
„ Etant fur ce majeftueux Glacier, & nous dé*
faltérant délicieufement à ces petits filets d’eau fi
transparente qui fillonnent les glaces pures, nous
fîmes une Libation en l’honneur des Amateurs des
Alpes; & il n’eft pas befoin de dire qui n’y fut pas
oublié; la température de ces filets d’eau n’étoiç
que d’î de degré audeffus de la glace qui fond. Les
eaux qui découlent de ce Glacier, & celle? qui viennent
du St. Bernard par la Vallée de St. Pierre,
vont fe rendre au Rhône; celle? qui descendent des
revers de ces mêmes Montagnes vont fe joindre
au Pô.”
„ Voici une avanture bien extraordinaire, arrivée
à l’un des Conducteurs des Mulets que nous
avions pris à St. Pierre, & qui nous fut atteftee
par le Prieur. Cet homme, étant à lachalfédu
Chamois avec un autre Montagnard, au Mois dé
May de cette année (ou de la précédente), fit,
fans accident, une chûte qui fait frémir. Us pas-
foient enfemble fur le bord du iommet d’une
Montagne que nous avions à la droite en montant
la Vallée: ce bord étoit une malfe de Neige,
déjà détachée par le dégel; leur poids en détermina
la chûte, & ils furent entraînés avec
cette malfe jusqu’au fond de la Vallée. Plus heureux
que fon camarade, notre Conducteur fuivit
l ’Avalanche *reltant toujours fur la Neige , & ne
fouflfrit abfolument que de la prodigieufe rapidité
du trajet, qui fuspendit fa respiration. Quant il
fut revenu de cet état de fpasme, il put fe dégager
feul de la Neige, qui le prclfoit fortement par
le bas du corps. 11 regarda auflicôt tout autour de
jjui, & ne vit point fon camarade. , 11 courut au
Village,
I Village; & revint avec un grand nombre d’hom-
I mes: à force decreufer dans la Neige, on le dé»
[ couvrit s il étoit tout brifé. ;
„ Le goût de l’Hiftoire naturelle pénétre dans
¡ces Montagnes. Mr. le Prieur de St. Pierre, à qui
Je Glacier de Val-foret étoit alfez connu, nousÿ
llàilfa monter feuls, & s’occupa pendant cet intervalle
à la chalTe des beaux Papillons de ces Montagnes,
dont il fait une collection: & paflant à
le Prieur de cet endroit; qui nous reçue
auffi fort hospitalièrement, nous montra une eût»
leflion de Cristaux & de toutes les pierres remarquables
des environs.
4 t)e Lida à Orftères, fur la route de St. Bran«
MfM nous eûmes Un alfez beau fpeCiacle. L*
[cuit âpprochoit, & nous vîmes une flamme con-
Ifidérable fur une des Montagnes de notre gauche;
jC’étOient, environ deux Àrpens de Bbis qu’on bru-
jloit là fans crainte, pour défricher le terrain de
ly feiiier du Seigle ou de l’Aveine,
j „ Quoique ce fpeCiacle attirât un peu notre attention
, nous commencions à la replier fur nous
mêmes. De gros Nuages noirs, poulfés par un
vent du Sud alfez fort, s’emparaient des Vallées,
& nous ménaçoient de mauvais tems. Il étoit
nuit, & nous nous hâtions de faire encore une
lieue pour arriver à St. Brancbier, lorsque nous
éprouvâmes les fuites de ce .prélude; ce fut une
□Tempête, accompagne'e de pluye à verié,de tonnerres
& d’éclairs. Les apprentifs Montagnards
Ide notre troupe, purent un peu comprendre l’avan-
Kture de la Montagne d'Anternej dont deux des fou.
frans