M elky, Châfey et Hanbaly. Presque tous les u’iemâ de l’Egypte sont de la troi-l
sième ; cependant il y a trois siècles que la justice se rend en Egypte suivant la j0jl
de la secte Hanafy, qui domine à Constantinople.
Les différentes attributions du qâdy a’skar sont, i.* les causes à juger, a.’ lesl
élections aux charges des mosquées, 3.° la direction des legs pieux, 4 ° la division!
des héritages, 5.° les droits sur les ventes et mutations des propriétés.
C ’est une règle générale, que les frais de justice se. perçoivent sur l’objet enl
litige, ou soient supportés par celui qui a obtenu une décision favorable. Les|
musulmans regarderoient un usage contraire comme imposant une charge tropl
pénible à la personne condamnée. Les causés“sont presque toujours jugées sur-le-1
champ : il en est toutefois dont l’examen dure plusieurs jours, et même deux oui
trois mois.
On distingue quatre objets dans chaque cause : le juge, celui qui réclame, celuiB
qui se défend, et là chose en litige. Aucune cause n’est jugée en l’absence de l’uneB
des parties ; il n’y a point de condamnation par défaut ; et si le défendeur refuse*
de comparoître, il est amené de force. Dans le cas où l’une des parties ne pour-B
roit se transporter au lieu où la cause pst instruite, le qâdy nomme une personne*
d’une probité reconnue pour la représenter. Chacun plaide ordinairement sa*
cause; on peut aussi la confier,à un homme de lo i, ou à un ami.
Les témoins ne reçoivent point de salaire : on peut les inviter à jurer, mais ils*
n’y sont point forcés. Une seule secte, celle des Melky, exige le serment.
Avant l’expédition, les frais de justice n’étoient en quelque sorte pas réglés : ieH
qâdy a’skar ou ses délégués devoient percevoir à peu près deux et demi pour cent*
sur la valeur des objets en cause. Ils imposoient souvent une taxe plus forte; et*
cela leur devenoit d’autant plus facile, qu’ils déterminoient eux-mêmes leur droit*
de sentence. D e là suivoit quelquefois une charge de huit et dix pour cent de frais*
de procédure, y compris le salaire des écrivains et des drogmans. Les Français*
mirent un terme a ces vexations arbitraires, comme nous le dirons bientôt. Ce-*
pendant la recommandation d’un homme puissant déterminoit le qâdy à exige*
moins de deux et demi pour cent, et il ne prenoit rien aux pauvres. Un individu*
qui déclare sa misère devant un tribunal musulman est rarement contredit, et les*
juges ont pour maxime que le pauvre en cause est un objet sacré.
Ainsi l’opinion et la morale imposoient en quelque sorte des bornes à l’avidité*
des juges. On remarquoit même, assez communément que le qâdy a’skar, homme*
d’un caractère grave et imposant, entouré de la considération publique, se con-*
tentoit de ce qui lui étoit offert, sans jamais rien exiger de lui-même, pour con-*
server l’estime des grands et l’affection du peuple. Depuis que l’autorité des beys*
avoit prévalu en Egypte, le qâdy étoit dans l’usage de ne rien recevoir de ceux*
auxquels ils accordoient leur protection ( 1 ).
Les décisions portées par les délégués du qâdy, quoique scellées par ce magistrat, *
(1) II arrive souvent que la nature de la cause ne per- minent presque toujours à prix d’argent chez les Orien-^B
met pas de percevoir le droit sur l’objet en litige, par taux. C ’est sur cette somme, qui est une sorte d amende,
exemple, lorsque la plainte se rapporte à la personne, et que le qâdy prélève ses droits,
non aux biens : mais les affaires de cette espèce se tersont,
dans plusieurs cas, soumises à une espèce d’appel, particulièrement en ce
q u i regarde les mesures prises contre les débiteurs, ou les sentences qui fixent les
indemnités que peuvent se devoir des époux. Les causes de ce genre peuvent
être portées successivement d’un de ces tribunaux nommés mahkameh à plusieurs
autres, jusqu’à ce que le qâdy lui-même en prenne connoissance, et les juge en
dernier ressort.
Nous avons déjà dit que le qâdy a’skar achetoit sa charge à Constantinople : il
en paie la ferme au che f de la justice d’A n a to lie , et au che f de la religion musulmane,
cheykh el-islâm. Nous n’avons pu savoir ce qu’il donne au premier; mais le
second reçoit de lui dix mille médins par mois ( 1 ), Pour subvenir à tous ces frais,
le qâdy a’skar exige de ses délégués une rétribution qui ne s’élève quelquefois
qu'à neuf cents médins par mois. L a plupart de ces juges subalternes peuvent faire
en peu de temps d immenses bénéfices. Il en est plusieurs qui sont continuellement
occupés, et qui ne paient pas davantage : il est vrai qu’il ne leur est point permis
de prononcer sur toutes les causes; mais, en faisant monter les taxes et les frais
de justice à huit et dix pour cent, ainsi que cela leur arrive très-souvent, il leur
est facile d’amasser promptement de grandes richesses.
Nous avons déjà vu que les trente-six places de juge étoient vendues, à
Constantinople, à des hommes d’une probité connue ; la conséquence naturelle
d’un pareil système est que tous les magistrats de i’Égypte sont étrangers au
pays où ils doivent exercer des fonctions d’une si haute importance. Cependant,
quoique, dans l’origine de la domination Ottomane, un indigène ne pût
prétendre à la charge de qâdy, on voyoit dans les derniers temps beaucoup de
tribunaux présidés par des Egyptiens mêmes. Les étrangers qui arrivoient avec le
firman d’investiture de la place de qâdy, ne se déterminoient pas toujours à
rendre la justice eux-mêmes : alors ils vendoient leur titre, ou à leur prédécesseur,
comme nous l’avons déjà dit, ou à tout autre homme de loi qui pou voit
le payer. L e prix de ces charges n’est pas exactement connu ; cependant il ne
paroît pas s’élever au-dessus de quarante mille médins par an pour un emploi
d’un revenu moyen.
A l’époque de l’occupation du Kaire par les Français, plusieurs des tribunaux
particuliers de la ville furent momentanément fermés, et les relations purement
civiles entre les habitans furent, pour ainsi dire, suspendues. L ’Égyptien, naturellement
timide et soupçonneux, dissimula sa défiance : il parut se livrer à ses occupations
habituelles avec la même sécurité que par le passé, et nous ne connûmes
que long-temps après toute l’impression qu’avoit produite sur les esprits une
mesure aussi extraordinaire. Mais la modération qui présida à la conquête ,
(1) Les trente-six places de qâdy en Egypte sont occn- long-temps qu’ il'plaît à leurs chefs de les conserver,
près par des magistrats de quatrième ordre, et sont divi- Lorsque la durée des fonctions d’un qâdy est expirée,
*6« en six classes. Selym I.er accorda à quelques-uns les nâyb, qui trouvent leur avantage à continuer le mi-
dentre eux la perpétuité de leur emploi. Ces magistrats nistèrp de juge, s’empressent de faire leurs soumissions
ont des substituts ou nâyb, qui forment la cinquième au nouveau qâdy, et sont rarement refusés , à moins
dasse de la judicature. Ces derniers ne sont pas néces- qu’il n’y ait contre eux des plaintes d’une nature un
virement amovibles. Ils achètent leur charge des qâdy, peu grave.
J0Ua ferme, soit autrement, et se maintiennent aussi