
& rien n’y interrompent la monotonie de la
bruyère, que quelques Forêts. J’avois encore
de femblables Collines autour de moi j mais
le déclin du jour, qui confond tous les lieux,
n’en faifoit plus qu’un Canevas où travail-
loit mon imagination. Et comme, de des.
fus les Montagnes, où la Plaine ne frappe la
vue que par des teintes très foibles, on vivifie
ce vague en y plaçant les détails que
fournit la mémoire ; de même la connoiiTan-
ce que j ’ai de la marche de l’Humanité dans
ces Contrées, vivifia pour moi tout ce vague
des Bruyères. Je me livrai d’abord à la méditation
; mais peu à peu les réfultats de fes
calculs, firent place à des tableaux ; & par
une forte de rêverie , je lus , comme dans
une galerie hiltorique, la fucceffion de? évé-
nemens futurs. Je pris tant de plaifir à cette
espèce de fonge, que j’en devins immobile.
Mes compagnons de voyage l'apperçu-
rent, à ce qu’ils me dirent au retour; & £
defleïn ne me parlèrent point. Ce fonge,
fait tout éveillé, a chaile de chez moi le fom-
meil cette nuit ; j ’en avois l’imagination trop
remplie. C’eft 'ce qui m’a fait anticiper le
-jour , pour fâcher de fixer fur le papier ce
cours d’idées vives. Mais qu’e it-ce que dçs
mots qui fe fucc.èdent , ppur exprimer Içs enfem*
fembles que l’Ame erhbrafle , & dont elle
faifit tous le* rapports dans un iniiant ! . . . «
H1 me femble voir pafler à la file les nom*
-des pierres taillées qui doivent compofer un
Ædifice................Comment donc pourroit-on
Iblâmer l’homme qui fent vivement, dereve-
nir fans ceffe fur fes pas, crainte de n’avoir
:pas été bien entendu ?
La première bafe de tout mon Horoscope,
[fut cette L o i, qui fixe invariablement l’éten-
idue des Fermes ; qui ftatue qu’elles feront à
toujours poffédées par des agriculteurs; & qui
tne rendant ceu x-c iqu ’ufufruitiers, empêche
qu’ils ne fuccombent à des inquiétudes momentanées
, (k ne fe ruinent par des
dettes.
Mais il falloic multiplier ces Fermes, <5c
en couvrir toute la Bruyère ------ Pourquoi
donc , puisque les premiers Cultivateurs
? étoient fi heureux, les progrès étoient-iis fit
; lents? ------ Parce que tous les commencemens
font difficiles, & que chaque nouvelle
[ Colonie eft un commencement. Il faut défricher,
& vivre en défrichant fans que la
terre produife encore : il faut bâtir & plan*
ter; il faut commencer à peupler la Ferme
d’animaux domeftiques. Il faut donc au moins
que