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l’Egypte qu’à des cages rectangulaires analogues à celles que l’on fabrique en France
avec de l’osier.
Dans un pays comme l’Egypte, où tout le monde fait usage du café, c’est y j
art que de le préparer pour l’offrir à toutes les classes de la société ; aussi y a t-i| '
Rosette des ateliers ( i ) où l’on brûle le café et où on le pile : on a de grands pla
teaux en cuivre placés sur la surface d’un fourneau, où l’on fait rôtir la graine de
café ; on la broie ensuite dans des mortiers de granit avec des pilons en cuivre
L ’usage de ces pilons présente quelquefois des inconvéniens, parce que, dans l’opé-
ration, il peut se détacher des parcelles de métal qui, mêlées au café, donnent des
tranchées, ainsi que je l’ai quelquefois éprouvé,
L ’orfévrerie est aussi exercée à Rosette ; un quartier de cette ville est assigné
aux orfèvres. Je m’attendois, en y entrant;, à voir les plus belles boutiques de la!
ville; mais j’ai été bien trompé dans mon attente. D e petits réduits sales et obscun i
où l’on ne voit pour tout meuble qu’un soufflet cylindrique à main, un chétif
fourneau, et quelques petits creusets de grès assez semblables aux nôtres; voilai
tout ce qui constitue l’atelier des orfèvres. Il faut cependant ajouter qu’ils ont!
des marteaux et des enclumes assez bien exécutés. Aucun de leurs ouvrages n’est
exposé, comme chez nous, dans les boutiques. Il paroît qu’ils n’exécutent qu’au i
fur et à mesure des commandes qu’on leur fait. Je les ai vus fabriquer devant moi
une bague d’un travail assez grossier, et couler un lingot.
D es Ophiogènes.
P e n d a n t mon séjour à Rosette, je n’ai pas eu l’occasion d’être témoin de lai
grande fête qui s’y célèbre tous les ans en l’honneur de Sydy Ibrâhym : mais on sait!
qu’à la procession qui fait partie de la célébration de cette fête, on voit tous les*
corps d’artisans rangés chacun sous sa bannière; l’étendard de Mahomet est porté!
en triomphe; les cheykhs, ou prêtres du pays, coiffés de longs bonnets en formel
de mitres, suivent à pas lents et chantent des versets du Qorân ; à la suite viennent!
des Psylles qui dévorent des serpens vivans. Savary (2) raconte en détail le spec-l
tacle vraiment extraordinaire et curieux dont il a été témoin. Notre objet n'estl
point de reproduire des choses déjà connues; mais nous ne pouvons nous em-l
pêcher de raconter quelques faits qui se sont passés sous nos yeux, ou qui nous!
ont été certifiés par dés personnes dignes de toute notre confiance. Ces feitsl
concernent les Ophiogènes ou Psylles modernes.
Il y a en Egypte une certaine classe d’hommes qui manient impunément les ser-l
pens, les vipères et les scorpions. C e sont les successeurs de ces Psylles, peuples!
de la Cyrénaïque, qui, au rapport de Strabon ( 3 ), avoient le secret de se garantit*
(1) Voye^ les Arts et Métiers, planche XX v i, fig-y, (3) ErraoSa. pwÿivovcn tbvç 'Oyiojivéïç cvyyireicti nie lXa I
dessinee an ICaire par feu ML C o n te , et I explication de esspoç tcùç btpetç’ <pctai «f1* ewTtSv ecppirttç un
cette planche* cliuç eivetf} tmyzySç ¿(pecniopUvovç, a<rmj> 70u'f ‘Oftnv I
(2) V o y e z les Lettres sur l Egypte, tom. I , pag. 62. pÀy ii mS.i%fÀa.ei( tawnvçpitmqjz ^py7aç, e/ra xjfi 7»f 1
du poison des serpens. ( i ). En général, en Egypte, les serpens et les scorpions sont
c o n s id é ré s comme d é s reptiles nuisibles, dont les morsures ou piqûres peuvent
avoir les suites les plus funest.es, et souvent même donner la mort. L ’armée Française
en a fait quelquefois la funeste expérience. On devroit donc regarder comme
un bienfait une association d’hommes dont le but seroit de délivrer le pays d’un
sem b lable fléau : or ce but est en partie rempli par des espèces de charlatans, qui
calm en t au moins les alarmes du peuple.
