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parcelles de malpropreté qui pouvoient les obstruer. Pendant cette dernière opéra 1
tio n , le patient est tout en nage ; on le conduit ensuite dans un cabinet voisin oui] I
reste seul, et se lave à l’eau de deux fontaines, dont l’une est chaude et l’autre froid I
il prend une chemise, et retourne enfin dans la première salle, où les domestiquaI
lui servent sur un sofa la pipe et la tasse de café. Lorsqu’on le demande, les vête I
mens sont parfumés à la vapeur du boisd’aioès, et l’on arrose la tête et tout le corpsl
avec l’écume odoriférante d’ün savon préparé. Les femmes se servent, à la fin dul
bain, d’une pâte qui a la propriété d’épiler.les parties velues ( i ).
L e maître du bain parfume les salles et fournit l’èau de rose ; toutes ses atten I
tions lui sont bien payées lorsqu’il traite des gens riches. L e local est le m êm e pour]
les hommes et pour les femmes: quelquefois, mais ce cas est raie au Kaire, Iedij
fice est divisé en deux parties, qui sont ouvertes séparément aux deux sexes ; sinon!
chacun a ses heures. Les femmes y vont ordinairement plus tard : aussitôt quelles!
entrent, o.n étend un voile ou tapis brodé, qui avertit le public de leur présence!
Dès-lors aucun homme ne peut être introduit : tous les serviteurs mâles sont remJ
placés immédiatement et sans aucune exception par des femmes. Un homme qui
entrerait furtivement dans un bain public pendant qu’il est occupé par les femmes!
donnerait lieu au tumulte le plus grand, et ne manquerait pas d’être victime de!
son imprudence.
Les usages de l’Orient et la sévérité déployée par le législateur contre les femme!
sont, comme nous l’avons dit, fondés sur la défiance et le soupçon : cependaJ
cette sévérité même est un peu adoucie par la liberté qu’on laisse aux femmes del
se réunir aux bains. Ces réunions sont en quelque sorte des fêtes : toutes les res!
sources de la toilette et tous les artifices de la coquetterie sont employés par celle!
qui s’y rendent. Elles n’ont pas l’espoir, si doux pour leur sexe, de fixer l’attemio!
des hommes, et de-s’attirer des hommages si flatteurs, puisqu’elles ne paroissen!
jamais en public sans avoir la tête, le visage et une partie du buste voilés parlai
tezyreh : mais le plaisir de l’emporter sur une rivale par le luxe des habits et l !
magnificence des omemens est encore un de ces triomphes dont leur orgueil es!
avide; à peine sont-elles entrées dans la salle du bain, qu’elles se hâtent de fair!
tomber les voiles importuns, et de s’offrir aux regards de leurs compagnes c.-.rsB
tout 1 éclat de la parure. L e grand but auquel chacune vise de son côté, est déclip!
ser les autres par le nombre de sequins de Venise suspendus aux tresses de leu !
cheveux, par la beauté de ses diamans et la richesse de sa robe. Ces légères s a !
factions de 1 amour-propre doivent laisser un vide bien grand dans le coeur d !
femmes. Qu ’est-ce en effet pour elles qu’un triomphe obtenu loin des regards d s l
hommesi e t, même en supposant qu’elles eussent eu des triomphes assez constans|
pour faire mourir de dépit deux ou trois rivales, devant qui peuvent-elles s’enor!
gueillir de leur supériorité (2) î
(1) Les musulmanes ne doivent conserver que les sour- ne sont point admis dans les bains où sont les femmes;b.
cils et les cils; un usage qui est presque devenu religieux, seuls qu’on y souffre sont des vieillards aveugles, qui son
les oblige à se faire raser soigneusement sur tout le reste musiciens, et qui procurent aux femmes le plaisir d’en®
du corps. tendre des voix masculines.
{2) Les hommes, comme nous l’avons oit précédemment,
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Le'service des femmes et la maniéré dont elles se baignent, ne diffèrent en rien
des usages des hommes. Seulement, la piece de laine dont on leur frotte le corps,
est infiniment plus d o u c e , elles consomment beaucoup de savon, et les femmes
d’un rang supérieur prodiguent 1 eau de rose et les essences : on ne les ménage pas
non plus pour les. autres les jours de noces ou de réjouissances f 1 ).
