O n doit en grande partie à feu Conté la connoissance de l’état des arts au Kairc
à la fin du x v i i i . ' siècle, puisque la collection des dessins où ils.sont représentés
est presque tout entière son ouvrage; c’est à lui que les Égyptiens eux-mêmes
auront été redevables des premières leçons d’industrie Européenne : c’est un hommage
que je me plais ici à rendre à sa mémoire ( i ).
i .» A R T S A L I M E N T A I R E S .
BLÉ, PAIN.
L e nombre des moulins à blé est d’autant plus considérable au Kaire, que ces
moulins sont d’un plus foible produit. Ils ont été décrits dans l’Explication des
planches des arts et métiers, et nous devons y renvoyer le lecteur; le moyen
employé pour la mouture est simple (2), mais bien imaginé. O n emploie à l’usage
des moulins des tronçons de colonne en granit, puisées dans les anciens monu-
mens, et que les Turks scient impitoyablement pour en faire des meules. Cest
ordinairement un manège que fait aller un cheval ou un boeuf On fabrique au
Kaire les instrumens nécessaires pour vanner le blé, l’orge et les fèves, et autres
grains qui sont soumis à la mouture; ils se font avec des nerfs de cheval, dane et
de buffle : les hommes livrés à ce métier de vanneur s’appellent mogharbelyn; ils
sont logés dans 1 endroit appelé Kafr clieykh Kyliân (3 ), 011 habitent aussi les porteurs
d’eau \saqqâyn~\, classe d’hommes très-nombreuse au Kaire et extrêmement
occupée pour tous les usages alimentaires et économiques.
L e pain fabriqué au Kaire est sans levain ou à peine levé; on le cuit mal, et il
a peu de saveur. Le four à cuire est à peu près comme les nôtres.
F È V E S .
L a préparation des fèves occupe aussi un grand nombre d’individus ; c’est un
aliment très-commun et très-sain, qui est d’une immense consommation pour le
peuple : il seroit curieux de comparer sous ce rapport les usages des anciens et des
modernes Égyptiens. On a coutume de faire fermenter les fèves deux jours dans
1 eau; après qu’elles ont germé, on les assaisonne, et c’est dans cet état qu’on les
met en vente. Plusieurs lieux consacrés à cette fabrication (4) sont connus sous le
nom de faouâleh Î (le jo u i, fève).
B O U C H E R S .
Les bouchers [gezzâryn] ne sont pas en très-grand nombre au Kaire pour la
raison que nous venons de dire; le peuple mange fort peu de viande, moins
de viande ou de poisson que de pain, et moins de pain que de fèves. La viande
de chameau ou de buffle, tout au plus, lui est abandonnée par les grands, qui
•se réservent le boeuf Cependant il se nourrit aussi de pieds de mouton qu’on
(1 ) Voyez la Notice biographique sur Conté. (3 ) Voyez planche 211, Ê. M. vol. 1 ( n.° 272,
- ( 2 ) Voyez les planches i x et X , Arts et Métiers, yac O-13 ).
feu Conté, et les explications par MM. Eoudet et Joilois, (4 ) Voyez planche 26 ( n.° 287, L -13 ).
fait
fait sécher à la fumée \masmat el-kouâre‘ ~\. Les boucheries \madbah ] sont en général
reléguées aux extrémités de la ville.
FO U R S À P O U L E T S .
On connoit I industrie singulière des fours à poulets; c’est là le genre de fabrique
qui alimente a bon marché les tables du Kaire en volailles de cette espèce. A peine
le croira-t-on, les poulets se vendent au boisseau ; quand un marché est conclu
entre les parties, le vendeur verse les poulets dans des mesures, ou bien sur le
carreau, exactement comme on verseroit de l’eau dans un vase ou par terre ( i ).
H U IL E .
Le peuple se nourrit aussi de pâte de siryg, formée des graines de semsem (ou
sésame) quon apporte de la basse Égypte, afin d’en extraire l’huile commune. Le
moulin qui sert a piler cette graine, est analogue au moulin à farine; elle est préalablement
séchee au four pendant six heures ; ensuite on en fait une pâte épaisse
appelée siiyg, qui est foulée dans une cuve, à pieds d’homme. L ’huile qui en sort
est épaisse et verte ; elle filtre à travers un vase poreux. L e nombre de ces moulins
à huile [ sirgeli ] est très-considérable.
Il y a aussi des fabriques d’huile de lin [ masarah ] et d’huile d’olive. Jadis cette
dernière espèce d’huile étoit plus commune et de meilleure qualité en Égypte (2).
V IN A IG R E .
On fabrique avec les dattes presque tout le vinaigre qui se consomme au Kaire.
C’est pendant l’été que ces manufactures sont en activité. On se sert aussi de vin
de Chypre et deSmyrne, et aussi du raisin du Levant \el-z,ebyU\ qu’on fait fermenter
pendant huit jours en été et pendant quarante ou cinquante jours en hiver. Ces
deux sortes de fabriques sont répandues par-tout ( 3 ).
s u CR E .
Le sucre est apporté du Sa’yd, brut ou rouge, en gros pains, et on le raffine au
Kaire en trois degrés diflérens. Celui de première qualité ( moukarmr ) est d’une
très-grande blancheur; mais l’opération du raffinage, étant longue et dispendieuse,
renchérit considérablement le prix de cette denrée, qui est à si bon marché dans la
haute Égypte. L e résidu est la mélasse, appelée a s a l el-esoued, miel noir, qui se
purifie et qui est un grand objet de consommation. On trouvera ailleurs tous les
détails nécessaires sur la production et la fabrication du sucre (4).,
P Â T E S S U C R É E S .
Les gens riches du Kaire sont friands de sucreries et confitures \morabbeh ],
qui sont préparées assez habilement, et qui se débitent dans le Soukkâryeh, avec
( 1 ) Voyez, E. M. t. I , pag. 203, le Mémoire de (3) Voyez la planche x 1 , fig. 1 , Arts et Métiers, et
MM. Rozière et Rouyer, et la pl.i, II, Arts et Métiers, l’explication par M. Rozière.
. (2) Voyez les planches 1 et x i i , Arts' et Métiers, et (4 ) Voyez principalement le Mémoire de M. Girardsur
l’explication de la première par M. Devilliers. l’agriculture, l’industrie, &c. Ê. M. t. I l , p. $47 et 610.
É . M. TOM E I I , 2.e partie. V v v v