
fonger à quelque chofe de plus qu’à fe défendre
ou attaquer fans ceffe. Puiffe le regret
de perdre tant de biens poflîbles, s’ajouter à
celui de voir tant de maux ! Si les Etats poii-
voient un jour revêtir de, telles idées, ce fe-
roit un champ bien vafte à cette aélivité dç
l ’cfprit de l'Homme, qui , par la tournure
qu’elle a prife, eft devenue la fource de nos
malheurs. On oppofe^quelquefois le manque
de fuccès dans les tentatives. Mais il faut
examiner, fi elles ont été bien dirigées,fi l’on
a fait d’abord tout ce qu’il falloit. Sifyphe
n’étoit obligé de remonter fans çefle fon rocher,
que parce qu’il ne le. portoit pas jusqu’au
fommet de la Montagne.
En transplantant des hommes dans les terres
incultes, il faut leur accorder les mêmes
fécours qu’on donne aux arbres quand on
les transplante. Le bon planteur, remue d’abord
profondement fon terrein pour les y
placer;il met à^leur pied quelque engrais,ou
de bon terreau , pour favorifer leurs premières
racines;il les arrofe dans les fécheçeffes, jusqu’à
ce qu’ils fe foyent fortifiés; il leur met
des appuis contre les vents & des barrières
contre les infultes; il bêche de tems en tems
la terre autour d’eux, pour faciliter l’accès
des influences extérieures : en un mot il ne
les
les perd pas de vue , jusqu’à ce qu’ils fô
foient faits au fol. Mais alors auifi il n’a plus
qu’à joqir , lui & fa poftérité.
L’Homme exige les mêmes foins, &
donne les mêmes espérances. Si du moins
l ’Etat fe contente d’augmenter le nombre des
'hommes heureux ¡s’il ne regarde pas la Campagne
comme la très humble fervante des
Villes, & les Cultivateurs commç des Machi-
jnès à proviflons.
D ’après les raifonnemens que j’ai ouï faire
[quelquefoisfur l’Agriculture, il femble en ef-
jfe t , que fi l’on pouvoit faire croître des pro-
Ivifions à meilleur piarché par des Machines
|que par des hommes, on le préféreroit. Pour
pioi, auffi longtems que je verrai tant d’hommes
défoeuvrés, & la Terre encore fi défer-
[ te , je,ne me fentirai aucun penchant, même
pour les inventions expéditives. Il eft bien
rare qu’elles ne tournent, par leurs derniers
I effets, au détriment du Peuple, confidéré en
général. Relever dans un Pays ,, par des
' moyens de diligence, une Manufaélure tombée
par quelque défavantage de pofition, eft
‘ un cas particulier dont je ne parle pas: il ne
s’agit que de la thèfe générale; de ce but fi
commun, de faire tout avec le moins d’hommes
poflible. Pour moi j ’aime bien mieux
A 5 l’hoiR