jours mêmes où l'on attendoit qu’elle devînt complète, et il continua à ne croître
que foiblement jusqu’au 27 de mesori, qu’il parvint à son complément : l’ouverture
de la digue ne se fit que le 28 du même mois, correspondant au 12 de
celui de dou-l-hageh. L ’émyr Aqberdy, qui étoit alors maître du Kaire, chargea
l’ouâly de cette cérémonie. Lorsque celui-cf fut arrivé à la digue, il trouva que le
çheykh A ’bd el-Qâder el-Dechtouty (1) en avoit déjà rompu un côté, et avoit
donné passage à l’eau. Il n’y eut point de. réjouissances publiques à cette occasion,
à cause de' la guerre violente qui régnoit entre les deux partis. L e Nil avoit
tardé environ vingt jours d’arriver à sa crue complète, et l’on n’y fit aucune attention
lorsqu’il y parvint. L e fleuve ne se maintint dans cet état que pendant peu
de jours, et il baissa subitement, de manière que le pays ne fut point arrosé suffisamment,
et les vivres renchérirent.
L ’an 903 de l’hégire [ i 497 de l’ère Chrétienne], la nouvelle lune du mois de
moharram arriva le même jour que le nourouz des Qobtes , conformément au
calcul par lequel' 011 fait concorder l’année Qpbte avec l’année Arabe ; et le
complément de la crue du Nil arriva le 4 du mois de moharram de l’an 904 de
l’hégire [ 1498 de l’ère Chrétienne ], et elle fut déclarée le 19 de mesori. Le
sultan el-Melek el-Nâser vouloit ouvrir lui-même la digue et aller au Meqyâs ;
mais ses émyrs ne voulurent point y consentir, craignant qu’on ne l’assassinât :
ce prince en éprouva beaucoup de peine ; et, descendant du château après la dernière
prière du soir (2), avec des fanaux et des torches, accompagné de ses cousins
et de quelques-uns de ses pages (3), il alla couper la digue pendant la nuit; il
alla aussi, en faisant sa tournée, à celle du p on t, et la coupa de même ; ensuite
il se retira au château pendant que la nuit duroit encore. Lorsque le jour commença
à paroître, les habitans du Kaire virent que les canaux étoient remplis par
les eaux : avant et depuis l’islamisme il n’étoit jamais arrivé d’ouvrir la digue
pendant la nuit, parce que, cette cérémonie étant une fête universelle pour le
peuple d’Égypte, c’étoit le priver des divertissemens qui avoient coutume d’accompagner
le jour de l'ouafâ. El-M elek el-Nâser fut tué quelque temps après la
retraite des eaux, dans le cours de cette même année; ce qui fut regardé comme
une suite du mauvais présage qu’on avoit tiré de cette infraction aux usages consacrés.
Son règne n’avoit été que de deux ans et quelques mois.
CHAPITRE VI.
H istoire du M eqyâs sous les S u lta n s O ttom a n s, de l ’an de l ’hégire y 24
a l ’a n 1213.
C e chapitre contient un espace de près de trois cents ans, qui commence
à la conquête de l’Égypte par le sultan Ottoman Selym I ." ; il comprend les
(1) El - Cheykh A ’bd el-Qâder, el-Declttouty , (2) El-A’cliâ
j-sUUI g î l t. (3) K h â sk y ctiS ^ x ..
réparations
réparations qui ont été faites au Meqyâs par les ordres de ce prince, et celles qui
ont été exécutées par Hamzah-pâchâ et par les beys, jusqu’à la conquête de
l’Égypte par les Français.
§. I . "
Réparations fa ite s au M eqyâs p a r le Sultan Selym I
L e sultan Selym I.cr (i) étoit fils de Bajazet II (2] et petit-fils de Mohammedkhân
(3) ; il naquit à Amasie, l’an 872 de l’hégire [ 1468 de l’ère Chrétienne], et
succéda à son père sur le trône de Constantinople, le 18 du mois de safar de
l’an 918 de l’hégire [ 15 12 de l’ère Chrétienne], étant alors âgé de quarante-six
ans. Il détruisit entièrement les Mamlouks, qui étoient alors maîtres de l’Egypte
et de la Syrie, et acheva de réduire sous sa puissance, l’an 924 de l’hégire [ 1 5 18
de 1ère Chrétienne], l’Egypte et tous les autres pays qui leur avoient appartenu;
ce monarque s occupa de l’administration du pays qu’il venoit de conquérir, et
fit aussi quelques restaurations au Meqyâs ; il mourut, à l’âge de cinquante-quatre
ans, après un règne de neuf ans et huit m o is , le samedi 9 du mois de chaouâl de
l’an 926 de l’hégire [ 15 20 de l’ère Chrétienne].
