de Châfe’y est l’ouvrage de Melik el-Kamil, qui y fit conduire les eaux de Birket
el-Habech, ancien étang situé entre le vieux Kaire et le château. Auprès de Tourâb
el-Imâm, sont les tomheaux de Qarâfeh, et plus lo in, ceux qui sont appelés Tourâb
el-Seydeh Omm-Qâsem. L a plupart sont remarquables par une grande magnificence
; le marbre, l’o r et les couleurs brillantes y sont prodigués : six planches de
l’ouvrage ont été consacrées à les représenter. En jetant un coup-d’oeil sur ces gravures,
ie lecteur se formera une idée de leur richesse. Un des plus beaux est
celui d’A ’ly-bey. D e grandes enceintes sont particulièrement réservées pour les
familles opulentes ; la famille Cherqâouy possède une des enceintes principales
Celles-cisont fermées par des portes en pierre, roulant sur leurs gonds. Indépendamment
des sculptures en marbre et recouvertes d’or, les tombes sont encore enrichies
de fleurs et de feuillages sculptés, revêtus d’or de couleur rouge, verte et jaune
les colonnes et les cippes sont chargés d’inscriptions Arabes, sculptées de la même
manière; enfin l’intérieur des coupoles est orné de caissons sculptés en relief (iY
A u levant du Kaire, est l’autre ville des tombeaux connus sous le nom de Tourâb
Qàyd-bey, dont l’étendue est d’une lieue; elle va rejoindre la Qoubbeh. Ces
tombeaux ne sont ni moins magnifiques ni moins imposans pour le luxe de l'architecture
que ceux de Qarâfeh. On distingue encore au-dehors du Kaire les tombeaux
de Bâb el-Ouizyr près la porte de ce nom; les tombeaux d’el-Ghorayb,
ceux de Bâb el-Nasr au levant, et, du côté du couchant, les tombeaux de Qâsed
près la porte du même nom. A l’intérieur même de la ville, on rencontre encore
plusieurs cimetières ; savoir : Tourâb Gâma’ el-Ahmar, Tourâb el-Roue’yy, et
Tourâb el-Ezbekyeh, près de la place de ce nom,-sans parler de plusieurs autres
de peu d’importance.
On compte en tout treize grands tombeaux ou cimetières publics, sans parler de
plusieurs madfân. Entre ces milliers de tombes et d’enceintes, il y a des sortes
de rues où l’on marche commodément, et des banquettes de pierre où l’on peut
s’asseoir. L ’usage est de visiter les tombeaux chaque, vendredi, au lever de l’aurore.
On y prie, on y plante des fleurs, on y répand des plantes aromatiques. Les
femmes et les enfans s’y rendent avec les hommes ; la foule des visiteurs est immense,
et annonce au loin l’emplacement de ces necropolis. C ’est un spectacle
à-la-fois religieux, touchant et pompeux, qu’il faut avoir vu plusieurs fois pour
s’en faire une juste idée ( 2 ).
§. III.
Description de la Citadelle du K a ire (3 ) .
L a citadelle, el-Q a la h , est bâtie sur une hauteur qui commande la ville, et qui
est elle-même commandée par le mont Moqattam, montagne calcaire coquillière,
( i ) On a essayé de donner dans la planche 66, E. M. ( 3 ) Voyelle plan du Kaire,planche 26, E. M. vol. 1.
vol. I , une idée de la richesse des tombeaux du Kaire et Le plan original de la citadelle a été levé à l’échelle
du goût qui règne dans ces édifices. Voye^ cette planche de 0,0012 pour mètre, c’est-à-dire, à une échelle six fois
et son explication. plus grande que celle du Kaire; les détails ont dû dispa-
(2) Voyez Essai sur les moeurs des Egyptiens, par roître dans la réduction, et celle-ci manqué un peu de
M. de Chabrol, ci-dessus, page 361. clarté, sur-tout pour la citadelle.
dont elle est séparée par un vallon d’une médiocre largeur. De la profondeur du
puits de Joseph, on déduit que le point le plus élevé du château est à environ
93 mètres au-dessus des basses eaux du Nil. D u sommet de la montagne à la
tour des Janissaires, qui est à peu près au centre, il y a 709 mètres ( 1 ) , et à
la tour la plus avancée, bourg el-Haddâd, 4o8 mètres seulement (2). La forme
est très-irrégulière, la circonférence est de 3000 mètres (3). Elle fut construite
par ordre du fameux Salâh el-dyn Yousef Ebn Ayoub [Saladin ] en j 6 2 [ 116 6 ].
