
parés pour donner paiTage à un gros Torrent qui
fe précipite entre leurs débris. Cette profonde
coupure n’a guère plus de 3 à 4 Toifes de iar.
geur. Les Bains font conftruits à fon entrée fur
la gauche dans une retraite du Rocher. La Sour.
ce fort du Roc à cent pas de là en remontant
dans la Gorge, d’où elle eft conduite aux Bains
par des Canaux qui font enchaifés dans le Ro
cher même. On traverfc le Torrent fur un Pont
de bois pour aller aux Bains; & lorsqu’on y ar-]
rive pour la première fois, il eft impoffible de!
n’être par remué par l’aspeét pittoresquement'
fauvage de ce réduit.
„ Côrmayeur ne feroit qu’un Village monta-]
gnard, fans ces Sources minérales. Ses habitansj
y vivroient fimples & heureux comme dans tous]
les lieux non fréquentés. Mais le concours des]
Etrangers y apporte de l’Argent & des exemples
de Luxé, & il eft devenu femblabie aux Villages!
Voifins des Villes. C ’cft ce que fentent même
avec-peine quelques uns de fes habitans. Celui
qui nous cdnduifit aux Sources, en fit la ré-l
flexion de lui-même. „À .l’exception.” dit-il,”dej
, , 1’Aubergifte,qui même vient chaque annéedela
„ Cite d’Aofte pour le tems des bains, & de quelq
u e s grands poflelTeurs de fonds qui ont des den-
„ré es à vendre, nous avGns tous perdu enm
„ gnant, Il circule plus d’argent Chez nous, & ce-
„pendant nousfommesréellement plus pauvres,
„N o u s avons'pris du Luxe; & par là nous fen-
„ tons aujourd’hui des befoins que nous n’éprou*
„vionS pas autrefois. Ceux qui gagnent, don*
* „ nent
„ nent l’exemple, & les autres fouflVent envou-
lant les imiter. Les chofes qui manquoient à
„ quelques uns de leur propre crû, leur coutoient
„ peu à acquérir de ceux qui les recueilloient;
„ aujourd’hui elles font chères; & c eu x quire-
,, çoivent ainfi plus d’Argent des pauvres à qui
„ ils vendent, n’en font pas plus heureux qu’ils
„ ne l’étoient auparavant ; car les Etrangers plus
„ riches qu’eux, qui viennent chez nous cha-
U que année, excitent leur envie, & augmen-
„ tent leur befoin de gagner. Pliât-à- Dieu! que
„ ces Sources fe perdiffent fous terre, & allaifent
„ fortir ailleurs! ”
„ Les habitans de Côrmayeur fe trouvent donc
dans la claire des Etres qui doivent fupporter un
petit mal, pour un plus grand bien du tout; caç
ces Sources font fort falutaires. Mais qu’au moins
on [ne faife pas ce mal fans qu’il en réfulte du
bien! On ne peut s’empêcher de communiquer
aux autres le plaifir que procurent ces belles fcè-
nes; & quand quelqu’un des fpeéfcateurs fe tai-
roit par amour pour les Montagnards, tous leur
garderoient-ils le fécret? Mais au moins, que
ceux qui font attirés par-eesdefcripdons, respectent
le Sanétuaire dans lequel ils font introduits,
& où ils font reçus avec l’honnête fimplicité des
premiers Ages ! Qu’ils y viennent fimples eux-
mêmes. . . Us peuvent bien fe contraindre
pour un peu de tems. Que rien ne frappe dans
leur habillement ni dans leur fuite. Us n’auront
pas du plaifir, s’ils ne favent marcher à pied &
fans attirail. Qu’ils fe procurent des habits gros-
Dd 4 fiers,