier leurs femmes, parce qu’il ne leur en coûte
qu’une dot fort modique, et que, dans leur brutalité grossière, ils regardent la
femme comme un être imparfait, indigne d’estime.
L a fête que Mahomet conseille de célébrer à l’occasion du mariage et pour
signaler un événement de cette importance,se donne dans la maison dupèredel
la mariée. Mais le temps n’est pas encore venu où le mari peut voir sa femme
eussent-ils atteint tous deux l’âge de puberté; les jours qui précèdent leur réunion:
définitive, sont consacrés aux réjouissances dans les deux familles. Les hommes sont!
invités dans la maison du mari; les femmes, chez la mère de l’épouse. Celle-ci passe:
une journée au bain : elle s’y rend accompagnée de ses parentes et de ses amies
un grand voile l’enveloppe tout entière, et sa tête est ornée d’une couronne. Ella
marche sous un dais que précède une troupe de musiciens et d’almeh. Le son des
instrumens, les chants d’hymen, les cris de joie des femmes qui forment le con
tége, rendent cette marche aussi bruyante qu’animée. Enfin l’on arrive dans lu
salle du bain : c’est là que la nouvelle mariée va étaler tout le luxe de la parure;
les cassolettes sont remplies de parfums exquis ; on prodigue les essences précieuses;
les compagnes de l’épouse se parent aussi de leurs plus beaux atours ; le jour
s’écoule dans les jeux et dans les plaisirs. Les esclaves ou les femmes du bain
portent le café, des sorbets, des confitures, des pâtisseries : on reconduit ensuitelaj
mariée à la maison de son père, en observant le même cérémonial (i).
Le mari, de son côté, ne manque pas de se rendre au bain public ( c’est un usagej
( i) Comme la pompe des cérémonies du mariage est
sabordonnée à l’opulence des époux, nous avons dû en
donner une idée générale; mais nous entrerons ic i dans
quelques détails particuliers, afin de ne rien omettre de
ce qui peut caractériser les usages de toutes les classes
Mahométanes en Egypte.
Dans la marche pour se rendre au bain public-, toutes
les femmes sont voilées, ainsi que la jeune épouse’: celle-ci
porte quelquefois sur la tête un vase couvert d’un châle
de cachemire; ce châle retombe de chaque côté, et cache
entièrement le visage-: il est richement orné de'perles ou
de pierreries, que la mariée emprunte si elle n’en possède
pas elle-même un nombre suffisant. Pour le rendre plus
brillant, on le couvre par-devant d’une longue feuille d’or.
Quoique ce châle descende presque jusqu'aux pieds, on
peut apercevoir, dans les intervalles qu’il laisse à découvert
, les vêtemens de la mariée, qui sont de la plus grande
richesse, et brodés en or ou en argent. Elle porte des
bottes de maroquin jaune et des pantoufles brodées;ses)
mains sont cachées; la forme des es habits permet de juger;
de sa taille et de son embonpoint. Elle est placée sou*
une espèce de moustiquière de gaze teinte en vert et en
rouge, portée aux quatre coins par des amis ou des pa-j
rens : lorsqu’un be-y se conforme à cet usage, des Mam*i
louks portent le dais de sa future. Cependant la marieeij
autour d’elle, sous la gaze, deux de ses meilleures annal
le plus richement parées ; sa mère est derrière elle. Dm®
hommes avec des tambours de basque ouvrentla marche;®
un domestique vient après eu x, en avant du dais delà
mariée, portant sur la tête un grand plat d’argent ou de®
cuivre doré, recouvert d’une étoffe de soie brodée. Ce®
vase contient une paire de souliers de bois enrichis dune®
plaque d’argent-, une pierre légère et spongieuse enchâssée®
en argent, un peigne d’ivoire garni aussi en argent, deut®
pains de sucre d’une parfaite blancheur, deux bougies®
blanches, deux mouchoirs de mousseline brodes en®
auquel les hommes riches se conforment toujours, lors même qu’ils ont des bains
chez eux).. II avertit le maître du bain la veille du jour où il doit s y rendre : on
s'empresse de le disposer d’une manière convenable; on l’orne de fleurs pour les
femmes; pour les hommes on se contente d’y brûler des parfums. Cependant le
futur époux a invité quinze ou vingt amis qui l’accompagnent; ils entrent dans la
salle du bain, et l’on n’y admet plus personne. Souvent ils apportent du linge> et
font venir des musiciens pour les divertir. L e mackem vient lui-même recevoir la
compagnie, et lui présente du café et des sorbets; il conduit le jeune homme dans
le bain, se retire, et vient bientôt après lui apporter une pipe. Lorsque celui-ci
s est baigné, le mackem le reconduit encore dans la première salle. On ne mange
pas ce premier jour au bain : le maître reçoit du futur époux six cents, mille, deux
mille parats, suivant le degré de sa fortune. Les personnes riches font deux fois
la cérémonie du bain.
