PREMIERE PARTIE.
D E L A V A L L É E D U N IL .
C h a r g é , par nos fonctions mêmes, de la direction des eaux, dans la vue®
d’établir et d'améliorer la navigation, d’opérer les irrigations nécessaires à i’agri-H
culture, et d’assurer, après la crue, les écoulemens qu’exigent le temps limité des®
semailles et la salubrité des campagnes, nous avons regardé comme in d is p e n s a b le «
d’étudier d’abord le régime au Nil dans son étiage et dans ses crues p é r io d iq u e s ;«
cette étude devoit donc s’étendre sur ce qui-concerne son cours et ses d iverses®
embouchures, la pente, la vitesse, le volume et la qualité de ses eaux, les é p o q u e s®
les causes, les effets, la durée et la mesure de ses crues, l’exhaussement d u lit d e®
ce fleuve et de la vallée qui constitue son bassin, et enfin les conséquences qui en®
résultent pour l’agriculture, considérées par rapport à l’impôt territorial [ le m y p 'jH
dont le Meqyâs devient le régulateur, vrai quelquefois, mais plus souvent f i c t i f e f l
simulé, comme on le verra dans la seconde partie de ce Mémoire (i).
Parmi les nombreux historiens, géographes et voyageurs qui ont écrit s u f l
l’Égypte, Hérodote, Diod ore, Strabon et Pline, chez les anciens; K a lk a s e n d if l
Àbou-l-fedâ et lè Maqryzy, auteurs Arabes; Pocockc.Nicbuhr et Volney, voyageurfl
du siècle dernier, sont ceux particulièrement qui peuvent faire autorité. On saifl
assez ce que ces voyageurs ont eu à vaincre, dans leurs recherches, de dangers;; ;
et d’obstacles dits autant à la superstition des indigènes qu a l’avaïice et à la m e®
fiance des gouvërnans; mais, établi en Egypte, nous avons pu voir, mesurer, ques-l
donner, et obtenir ainsi les résultats qui faisôient l’objet de nos recherches.
Dénominations du N il.
L e Nil ( 2) ëst justement'célèbre ; l’analyse de ses phénomènes dispose à excuse®
l’idolâtrie des peuplés qui le déifièrent et crurent devoir lui offrir leurs premier»
hommages, avant -même de les adresser à l’astre du jour, qui, sans les eaux bien--
faisantes de ce fleuve, aurait fait et ferüit encore de l’Égypte une terre inhabitable»
comme les vastes et brûlans déserts de l’Afrique qui lui sont contigüs.
C e fleuve a pris le nom de Niltts et Ægyptus, des rois qui régnèrent sur ce pays»
le dernier donna aussi son nom à l’empire. Les prêtres appeloient le Nil Horus efl
Zéidorus, qui signifient Soleil'et fertilité : ils prétendoiént que le Nil ffiarquoitlefl
saisons de l’année ; l’été par son débordement, l’automne en retirant ses eaux.lfl
printemps par les fleurs qui croissent sur ses !bdrds et par les oeufs de crocodile*
D ’autres peuples le qualifièrent différemment (3).
(1) Voirj page i , note * , nos motifs pour supprimer
symbole de la fertilité, autour de ce vieillard, seize e «
ou réduire nos discussions sur ces diverses questions.
fans, dont les attitudes gracieuses et variées caractérisent^
(2) Les poëtes et lés sculpteurs ont personnifié le N il,
l’heureux effet des crues du fleuve au terme de seize cou*
en le représentant sous la fórme d’un vieillard, le coude
dées, qui produisoit l’abondance des récoltes. ■
sur une urne, tenant en main un trident, emblème des
( 3 ) Voir, à cet éga rd,Te Mémoire sur le Meqyâs<*■
eaux; e t, pour faire allusion aux seize coudées qui répon-
l’ île de Roudah par M. Marcel , Ê . M . tome /f,pafr29M
doient à la meilleure crue, ils ont distribué, comme
et ci-dessus, pag. 119.
iZ-V.V ... la D es Sources du N il.
Pline et Claudien confirment I opinion que les sources dü Nil ont été inconnues
aux anciens ; les recherches des différens princes qui ont régné sur l’Égypte ,
SésQStris.Cambyse, Alexandre, les Ptolémées (Philadelphe et Évergète ) , enfin
César et Néron, pour les découvrir, furent toutes infructueuses, et de là le proverbe
du poète Claudien, caput N ili quoerere, pour signifier l’inutilité d’une entreprise.
D ’autres souverains étrangers firent les mêmes tentatives et n’eurent pas
plus dé succès.
Cependant ces recherches, quoique souvent périlleuses et sans résultat, ne
firent qu’exciter le zèle pour cette découverte, bien qu’elle ne présente pas d’utilité
réelle : on sait que le Nil [Ba.hr el-Abyad] est alimenté et grossi dans ses crues périodiques
, moins par ses propres sources situées au pied nord de la chaîne des
montagnes Qaniry [ de la L u n e ] que par ses nombreux affluens, qui sont des fleuves
eux-mêmes, tels que le Mareb, J’Abaoui, le Tacazé, et par plusieurs versans
secondaires, ainsi que par les pluies torrentielles qui ont lieu sous cette zone
brûlante vers 1 époque^ du solstice ; et quoiqu’on puisse dire rigoureusement que
le Nil ne reçoit pas d affluens depuis Syène jusqu’à la mer, on doit cependant le
considérer comme étant encore alimenté par les eaux de beaucoup de ravins qui
y débouchent, notamment sur sa rive orientale : c’est aussi par ces gorges ou
vallées étroites, rapides, et très-multipliées sur l’une et l’autre rives plus ou moins
escarpées du fleuve, que ces eaux torrentielles charient dans le bassin du Nil des
alluvions parmi lesquelles se trouvent des fragmens divers de matières minérales,
ainsi détachés, arrachés de ces montagnes latérales.
Mais, si 1 on pou,voit un jour établir la topographie des sources nombreuses
et disséminées du N il, elles paroîtroient telles peut-être (en ne les considérant
que dans leurs produits respectifs), qu’il seroit difficile d’en qualifier une seule de
soqrce-mère, si ce n’est d’après les nomades indigènes, et par-tout où, dans un
esprit de rivalité, chacune de ces peuplades prétendroit à la possession de cette
saurce-mère exclusivement.
Nous nous abstenons de plus longs développemens sur les recherches successives
de beaucoùp d autres voyageurs que nous ne citerons pas, et nous renvoyons
aux Mémoires où ces matières ont déjà trouvé .place parmi les questions plus
spéciales qu avoient a traiter leurs auteurs ; mais nous pensons toujours que le
proverbe caput N ili quoerere n’en conservera pas moins toute sa force.
- Cours du N il.
Peu de Français, ipendant que .nous avons occupé l’Égypte, avoient remonté le
j au-dessus de la 1 cataracte de Syene ; ils n avoient pu étendre leurs recherches
scientifiques en Nubie : seulement, à ,l’époque de l’évacuation du pays, on avoit
recueilli divers itinéraires et des renseignemens précieux, tous propres à faciliter