mais il a sauvé assez habilement l’irrégularité des lignes obliques qui lui étoien t
imposées ( t ).
Voici ce que raconte, au sujet de cette mosquée, l’auteur d’un ouvrage peu
connu, traduit de l’arabe par feu Venture (2 ), ouvrage que j’aurai occasion de
citer plusieurs fois, et qui paroît n’avoir pas été publié.
« C ’est sous le règne de Hasan Melik el-Nasry que fut construite la mosquée
» nommée Cheykhoun, du nom de son fondateur, en 755 [ 1 3 5 4 de J. C.];
» le couvent des derviches, connu également sous le nom de Cheykhoun, en
» 7 5 6 [ 13 5 5 ]) et le fameux collège nommé el- Soultân Hasan, situé dans la
» place el-Roumeyleh, qui date de l’an 758 [ 1356 ]. V o ic i ce que dit l’historien
» el-Maqryzy au sujet de cet édifice : L ’islamisme ne possède aucun temple qui
» puisse être comparé au collège de Soultân Hasan pour la hauteur et la gran-
» deur de son édifice et pour la beauté de son architecture : il coûta trois années I
■ ». consécutives de travail ; et la dépense de chaque jour alloit à près de mille j
» mitqâls d’or [quinze mille francs environ]. Quelque temps après qu’il fut achevé,
» un de ses minarets vint à tomber, et il écrasa dans sa chute environ trois cents
» orphelins occupés à l’étude. L e peuple regarda cet événement comme un
» présage sinistre des malheurs qui menaçoient son fondateur; il fut tué en effet I
» trente-trois jours après. »
C ’est aux planches que j’ai déjà citées que le lecteur doit recourir pour avoir I
une idée plus précise des dimensions de la mosquée colossale de Soultân Hasan (3) I
et de l’élévation de ses différentes parties : je me bornerai à dire que sa longueur I
totale, sur le grand axe, est d’environ cent cinquante mètres [462di] ; l’élévation I
de son grand minaret est de quatre-vingts mètres [247^]. Son entrée sur la rue I
appelée Souq el-Selâh [le marché des aimes] est très-imposante, quoiqu’irrégu-1
iière (4) ; l’effet en seroit bien plus grand, s’il y avoit une place de ce côté, comme I
du côté de la citadelle.
Quand, du haut de ce dernier endroit, on jette les regards sur cette grande 1
ville, et au-delà, sur la vallée du Nil qui termine la plaine, sur les pyramides, plus I
loin sur le désert Libyque à perte de v u e , cette mosquée forme im premier I
plan magnifique au-devant d’un tableau déjà si pittoresque et digne du pinceau I
des premiers paysagistes. T o u t artiste qui voit ce spectacle est frappé de sa beauté, I
et aussitôt il saisit ses crayons pour mieux en conserver la vive impression (5). I
La plus ancienne de toutes les mosquées du Kaire est celle de Teyloun ou I
( i ) Voye^ le plan, planche33, E. Ai. vol. I. Les plans, du Kaire (planche 26, É. M. vol. / ) , n’ont pas tous été I
les coupes et les détails de cette belle mosquée ont été réduits à l’échelle convenable; il faut consulter, pour les 1
mesurés et dessinés par M. Protain. - dimensions exactes, les planches 27,30,33 et suivantes, 1
(2) Extrait d’un manuscrit intitulé, Passe-temps chro- et aussi la planche 73.
nologique et historique, ou Coup d’oeil récréatif sur le règne (4 ) Voyez pl. 38 et pl. 33 , fig. r et 2, E. Ai. vol. J• I
des califes, des rois et des sultans d'Egypte, de la compo- (5) Cet aspect manque à la collection des planches du I
sition du cheÿkh de l’imâm, le plus docte des docteurs, Kaire; mais il a déjà été gravé plus d’une fois. C’est celui 1
Yousefben-Meryi, natif de Jérusalem, de la doctrine qu’auroit eu à représenter l’artiste qui a dessiné la vue I
d’Hanbel ; traduit par feu Venture. Je ne possède que la de la planche32, E. Ai. vol. I , s’il se fut élevé suffisara* j
traduction. M. Silvestre de Sacy regarde cet ouvrage ment. La vue planche 61 est dirigée du même côté ; mais j
comme inédit. elle représente la ville des morts sur le premier plan, au I
(3 ) Les plans de mosquées, figurés en petit sur le plan lieu du Kaire même.
