
continuellement de nouvelles fentes à mefure
que les couches extérieures s’éboulent. En un
mot, la différence des dégradations de ces Monta*
gnes, comparativement à celles des Montagnes à
couches aquiformes, eft la même que celle qu’on
obférve dans, les Bâtimens dont les pierres, au-
lieu d’être pofées fur le plat de leurs couches,
le font fur la tranche.
„ Quand on eft arrivé fur le fommet du Cramant
, les avant - corps de la Chaîne cachent \’Al.
lée blanche & le Col de la Sègne: mais il y a bien
d’autres objets à contempler. Quel vafte & magnifique
horizon} Aucune expreiîiqn , quelque
vive qu’elle fût, ne pourroit en faire naître f e
dée ; il faut iè borner à décrire.
Les Sommets du Mont-blanc & de-toute la fuite
àes Aiguilles, que nous avions au Nord, étoient
cachés ett ce moment par des Nuages; mais de
teins en tems ils s’entrouvoient, & alors les
Pics glacés fe montroient, dominans fur la couche
de ces Nues. Celles-ci étoient plus haut que
nous, mais les Pics les furpaffoient. Quelquefois
auifi les hautes Vallées de Glace fe montroient
dans ces ouvertures ; & par la pofition où
fe trouvoit le Soleil, elles en réfléchiiToient les
rayons à un point presque éblouïiTant: ilfembloit
qu’on vît les Montagnes de la Lune au travers
d’un Telescope, qui, en les rapprochant, n’en
auroit pas affoibli l’éclat.
„ L’aspeét du Mont-blanc de ce côté-là, eft
très différent de celui qu’il offre du côté de Genève;
il eft plus déchiré. C’eft un entaffement
I de
de Pyramides, qui retrace la fable du combat des
Géants contre les Dieux. Ces Pyramides s’élèvent
les unes derrière les autres jusqu’au Sommet
glacé: leurs vaftes intervalles font auifi remplis
de Glace; ce qui les détache parfaitement les
unes des autres, ôc rend leur imnienfe grouppe
d’autant plus extraordinaire. Cependant on
n’y retrouve pas cette grandeur, cette majefté qui
réiulte de l’immenfe continuité des Qlaces que
_ préfente la face oppofée : on n’a pour ainfi dire
le Mont-blanc qu’en détail. Auifi toutes les grandes
Montagnes diftinétes que forment fes découpures
de ce côté là, ont 'elles Ipur nom particulier
celui de Mont-blanc n’y eft pas connu,’
excepté de quelques ups des Habitans, qui ont
fervi de guides à des Voyageurs, & ont appris
d’eux à nommer Mont-blanç,\'çvù.temb\Q des Obélisques
qu’offre le revers de cette prodigieufç
Montagne.
„ Les autres points de vue qui fe préfentent
lucceffiyement au Cramont, vers l’Eft & l’Oueft,
font encore de la plus grande beauté. On voie
à l*EJi, à une profondeur très grande, la Valléç
de Gormayeur, embellie de Bosquets, de Champs
cultivés & de Prairies. (Cette Vallée {descend
I à la Cité-d'ylojle, à peu près dans la direélion du
Nord au Sud). On grand nombre de Pics glacés
fe voyent au Sud, à la droite de Cormayeur \ &
en fe tournant à l’Oueft, on voit un Glacier im-
menfe qui embrafle fans interruption les pieds de
plufieurs Aiguilles. Notre Guide le nomma le
Glacier de Huit su, & il jugea qu’on emploieroit
plus