
E t là , on n’eft pas tenté de les partager pour
en tirer un meilleur produit ; car l’herbe y eft
très abondante. Le grand ufage qu’on en fait
pour élever des Chevaux, maintient toujours
quelque égalité entre les Payfans. L ’enfant
qui naît dans la Commune y a droit comme
fes Pères, dont la diffipation ne peut le lui
enlever. 11 a donc toujours un‘ moyen fûr de
fortir de l’indigence s’il eft induftrieux ; &
s’il ne l’eft pas lui-même,- ce fera quélqu’un
de fes descendans. En un mot, il a un droit
inaliénable; & l’on en voit l’effet dans k.contenance
de tous les habitans.
On revenoit d’un Marché qui s’étoit ténu à
Leer, petite Ville fur le bord de VEems. J’al-
lois de ce côté là; & je trouvai fur ma route
une file non interrompue de Chariots , tous
attelés de deux jumens , donc presque chacune
avoit fon poulin trottant auprès d’elle.
J’entrois là dans la Patrie des Vanneaux. Rien
ne fe perd dans la Nature. Partout où l’Homme
veut bien laiffer quelque jouiffance aux
Animaux , ils, pulallent, & rempliffent les
vuides de cette Surface deftinée au Bonheur.
L e Vanneau a un air de douceur extrêmement
agréable. J’aimois à en voir des multitudes,
chaffer aux infeftes autour de moi,fans s’éloigner
plus qu’il ne falloit pour que je ne leur
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affaffe pas deiîbs. Les infe&es dont il fe
|ourrit,; ont déjà jo u i , en vivant de l’herbe
que leur laiffe le Bétail ; & l’Homme fe
nourrit de fes oeufs. Pauvre oifeau ! Quand
ilapperçoit qu’on en approche, il pouffe des
¿ris qui les décèlent. Mais il ne doit pas en
4 uffrir avec ceux qui ne font pas accoutumés
à cette chaffe; car fes cris font li plaintifs,
ils expriment tant de détreffe y qu’on doit
s’éloigner bien vîte pour le plaiiir de le ras-
Érer. |
• Aux environs de Leer , le fol continental
«avance jusqu’à VEems ; parce que ce Fleuve
tend plutôt à attaquer ce bord, qu’à l’étendre.
la M arfch commence donc plus bas fur cette
rive-là; mais par la mêmeraifon, ellefetroü-
Vt vis - à - vis de ce fol continental fur la rive
àpofée.
1 De Leer, dont je partis hier matin, je fui-
vis quelque tems le cours du Fleuve; & alors
jf trouvai la Marfch, qui n’eit pas encore ren-
fjrmée par des digues; Ainii les grandes Marées
l'inondent, & elle ne fert qu’à des Prairies,
(fet atterriffement eft dans une grande anfe du
Èeuve, qu’on retrouve au delà. En le tra-
«rfant je paffai fur une Digue qui couvre la
| Marfch oppofée, & je fuivis cette Digue, en.
¿montant le Fleuve jusqu’à Wener ; d’où |
quit