Les Psylles modernes possèdent le secret de délivrer les habitations des serpens
quelles peuvent renfermer. Iis se vantent aussi de garantir de la morsure de ces
reptiles et de celle des scorpions. Les preneurs de serpens se promènent dans les
rues des villes et des villages de l’E gypte, en annonçant à haute voix aux habitans
qu’ils sont tout prêts à les débarrasser des serpens qui pourroient se trouver dans
leurs demeures : ils portent à leur bras un panier où ils les déposent. Ces hommes
mettent toujours un certain charlatanisme dans leurs opérations : pour savoir s’il
existe des serpens dans un lieu habité, ils commencent d’abord par composée leurs
regards et leurs manières, et donnent à toute leur personne un air prophétique ; ils
tournent avec mystère les yeux dans tous les coins de ¡’appartement, et finissent
par les arrêter dans les endroits où se trouvent effectivement les serpens ; ils flairent
comme pour s’assurer par l’odorat de la présence de ces reptiles : alors ils prennent
une espèce de baguette divinatoire; ils prononcent une exhortation avec des indexions
de voix traînantes pendant à peu près cinq minutes; ils crachent à terre,
se baissent et se relèvent ensuite en montrant, soutenu sur la baguette, divinatoire,
le serpent naguère caché dans quelque trou des murailles de l’habitation. On
pourrait croire que toute cette opération est le résultat d’un escamotage; mais nous
pouvons assurer qu’il n’en est rien : nous avons exposé ici les faits dont nous avons
été témoins; nous les avons dépouillés de tout le merveilleux sous lequel nous
aurions pu |es présenter, et l’on peut compter sur la plus exacte vérité.
Mais ces faits, au reste, soumis à une critique judicieuse, n’offrent rien qui
ne puisse s’expliquer naturellement par l’analogie avec d’autres faits dont nous
sommes témoins tous les jours, En effet, n’y a-t-il pas mille circonstances où les
différentes inflexions de la voix de l’homme sont entendues par des animaux domestiques
et même sauvages î Nous n’en citerons qu’un seul exemple : le chasseur
ne possède-t-il pas l’art de produire des sons qui attirent dans ses filets ou sur ses
■gluaux une multitude d’oiseaux divers! Assis sur le bord d’un ruisseau et caché
dans le feuillage, il se dérobe à tous les regards, et à sa voix trompeuse accourent
vmnat, ytji y*r mrov. MuQevovoi /é •nv àp^i}Z7»y 7tv yiwç
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hiSvxot' «V Si 7î ytvoç JitTetnv ti Siiyapuç p-vyp- miroü.
lbi loeorum fabulantur Ophiogenes (id est, Serpenti-
genas ) esse, qui cum serpentibus quamdam liabeant cogna-
tionem : nam mares eorum medicari aiunt iis qui à vipera
morn sunt, continenter tangendo, tamquam incantatores
soient, ac primùm in se transferre livorem, deinde infiam-
snauonem etiam doloremque sedare. Ferunt principem ejus
■ oener,s e serpente in heroem fuisse mutatum : fortasse unus
è Psyllis A fris fu it; facultas ea aliquandiù eo in genere
mansit. ( Strab. Geogr. lib. x i l i , pag. 588, éd. Paris.
1620, in-fol. )
(1) Evioi <T'* ccamf tüvç 'i'uMovç tpcun tüuç 'apoç 7» Kvpwanz
ÇuatKtiv TtVCL CtYlimUilcU/ í%IV ®¡P¿f 70 ipinla., OVTUÇ I(gtt 70VÇ
TiVJVeJ.TUg «ffljpo'f 7ÙVÇ KfOKûJïl^OVÇ, X. T. A.
Sunt qui dicant, quemadmodum Psylli apud Cyrenaicam
regionem naturalem quamdam vim habent adversas serpentes,
sic et Tentyritis esse contra crocodilos, ¿7c. ( Ibid.
Iib. x v i l , pag. 8 14- )