Touloun, bâtie par Ahmed ben-Touloun, premier sultan d’Égypte, de l’an 264
à 266 de 1 hegire [ 877-879 de J. C. ]. c. C ’e st, dit l’auteur Arabe que j’ai cité plus
» haut ( 1 ), 1 un des plus magnifiques temples qui aient jamais été construits à la
„ gloire de I Eternel ; il le commença la dixième année de son règne, et l’acheva
»en trois ans. La dépense fut de 120,000 dynâr [1800000 francs] (2). On
„ montoit au minaret par un escalier extérieur, en forme de spirale (c’est ce qu’on
» observe encore aujourd hui ) ( 3 ). 11 fit faire la corniche qui régnoit tout autour,
» avec de J ambre pétri, pour flatter l’odorat de ceux qui viendraient y prier. » La
dernière circonstance pourrait donner une idée peu avantageuse de l’écrivain
auquel j’emprunte ces détails, et judicieux d’ailleurs dans le reste de son ouvrage.
Il nous apprend quil fut lui-même professeur de jurisprudence au collège de la
mosquee de T ou loun , où il y av o it , à une certaine époquè, un grand nombre
de chaires. Plus tard, le sultan Mamlouk Hoçeyn el-Dyn, qui régna en 697 et
698 [ 1297 et 1298 ], en fonda neuf, dont l’une étoit destinée à la partie de l’astro
nomie qui concerne la marche de la lune; d’autres, à la médecine, à l ’étude des
lois,'&c. Ahmed ben-Touloun fut un grand prince: il fit faire beaucoup d’autres
ouvrages. La mosquée de T d u lo u n , avec son enceinte, a environ 80 mètres
[247d‘ ] dans un sens, sur 76 [ 234^] dans l’autre.
La plus ancienne mosquée, après celle de Tou lou n, est Gâmà el-Azhar, ou
la Mosquée des Fleurs, que j’ai déjà nommée ; la longueur totale de son plan est
denviron iy o métrés, la meme que celle de Soultân Hasan. Sa fondation est de
la meme date que celle meme du Kaire. Les Fatimites s’étant emparés de
1 Egypte et du titre de khalyfes en 338 [9Ô8], le premier sultan de cette dynastie,
Abou-Temym el-A’ad el-Mo’ezz le-dyn-allah, résolut de bâtir une nouvelle ville
qui pût rivaliser avec Baghdâd, que les Abassides a Voient élevée avec tant dé
magnificence. Par ses ordres, le visir Qâyd-Gouhar jeta les premiers fondemens
dtf Kaire et de 1 hôtel appelé el-Qasreyn, ou les deux palais, celui du gouvernement
et celui dit vizir (4). En 359 [9 6 9 ] , il fit commencer la mosquée el-Azhar, et
elle fut achevée en 361 (5); le sultan mourut en 365, après avoir régné vingt-
quatre ans, tant en Barbarie qu’en Egypte. Comme les Fatimites prétendoient
descendre de Fatime el-Z.ehra ( la fille du Prophète ), c’est peut-être à cette
prétention qu’est dû le nom de lamosquëe,(6). Pendant son long règne, le sultan
Qâyd-bey Abou el-Nasr fit faire des embellissemens à la mosquée el-Azhar, une
grande piscine, un magnifique bassin avec un jet d’eau, et il ajouta près de la porte
une fontaine publique avec uhe école. Deux salles furent aussi ajoutées à ce
vaste temple pour l’enseignement de la théologie et du droit. Il fit encore construire
en divers lieux des mosquées, des chapelles, des ponts, et son exemple fut
(1) Traduction du manuscrit arabe de Meryi, par (5) Voir h traduction du manuscrit Arabe cité plus
Venture. haut.
(2) Eh supposant au dynâr de Touloun (comme (6) En 658 [ 1259], Beybârs répara la mosquée des
étant le plus pur ) une valeur de 15 fri ( Mémoire sûr les Fleurs et plusieurs autres mosquées du Kaire- : c’est le
monnaies Arabes, par M . Samuel Bernard. ) ■ ‘ même qui rebâtit la mosquée d’Atâr el-Naby, village
(3) Planches 2p, yo, , E. M.-vol. /. voisin du Kaire, les ponts du canal Abou-Meiieggeh,
(4) Voy.pl. ad ( n.° 281, H-6), à Khoii Beynel-Qas- Damiette, ainsi que les murs et ie phare d’Alexandrie.
rtyn. Voy. aussi tt.°* 321 et 324 G-J, et ci-après, §. VII.