
bords fe rapprochent, & l’on a pu jetter de l’un à
l’autre un Pont iur lequel palFe la route. En cet
endroit le Torrent eft caché par les faillies irrégulières
des deux côtés de la coupure, & on l’en,
tent feulement dans le fond. Il femble qUe
l’ouïe foit ébranlée par les fons d’énormes pédales.
Les fînuofités des bords du Goufre font en effet
comme des tuyaux ¿’Orgue, & l’eau, violemment
battue, produit allez d'air pour les
remplir.
„ Nous remontâmes un peu plus haut, afin de
chercher quelque endroit où cette Orgue Alpine 0
allez abordable pour découvrir le Soufflet qui produisit
fes graves & fonores accords. Nous y parvînmes
à peu de diftance du Pont, & nous vî»
mes du haut de la coupure, le Torrent écumer
au fond, par fes chutes multipliées & fes chocs
contre les Rochers. Ces aspe&s font presqu’auffi
dangereux pari etonnemet|tque par la crainte ; car
dansl un& 1 autre on s’oublie,& un moment d’inattention
fur foi-même peut être fatal. Le pied
glififa à 1 un de nous, & il fit courir un frilTon
dans tous nos Membres.
„Nous revînmes au Pont, & là nous quittâmes
le Bon-Nant. Il tire fa fource d’un Glacier qui eft
fur la gauche a une petite diftance, & qu’onnom-
me Trêla-tête. De là, continuant à monter,
nous nous approchâmes peu à peu de la Monta-
gne de la droite, & nous eûmes en face le Col
que nous devions traverfer. Pour y parvenir,
nous devions monter par les Talus de la Montagne
j terrein le plus iouvent très pénible à gravir,
vir , & qui en cet endroit l’eft en effet. Nous y
dépaifâmes les limites de la végétation des Arbres,
& nous arrivâmes fur une de cespeloufe»
rapides, o ù , fans des doux aux fouliers, on a
beaucoup de peine à fe tenir ; parce qu’ils devienn
e n t très gliifans,par le frottement doux de l’herbe
& une espèce de vernis qu’y paffent les plantes
broyées; outre que ces peloufes elles-mêmes,
où il y a beaucoup d’herbe fëche, font très
gliffantes.
„ Au deflus de cette peloufe, nous trouvâmes la
partie fupérieure des Talus que les éboultmens recouvrent
encore. Là le fentier fe trouve tracé très vaguement
entre les débris des Rochers encore augu-
leux & nuds; puis on arrive dans un espèce de
Vallon demi-circulaire, qui reflemble allez à celui
du Pi«« de Léchaud, par lequel nous arrivâmes
la première fois au pied de la Sommité qui
porte le Glacier de Buet. Le nom de ce Vallon
du Bon-bonime eft le Moht-Jovet ; il montre quelques
chétifs Chalets épars, dont nous vîmes les
petits troupeaux de Vaches. C ’eft là un de ces
Pâturages élevés, dont on ne peut jouir que pendant
quelques femaines dans la Saifon la plus
chaude; & cependant l’herbe ÿ eft II bonne, que
ce tems très court, produit d’excellentes provi-
fions d’hiver, en Beurre, fromage, & Laitage»
plus greffiers. Ces Pâturages là font la plupart en
Communes, & on n’a point le motif de les parta-;
ger pour obtenir de plus grands produits; car lî^
Éulture ne fauroit rien y ajouter. Ils reftent don»'
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