§. V.
Quatrième Epoque du M eqyâs : Réparation du M eqyâs p a r le Khaly]\
el-M ostanser b-illa h.
D an s l’année 4j | de l’hégire [ 10 5 9 de l’ère Chrétienne], il y eut en ÉmJ
une disette très-grande et telle qu’on n’avoit jamais entendu dire qu’il en»
arrivé une semblable. Ebn-Ouasyf-châh (1) rapporte, dans son Histoire d 'Îg J
que les basses eaux étoient, cette année, de trois coudées et onze doigts, et J
la crue monta à douze coudées et baissa bientôt : le pays ne fut point inonj
et il y eut une grande famine.,
C e t état de choses dura pendant sept années consécutives : le Nil croissJ
dabord jusqu’à douze coudées, ensuite il diminuoit; d’autres fois il ne monil
qu’au-dessus de douze coudées, et baissoit ensuite. L ’ardeb (2) de blé montil
cent dynâr (3 ), et enfin l’on n’en trouva plus : les hommes furent réduis!
manger les charognes, les cadavres, les chats et les chiens. Pendant cette l o i j
famine, il arriva des événemens étonnans et extraordinaires, que racontent■
historiens d’Egypte, et que je ne rapporterai point ici. C ’est après ces sept ans]
disette et de malheur qüe se répandit parmi le peuple le bruit que les Abyssins*
avoient fermé le cours du Nil, et l’avoient détourné de l’Égypte (y).
C ’est au sujet de cet événement que Ben-Ayâs rapporte un des faits les p |
singuliers que les historiens Orientaux aient racontés, au sujet des inondations«
Nil : je me contenterai de le rapporter ic i , en m’abstenant de l’examiner e t |
le discuter. Suivant lui, lan 4y 8.de I hégire [ 1066 de l’ère Chrétienne], le i l
continuant de demeurer fort bas et sans croître, le khalyfe chargea le patriardl
des Qobtes ]6] daller en ambassade au pays des Abyssins jusqu’aux sources|
Nil, afin de demander qu’on laissât descendre ce fleuve jusqu’en Egypte; il ajo: I
que.ce patriarche ayant ete en eflèt en Abyssinie, y fut reçu avec honneur|
respect : on lui demanda quel étoit le but de son voyage ; et lorsqu’il eut p i
le roi d Abyssinie de laisser couler le Nil vers le pays d’Égypte, ce prince réponll
qu il leur rendroit les eaux du fleuve à cause du prophète Mahomet. En e f f l
on laissa sécouler le Nil (7), et il eut sa pleine crue cette année.
El-Mostanser fit de grandes réparations au Meqyâs deux ans avant sa m o l
1 an 485 de 1 hegire [ 1092 de I ere Chrétienne], C e prince mit enfin ce monl
ment dans l’état où nous le voyons à présent, et y fit ajouter une mosquée. |
Les inscriptions qui ont rapport à cette époque sont au nombre de troll
1) Ebn-Ouasyf-châh »U : cet auteur est
fréquemment cité par Ebn el-Maqryzy.
(2) Ardeb cette mesure équivaut au poids de
trente-six de nos livres."
(3) Environ 1200 francs de notre mon noie.
(4) El-Habechct ¿ ¿ J . ‘
(5) 9 e Proîet> tout gigantesque qu’il peut nous pa-
roître, et supérieur aux moyens d’exécution que la nature
a départis à l’homme, n’avoit pas cependant seuil
impraticable au célébré Albuquerque : s’il avoit étépij
sible de l’exécuter,4 ’Egypte tout entière ne seroitbiul
devenue qu’un vaste désert.
(6) Ce patriarche.se nommoit Michel, et occopfl
alors le siège d’Alexandrie.
(7) Suivant Abou-1 - Mohâsen, le Nil ntonta «H
année à seize coudées et neuf doigts.
ef!
elles sont placées, la première, dans l’intérieur même du Meqyâs (i) ; la seconde,
au-dessus de la porte de la mosquée (z)j et la troisième, à l’extérieur, sur le mur
occidental de cette même mosquée (3).
Ces trois inscriptions, que le premier coup-d’oeil suffit pour faire reconnoître
comme étant d’un style très-différent de celui qu'offrent les inscriptions des
époques antérieures, ne présentent plus en effet des caractères Koufiques, mais
des caractères Karmatiques.
Indépendamment de cette différence fondamentale dans l’espèce même de
l’écriture de ces trois inscriptions, on peut observer que leur exécution est
plus ornée et plus élégante que celle de toutes les autres inscriptions des époques
précédentes ; les caractères qui les composent sont sur-tout remarquables par la
grâce de leurs contours et de leurs enroulemens variés. Ces nouvelles inscriptions
admettent même, dans quelques lettres, des ornemens parasites et étrangers à la
forme essentielle et consécutive des caractères auxquels ils se joignent ; ce qui
n’avoit pas lieu dans les inscriptions des époques précédentes, dont les caractères,
d’un contour aussi mâle que sévère, n’admettoient jamais que les traits absolument
nécessaires à leur expression, et rejetoient toute élégance additionnelle à la pureté
de leurs formes.
Nous voyons, par le soin avec lequel ces inscriptions ont été exécutées , que
les arts et les sciences cherchoient alors à sortir de la barbarie où les avoit
plongés le farouche el-Motaouakel, et que l’instruction et les connoissances com-
mençoient a renaître a labri de la protection que leur accordoit le khalyfe el-
Mostanser b-illah : cette renaissance fut encore favorisée par la tranquillité dont
jouit l’Égypte pendant le long règne de ce prince, qui monta sur le trône du
khalyfat à l’âge de neuf ans, et qui y resta soixante années, pendant lesquelles sa
prudence et sa modération extraordinaires lui firent dissiper plusieurs conspirations
formées contre lui.
Depuis cette derniere réparation, il ne paroît pas qu’on en ait fait de nouvelles
au Meqyâs, jusqu’à l’année 924 de l’hégire [ 1518 de J’ère Chrétienne], qui
commence l’époque suivante.
C H A P I T R E III.
H istoire du M eqyâs sous la dynastie dès Ayoubites.
C e chapitre comprend un intervalle de quatre-vingt-un ans, depuis le commencement
du règne de la dynastie des Ayoubites jusqu’au règne de Moe’z e’zz
ed-dyn Ibeyk, premier prince de la dynastie des Mamlouks Baharites, qui leur
enleverent la possession de l’Égypte.
(■) Voyez ci-après, page 184. (j) Voyez ci-après, „ ,H . (3, Voyez c i - a p r è s ,^ , , *
É . M . T O M E I I , z.e partie.