
la sépare de la paroi du puits: il a fallu une attention peu ordinaire pour réserver
une si petite masse de pierres ( i) . La température du fond du puits est de 17 à
180 (Réaumur) , le thermomètre placé dans l’eau. C ’est précisément la chaleur
moyenne du Kaire, mesurée par M. le colonel Coutelle ( i7 ° ,7 ) ;m a is elle est
inférieure d’environ 4° \ à celle du puits de la grande pyramide, laquelle est de
za°. Il est vrai que la température de l’air ambiant, au fond du puits de Joseph,
doit être environ de 22°, si l’on en juge par l’expérience faite dans le Nil à Philæ.
L ’erreur de Maillet et de Pococke, qui attribuentle puits d e Joseph à un vizir de
ce nom, du temps de Mohammed fils deQalaoun, a déjà été relevée (2); l’honneur
de la construction appartient à Salâh el-dyn Yousef, et elle date de ce prince, comme
celle du château. A ’bd el-Latyf, qui met au nombre des merveilles de l’Egypte les
deux puits de la citadelle, le témoigne expressément, quoiqu’il commette lui-même
une autre erreur, et Maqryzy avec lui, en disant que l’on descend dans ces deux
puits par un escalier de trois cents degrés, à moins qu’avec le temps les marches n’aient
été transformées en une rampe douce; mais cela est douteux, parce que les animaux
destinés à tourner la roue du second réservoir n’auroient pu y descendre ni en
remonter que très-difficilement. Je conjecture qu’A ’bd el-Latyf entend par les deux
puits celui de Joseph et le plus important des autres du château, dit Byr Sala
Saouâqy, placé au midi de la mosquée de Qalaoun, lequel reçoit l’eau amenée du
vieux Kaire, et non pas les deux parties du puits de Joseph, qui ne forment qu’un
seul et même ouvrage. (J’ai vu encore un autre puits extrêmement profond, le
long d’un mur attenant à la tour dite Bourg el-Sahrâ.) L a qualité de l’eau du puits
de Joseph est un peu saumâtre, et cependant son niveau est au-dessous de celui
des hautes eaux du N il, et même des basses eaux, selon M. Gratien L e Père: ce
qui prouve que telle est la source d’où l’eau arrive au puits, mais que dans le trajet
elle traverse des bancs chargés de sel.
Il existe un seul bain public à la citadelle, une grande place des tombeaux à
la pointe orientale de la ville des Janissaires, plusieurs autres places et marchés
publics, six moulins à blé, &c. Les magasins à poudre sont dans des souterrains
voûtés et à piliers, d’une construction remarquable ; il en est de même des écuries
souterraines du pâchâ, soutenues par des colonnes. Vers le nord du divan de
Joseph, on trouve encore des salles souterraines voûtées et très-élevées.
L a citadelle renferme un autre genre demonumens qui mérite d’être mentionné;
on les appelle Dyouân, ou divans : ce sont des lieux d’assemblée. Celui qui touche
à la tour des Janissaires, dyouân el-Moustahfazân, est le plus imposant ; c’étoit
aussi le divan des Janissaires. Un dôme couronne cette salle: il est supporté par
quatre colonnes de marbre blanc. Les murs sont couverts de riches mosaïques d’un
effet agréable, formées de carreaux en émail blanc, colorées d’omemens en bleu,
en vert et d’autres couleurs : tout autour est une estrade pour asseoir les assistant
L e plafond est richement peint et tout couvert de dessins en arabesque, ainsi
(1) Environ 16 centimètres ou 6 pouces ( voyez planche 73, Jîg. 3 ). Aux fenêtres, cette épaisseur est encore
moindre (4 pouces), et l’on craint, pour ainsi dire, d’en approcher.
(2 ) Par M. Sifvestrede Sacy, traduction delà Relation d*A*bd el-Latyf, pag. 211.
que
que la coupole. L a plupart des sujets représentés sur cës émaux sont emblématiques
et ont trait a des passages du Qorân ; les inscriptions ont une grande netteté.