Son fils Solymân I ." (4) et son petit-fils Selym II (5) s’occupèrent beaucoup
de l’organisation intérieure de l’Égypte, qui leur doit presque toutes les institutions
financières et administratives que nous y avons trouvées établies. Ces
que nos écrivains nomment Bajazet I I , fut le huitième
sultan des Ottomans, et succéda à son père Moham-
rned ben Mourâd S\ja ^ , que nos historiens ont
appelé Mahomet IIJ; il monta sur le trône à l’âge de
trente ans, le 18 du mois de raby’ el-aouel de l’an 887
de l’hégire [ 1482 de l’ère Chrétienne], suivant Ahmed
ben-Yousef.
(3) Mohammed-khan ben Mourâd
étoit fils, de Mourâd-khân s\ja, qui fut surnommé
el-Melek el-A’âdel (¿LU! [le roi juste] : il monta
sur le trône, à la mort de son père, le 16 du mois de
moharram de l’an 855 de l’hégire £1451 de l’ère Chrétienne]
; il avoit été quelque temps associé à l’empire
pendant la vie de son père. II étoit alors âgé de dix-neuf
ans cinq mois et trois jours, et il régna trente ans et deux
mois. C ’est ce prince qui prit Constantinople, l’an 857
de l’hégire [ 1453 de l’ère Chrétienne]. II mourut le vendredi
5 du mois de raby’ el-aouel de l’an 886 de l’hégire
[1481 de l’ère Chrétienne], à l’âge de cinquante-un ans.
(4) Soleymân ben Selym çX», ^ étoit né l’a n .
900 de l’hégire [1495 de l’ère Chrétienne] : il monta sur le
trône l’an 926 de l’hégire [ 1520 de l’ère Chrétienne ], et
mourut dans le mois de safar, l’an 974 de l’hégire [ 1566
de l’ère Chrétienne], aprèsun règne de quarante-huit ans.
(5) Selym ben Soleymân ylçJL. monta sur le
trône l’an 974 de l’hégire £1566 de l’ère Chrétienne], et
mourut l’an 983 de l’hégire [1575 de l’ère Chrétienne],
après un règne de neuf ans.
(1) Selym-khân ben Bâyazyd 00 J jL ^Xm , que
nous çonnoissons sous le nom de Selym ne borna pas
sa gloire à ses exploits militaires ; il s’occupa aussi beaucoup
de la littérature et des sciences. Les Orientaux le
mettent au nombre des princes qui ont été les plus savans
dans les langues Arabe , Turke et Persane, dans lesquelles
il composa des poésies citées pour leur élégance.,
11 avoit coutume de parcourir, déguisé, les places et les
rues, pour y entendre ce que l’on pensoit de son gouvernement.
Suivant B en-Aby-l-Sorour, ce prince,
étant entré à Haleb après la défaite de Qansou el-Ghoury,
assista aux prières solennelles du vendredi ; l’imâm adres-
soit alors à Dieu des prières pour lui, en se servant de
cette formule :
(jlâ- ^Xy (jlkUl UVyo_j-aJÎ |*ÜJ|
« O Dieu, sois secourable à notre seigneur le sultan
35 Selym-khân , sauveur des deux nobles villes de la
» Mekke et de Médyne. »
Ce titre fut tellement agréable au sultan, qu’à son retour
du temple il se dépouilla de ses vêtemens, qui valoient plus
de mille pièces d’or, et les envoya en présent à l’imâm. En
allant à Andrinople pour y passer l’hiver, il fut saisi de la
maladie dont il mourut, dans le même lieu, dit-on, où il
avoit livré la bataille contre son père. Il eut pour successeur
Soleymân ben Selym oX* que nous connoissons
sous le nom de Soliman I " , et qui monta sur le
trône l’an de l’hégire 926 [ 1520 de l’ère Chrétienne],
(2) Bâyajyd-khân ben Mohammed ^ qU. ooJjL
. T O M E I I , 2.c partie. I