promenade qu’elles forment est un large berceau, long de près de 200 mètres
C ’est à Gyzeh, dans la grande mosquée Gâma’ el-Kebyr, que l’on conserve l’étalon
de la canne, qasab, qui sert à former le feddân ou la mesure agraire : la mesure
de Gyzeh est le qasab légal et le plus commun ; sa longueur est de 3"',8 5. Le
feddân en a 20 en tout sens; c’est-à-dire qu’il contient 4oo qasab carrés. A Gyzeh
est une verrerie avec une fabrique de bouteilles et de ballons pour la sublimation
du sel ammoniac.
La plaine des Pyramides, dont Gyzeh occupe une extrémité/renferme une
grande chaussée avec deux p on ts , percés d’arcades en plusieurs endroits pour 1 écoulement des eaux de l’inondation. L e principal pont est à deux lieues,
directement à l’ouest de Gyzeh, sur le canal occidental ; il est très-bien bâti en
pierres de taille, et a dix arcades en ogive ( 1 ) : la chaussée est plate ; cette construction
est en bon état de conservation, quoique son époqûe soit assez ancienne;
elle remonte à Saladin, et est l’ouvrage de son vizir Qarâqouch, qui l’exécuta
vers 562 [ 1 1 6 6 ] avec des pierres tirées des petites pyramides. Il en est ainsi de
la longue chaussée qui, partant du Nil, venoit rejoindre ce pont. L a chaussée avoit
deux objets : l’u n , de servir de digue à l’inondation pour soutenir les eaux à la
hauteur de 4 à y mètres, et de retenir le limon sur les terres; l’autre, de fournir
un chemin pour transporter les matériaux destinés à construire l’enceinte du
Kaire. A l’époque où Qarâqouch ordonna ces travaux, on fit plus de quarante
arcades semblables. A ’bd el-Latyf en parle avec admiration ; il raconte qu’en
1 an y 9 7 [ 1200] un homme ignorant les boucha pour retenir les eaux sur les
terres de Gyzeh., mais en vain; les eaux renversèrent plusieurs arches par leur
poids (2). L ’an 708 [ 130 8 ], selon Maqryzy, les arches furent réparées. Il doit
exister un second pont semblable que Niebuhr a vu et que nous n’avons pas
dessiné; ce voyageur a rapporté des inscriptions que les savans Danois y ont
copiées , et d’après lesquelles il paroît qu’un des ponts fut bâti ou réparé
vers 880 [ 147y ] par Qâyd-bey. Ces ponts sont mentionnés par d’autres écrivains
Arabes; Ebn el-Ouardy parle aussi des quarante arches comme d’une très-belle
construction. Par le laps du temps, cet ouvrage est réduit à très-peu de chose;
la digue est fort mal entretenue, et les eaux n’ont plus besoin pour s’écouler des
arcades qui subsistent.
B o u l  q est une ville plus hnportante que Gyzeh, autant par son commerce
que par sa position et par son étendue. Quelquefois on la confond avec le
Kaire, mais c’est à tort: elle en est bien distincte et séparée par une plaine
de 1200 mètres de largeur et par des jardins ; c’est bien le port du Kaire, mais
c’est une ville à part. On estime sa population à vingt-quatre mille habitans. C ’est
( 1 ) Voyez planche zi, E. M. vol. I,fig. $ à 8. Selon
les notes fournies par M. Grarien Le Père, les arches des
deux ponts ont 6 à 7 mètres d’ouverture, et ils sont élevés
d’autant au-dessus de la plaine. Les ponts sont séparés par
une levée longue de 300 mètres environ, et s’appuient de
part et d’autre sur des digues en briques cuites, flanquées
de contre-forts arrondis ; la longueur de tout l’ouvrage est
de 12 à 1300 mètres. Ce travail est semblable à celui des
belles digues du canal Abou-Meneggeh, au sud-ouest de
Belbeys.
(2) Voyez la Relation de l’Egypte, par A’bd el-Latyf,
traduction de M. Silvestre de Sacy, pag. 212. Voyez
aussi le tome III des Voyages de JVorden, édition de
M. Largiés. *
à Boulâq que s’arrêtent les barques portant les productions du Delta, et les navires
chargés des marchandises d’Europe et de tout l’Occident. Ce port est pour la
basse Egypte ce qu’est celui du vieux Kaire pour la haute Égypte. Les Français ont
construit une belle chaussée pour communiquer de Boulâq au Kaire, vers le pont
des Moghrebins; sa longueur est de 1200 mètres.
L e triangle à base curviligne que forme le plan de Boulâq, a cette base appuyée
sur le N il, et cette ligne développée a 2100 mètres; la hauteur du triangle en
a 600. On compte dans la ville vingt-quatre mosquées, un grand nombre d’okels,
dont trente principaux sont pour la plupart plus vastes et plus beaux que ceux du
Kaire. C ’èst à Boulâq qu’est la douane d’Égypte. Les tombeaux sont au nord,
attenans à la ville, et même dans l’intérieur. La plage est remplie presque en
tout temps d’immenses provisions de blé en plein air ( 1 ). L ’o rge, le blé,, les fèves,
couvrent le port, serrés dans des enceintes à claire voie. En Égypte, la confiance
est extrême entre les habitans, et il faut avouer qu’ils n’ont presque jamais sujet
de s’en repentir. Je n’ai point eu connoissance à Boulâq de l’arsenal dont parle
Niebuhr. L e plan et son explication étant très-détaillés, il seroit inutile de faire
une description circonstanciée de la ville (2). L e commerce de Boulâq est considérable
; les marchandises d’Europe ne font qu’y passer pour être transportées au
Kaire : mais les produits de la haute et de la basse Égypte y remplissent de grands
okels; par exemple, le coton, le lin , le henneh, le sucre, le riz, le safranon, le
natroun, sans parler du café, de la gomme, de l’ivoire et des autres marchandises
de l’Arabie et de l’intérieur de l’Afrique.
L a grande île de Boulâq, autrement Gezyret el-Qorâtyeh, est plus que le double
de la superficie de celle de Roudah. C ’est à son extrémité septentrionale, en face
d’Embâbeh, que les Français avoient établi un jazaret. C e t établissement eût pu
rendre de grands services, s’il avoit été maintenu.
§. IV .
D e quelques autres L ieu x des Environs du Kaire.
J e terminerai cette description en passant en revue plusieurs endroits extérieurs
au K aire, autres que les trois villes précédentes et l’île de Roudah, savoir : au mid i,
Torrâh et el-Baçâtyn, entre lesquels est la vallée de l’Égarement ; puis, en se rapprochant
du Kaire,' Deyr el-Tyn, limite de la province d’Atfyeh, et Atâr el-Naby, premier
village de celle du Kaire ; à l’est, le Moqattam et ses carrières; au nord, l’ancienne
mosquée de Dâher et la Qoubbeh ; au couchant, le fort d’ibrâhym-bey ou Qasr
el-A’yny. L e reste de l’espace est occupé par de grands jardins et étangs extérieurs,
pour lesquels il suffit de renvoyer au plan général ( 3 ). L e village de Deyr el-Tyn
est à environ y 000 mètres du Kaire et .7000 mètres de Torrâh. Cette dernière
distance est en même temps la mesure de l’ouverture de la vallée dite de
( i ) Voyez planche zy, E. M. vol. I.
(2) Voyez planche 24, E. M. vol. I , et ci - après, page 753, VExplication des plans des environs du Kaire.
( 3 ) Voyez E. M. vol. I , planche ly.
E. M. TOME II, 2.e partie. C c c c c