Ces pièces remarquables ont 12 pouces sur 9 : on les exécute à Kiutayah ( i ). Le
divan des A ’zab est situé près de la porte de ce nom ; les mosaïques y sont aussi
formées d’émaux blancs artistement ajustés, ornées de fleurs et de dessins en bleu
et en vert. On y voit des minarets à longues flèches, selon l’ancien usage : l’effet
en est charmant, e t , à quelque distance, on croit voir des fresques. Les carreaux
sont appliqués très-solidement sur un enduit de gypse de 2 pouces d’épaisseur.
C’est au château qu’on frappe les monnoies d’Égypte. Rien n’est plus simple
que le bâtiment consacré à cette destination ; c’est en quoi il ressemble aux procédés
de la fabrication. L e Mémoire de M. Samuel Bernard me dispense de faire
la description de l’un et des autres, et je me borne à dire que l’hôtel des monnoies,
Dâr el darb, est situé à l’angle est de la cour du pâchâ. L ’or qu’on y frappe
vient en Egypte par la caravane de Dârfour, pour la plus grande partie. On peut
dire que les connoissances des chefs musulmans en fabrication étoient au niveau
de la probité des beys et des pâchâs en ce qui regarde le titre des monnoies.
On trouvera dans les planches (2) différens aspects delà citadelle et de ses mo-
numens, e t, dans leur explication, des détails qui suppléeront à ce que je passe
ici sous silence, afin d’abréger cette description. Je ferai remarquer seulement deux
choses, savoir,, un sarcophage en marbre blanc, sculpté assez richement, que j’ai
vu près du divan des Janissaires et qui s’écarte du style ordinaire des Arabes (3),
et ensuite une disposition singulière dans la coupe des voussoirs de plusieurs
portes, voûtes et arcades. A u lieu d’être taillées selon des faces planes, les parois
du voussoir sont formées de portions, de surfaces cylindriques, alternativement
saillantes et rentrantes, de manière que le profil présente une suite de courbures
dirigées en sens opposé ; si les constructeurs ont imaginé donner par-là plus de
solidité aux plates-bandes, ils se sont trompés, puisque le plus souvent les pierres
se sont disjointes, au lieu de se tenir plus fortement par ces crochets fragiles (4).
J’ai aussi remarqué à la citadelle des assemblages en charpente dont le trait est
fort compliqué (y).
Il seroit trop long de parler ici des environs du château, tels que la montagne
du Moqattam, sur laquelle il est assis, et dans le corps de laquelle on a taillé les
chemins et les souterrains, les places de Qarâmeydân et de Roumeyleh qui sont
à ses pieds, et dont la première servoit, comme je l’ai dit, pour les courses des
cavaliers Mamlouks, &c. On trouvera d’ailleurs, dans l’ouvrage, des remarques
sur la montagne Arabique, et ci-après, §. VIII, ainsi que dans l’explication des
planches, des détails sur ces places publiques (6 ).
La nature du rocher est une pierre calcaire coquillière, principalement numismate,
cest-à-dire, formée de coquilles plates agrégées ensemble, parfaitement rondes
( 1 ) J’en ai rapporté deux à Paris. Voyez E. M. vol. II, ( 5 ) Voyez E. M. planche 7 1 , Jîg. 8.
planche G G, Jîg. 12,14. (6) La place de Qarâmeydân renferme des huttes où
(2) Voyez planche 66 à 73, É. M. vol. I. logent entassées de pauvres familles, dont la misère est
(3 ) Voyez E. M. vol. I , planche.73, fig. 14. telle, que des cabanes de chiens ne sont ni plus étroites
(4 ) Voyez ïbid. pl. 7 / , fig. 7, et pl.72,Jîg. rf.,..i8. ni plus dégoûtantes.
Ê. M. TOME II, | | partie. T t t t