Voici à quelle occasion, suivant le récit qu’en fait Maqryzy (4) : Après avoir
ruiné l’empire des Fatimites, Saladin, pour se mettre à l’abri de toute attaque,
chercha à se former un asile plus sûr que le palais du vizirat au Kaire (5), que
les sultans avoient habité jusqu’alors, et il se décida pour l’emplacement où est
bâti le château, parce qu’on avoit observé que la viande s’y conservoit deux fois
plus long-temps qu’au Kaire. Il ordonna à un de ses émyrs, Boha el-dyn Qarâ-
qouch Asadi, d’y élever une citadelle; celui-ci fit apporter les pierres provenant
de la démolition des petites pyramides de Gyzeh, et construisit avec ces matériaux
la citadelle et le rempart du Kaire ou mur d’enceinte (6). C e rempart de
Saladin avoit 29300 coudées de tour, selon A ’bd el-Rachyd el-Bakouy (7).
Cependant ces travaux ne furent terminés que quarante-deux ans plus tard par
Melik el-Kamil Nasr el-dyn, fils de Melik el-A’bd el-Seyf el-dyn.
Saladin et son fils ne résidèrent à la citadelle que momentanément ; mais depuis
el-Kamil les princes et les gouverneurs y ont presque toujours demeuré. Cependant
cet emplacement étoit mal choisi pour un château fort : du mont Moqattam,
qui est au levant, on plonge dans l’intérieur du château, et l’on peut aisément le
battre en ruine ; mais du côté du K a ire , ce lieu est bien défendu par l’escarpement
du rocher; ses flancs au midi, à l’ouest et au nord, peuvent être mis à l’abri
de toute attaque. Qu’on me permette de revenir sur le magnifique spectacle que
le voyageur a ici sous les yeux : quand, du haut de la citadelle, il promène ses
regards vers le Kaire, il a devant lui une des plus imposantes perspectives qui
se puissent imaginer : plusieurs artistes ont cherché à en retracer l’image ; mais
aucun, selon moi, n’a réussi, et peut-être est-il impossible de le faire complètement.
L e champ du tableau est immense, principalement du côté de l’ouest.
La vue s’étend bien loin dans le vaste désert de Libye; à trois ou quatre lieues au-
delà des grandes pyramides de Gyzeh et de Saqqârah et de la plaine des Momies,
jusqu’aux derniers rameaux de la chaîne Libyque. L a grande plaine cultivée et les
forêts de palmiers qui sont au pied de ces gigantesques monumens; le Nil, qui serpente
comme un ruban argenté ; la charmante île de Roudah ; 1? rive droite du
fleuve, partie verdoyante et partie sablonneuse ; à droite Boulâq, à gauche le vieux
Kaire; la vallée de l’Égarement, et, plus près, la ville des tombeaux et l’aquéduc;
(1) 364 toises. Derb el-A’sfar,/?/. 26 (n.eS 321, 324, G-5 ). Voy. S- VII.
(2) 209 toises. s (6) Yousefben-Meryi, l’auteur du manuscrit souvent
(3) 1539toises. cité plus haut, n’attribue à l’émyr Qarâqouch que la
(4) Relation d'A’bd el-Latyf, trad.de M. de Sacy, construction du rempart.
pag. 209. ( 7 ) Voyez la Décade Egyptienne, tom. I I I , pag. 1715
(5) Dâr el-Ouizyrah, situé, d’après les auteurs, dans c’est environ 17000 mètres.