§. X.
Cafés.
La ville du Kaire renferme environ douze cents cafés, non compris le vieux
Kaire et Boulâq. L e vieux Kaire en renferme cinquante; et Boulâq, une centaine.
Ces établissemens n’ont d’autre rapport avec ceux qui portent le même nom en
France, que la consommation de café qui s y fait chaque jour, bien que cette
liqueur y soit servie et s’y prenne différemment. Point de meubles ni d’ornemens
recherches; point de glaces, ni de décorations, soit intérieures, soit extérieures :
une estrade en planches qui forme une espèce de sofa circulaire autour de la salle,
quelques nattes de feuilles de palmier, et des tapis grossiers pour les plus somptueux,
une espece de comptoir du bois le plus ordinaire, tels sont les meubles qui
se trouvent dans les cafés Égyptiens. Les habitués s’accroupissent sur les nattes qui
couvrent 1 estrade. On sert le cafe tout bouillant dans des tasses qui peuvent contenir
environ le tiers des nôtres : il ne se boit pas, car on se brûlerait infailliblement;
maïs il s aspire, et cette coutume, generale en Orient, demande encore une certaine
habitude. Les tasses sont posées dans de petits gobelets en cuivre, qui ressemblent
à ces vases de faïence connus parmi nous sous le nom de coquetiers, et que les
Arabes nomment zarf. Quant aux tasses, elles sont quelquefois en porcelaine, et
viennent d’Allemagne : le plus ordinairement, elles sont en faïence et ornées’ de
diverses couleurs ; elles sont également apportées d’Allemagne. L ’usage du sucre
est presque inconnu dans les cafés; et lorsque les Français arrivèrent en Égypte,
les habitans tournèrent quelque temps en ridicule leur habitude de sucrer le café.
(1) Le loyer d’une maison de bain, sans meubles
d'aucune espèce, peut coûter par jour à l’entrepreneur
depuis soixante jusqu’à cent quatre-vingts parats, relativement
a la situation, à la.beauté ou à la grandeur de
1 établissement. 11 faut cent pataquès pour monter le bain
® plus médiocre. Pour en.meubler un convenablement,
cest-à-dire, pour le mettre sur le même pied que le plus
grand nombre de ceux qui sont établis dans la ville, il
suffit d employer à son ameublement deux ou trois cents
pataquès. Le bain le mieux fourni ne demande pas une
épense de huit cents ou mille pataquès. L’entretien du
mobilier peut coûter, par jour, de dix à quarante médins;
a nourriture des animaux qu’on y emploie, vingt médins
tur achat entre dans la somme des premiers déboursés),
aut tous les jours de cent vingt à cent quatre-vingts
me ins pour chauffer les bains, et payer les hommes qui
n ont le service. Le gardien seul a trente parats par jour.
« garçons de la première salle n’ont rien de fixe ; ils, ne
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reçoivent pour tout traitement que ce qu’ils doivent à la
générosité des baigneurs : mais ceux qui font le service
de l’intérieur,.ont les deux tiers, la moitié ou seulement
le tiers de ce qu’on exige de ceux qui se baignent. II peut
y avoir en tout douze ou treize domestiques employés
au service d’un bain.
Dans un établissement de ce genre bien accrédité, il
peut venir cinquante ou soixante personnes par jour, quelquefois
beaucoup plus. On ne paie que vingt ou trente
parats pour le maximum d’un bain complet. Le peuple
s en tire à meilleur marché; il ne paie que huit, dix ou
quinze parats. Ce qui indemnise un peu l’entrepreneur,
ce sont les visites des grands, qui paient fort généreusement,
ainsi que nous l’avons dit. On peut appliquer
ce que nous venons de dir,e à toutes les maisons de
bains de l’Egypte : elles ne diffèrent que par la grandeur;
les dépenses et les usages y sont proportionnellement
les mêmes.
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