Enfin arrive le grand jour où la marrée doit entrer dans l’habitation de son
époux : le père, ou un ami de celui-ci, vient la prendre chez elle; un cortège aussi
brillant que celui qui l’accompagnoit au bain la suit encore; elle sort sous un dais,
et toujours couverte d’un voile impénétrable. Des esclaves portent devant elle ses
bijoux et ses vêtemens dans des corbeilles élégamment ornées. Mais elle ne se rend
pas directement chez son mari ; elle fait de longs détours, pour que la pompe soit
plus éclatante; et lorsqu’elle entre sous le toit conjugal, son arrivée est célébrée
par un festin somptueux dans l’appartement des femmes. L e mari n’est pas du
nombre des convives. Il se rend le soir à la mosquée pour la prière ; ses parens et
ses amis l’accompagnent, et des choeurs de musiciens le précèdent. A son retour
chez lui, on sert le café et des sorbets : il entre dans l’appartement de la mariée;
les femmes se retirent, il n’y reste que la sage-femme et la baigneuse. Il approche
de son épouse toujours voilée; il invoque le nom du dieu de Mahomet, et, le coeur
palpitant de crainte et d’espérance, il lui découvre le visage. Alors les deux femmes
étrangères quittent la chambre à leur totir : l’épouse, restée seule avec son époux,
lui présente du miel, des confitures, ou quelque autre mets de ce genre, emblème
ingénieux de la douceur et des égards qu’ils se doivent l’un à l’autre, et qui sont
les plus sûrs garans de la félicité domestique ( i ).
argent, enfin deux rotl * de café dont un est enveloppé
séparément. Des chanteuses et des femmes invitées au
nombre de vingt, trente ou soixante, forment le cortège.
Dans les mariages d’un ordre inférieur, on remarque,
a quelques modifications près, les mêmes usages. La mariée,
au lieu de perles ou de diamans sur le châle qui la
couvre, porte pour atours une grande quantité de mon-
noiesd’orou d’argent. Des hommes du commun tiennent
les coins du dais, que précèdent quelques esclaves habillées
à la constantinopolitaine, et des musiciens montés
sur des ânes; un homme placé derrière la fiancée l’arrose
de temps en temps avec de l’eau parfumée, tandis qu’une
foule de femmes ferment la marche, et font retentir l’air
du chant/rtray/jy , ou consacré aux noces.
’ Le rotl vaut i
demi-kilogramme
< drachmes ; il équivaut à peu près à
r; : ioo rotl égalent 5 y kilogrammes.
Nous vîmes promener hors d’Alexandrie une fiancée
Arabe : elle étoit montée sur un chameau. Le bétail, les
meubles et tout ce qu’elle avoit reçu pour dot, l’accom-
pagnoient: la marche étoit lente; on faisoit même de
courtes pauses, et les Arabes ttroient des coups de fusil,
ou faisoient de la musique, tandis que les femmes conti-
nuoient leurs chants sans interruption. .
(1) Les cérémonies et les fêtes extérieures dont nous
venons de donner les détails, n’étoient point en usage
parmi les beys et les grands du Kaire ; tout se passoic dans*
l’intérieur de leurs maisons. Les cheykhs et tous les musulmans
qui se piquent d’avoir reçu une bonne éducation,
ont aussi abandonné, comme blessant la décence, la
coutume de montrer les preuves de la virginité de leurs
femmes aux parens et aux amis de la famille. Lès gens du
peuple et les Qobtes sont les seuls qui observent encore
cette pratique.