
pourroient fe ranger dans le parti contraire'à la
cour : je nie que ces avantages-là exiftent; je
dis que le parti du peuple eft beaucoup plus fort
& beaucoup moins fufpeét , quand il ne paroit
à toute la nation porter que fur des intérêts
généraux & purs , & que l e parti du peuple
s’affoibli-t, & qu’il peut même fe dégrader en
apparence , & qu’ il fe dégrade toujours aux yeux
du plus grand nombre , qu’ il prend toute l’ap-
parence d’une fa â io n , quand il fe trouve mêlé
avec des intérêts qui , tenant à la perfonne , font
toujours plutôt l’ objet de l’attention & des réflexions
particulières 3 que des intérêts généraux
auxquels on n’ aime pas beaucoup à croire. Je dis
donc que quand la conftitution eft faite , le parti
du peuple ne fe fortifie pas de l’influence des
'princes. C e n’ eft pas eux qui foutiennent le parti
du peuple, mais bien ce peuple qui foutient leur
parti 5 & à cet inconvénient fe joint celui-ci ,
c ’eft que véritablement 3 fous le nom de parti
du peuple 3 fe mêlent des intérêts privés tendant
aux plus grands dangers pour le gouvernement;
un mal que la conftitution monarchique eft ef-
fentiellement déterminée à prévenir , je veux
dire au changement dans les dynafties 3 au changement
dans l’occupation de la première place.
Le principe fondamental du gouvernement monarchique
3 c’ eft la Habilité j - e’eft la tranquillité.
La nation a voulu 3 pour cet avantagerlà , renoncer
aux avantages poflibles qui pourroient réfulter 1
des vertus personnelles, de la capacité perfon-
nelle d’un petit nombre deperfonnes, & de même
que 3 par notre gouvernement , on n’ a pas befoin
que des qualités éminentes réfident dans la perfonne
qui occupe la première place , de même
on aime mieux 3 dans notre conftitution , la paix
la ftabilité , que les fervices que peutrêtre on
pourroit recevoir dans quelques aflfemblées populaires
d?un petit nombre de membres de la famille
royale. Il faut en revenir aux principes de
la conftitution 3 à :1a manière dont la conftitution
veut rendre le peuple heureux ; car quand on
cherche à rendre le peuple heureux par d’autres
moyens , il eft extrêmement à craindre qu’il ne
perde les moyens plus réels que la conftitution
avoit choifis ; il me femble donc que loin que
dans les affemblées publiques la popularité de
quelques princes put balancèr, pour la nation,
le monarchifme de quelques autres, ceux-là feraient
prefque toujours aufli menaçans pour la paix publique
que les autres p‘our la liberté.
En général il ne faut, pas remettre lès intérêts
communs entre les mains de ceux qu’ un grand
intérêt perfonnel paroît devoir animer plus puif-
famment que l ’intérêt national.
Vous avez prononcé diverfes incompatibilités,
vous avez établi que toutes les places du pouvoir
exécutif étoient incompatibles avec* la lé-
giflature : Or , je demande s’il eft une feule de
ces places-la qui conftitue un intérêt perfonnel aufli réel que celui de membre de la famille
royale ; car enfin tout homme qui exerce m pouvoir exécutif; s’ il étoit dans le corps légif,
la tif, auroit l’idée qu’en- laiffant une réputation il acquerra quelque chofe defupêrieur à la place de pouvoir exécutif, & par-là il ferôit choqué d’ un petit intérêt par un grand intérêt; mais le
membre de la famille royale ne peut pas con- noître un autre intérêt fupérieur pour lui à celui de raggrandiflement & de l’augmentation des
pouvoirs de la place que la conftitution lui a
attribuée, & de celle que la conftitution lui a
fait attendre.
Il eft donc vrai que fi l’incompatibilité étoit
raifonnable dans le cas où vous l’avez prononcée,
elle eft àbfolument indifpenfable dans le ca$:
aéluel , & qu’encore une fois, cela n’auroit |
pas pu être une queftion , fi nous n’ étions pas
dans un moment de révolution, & où les motifs'
qu’on a & ceux qu’on fuppofe aux autres
viennent toujours fe qeter à travers la difeuf-
fion. Avant qu’on eût traduit le mot dauphin
celui de prince-royal, tous les argumens que
*ron a faits aujourd’hui pouvaient être pro-
pofés ; mais du moment qu’on a voulu que la
qualité du premier fuppléantau trône fût exprimée
par le mot prince , je ne vois pas où la conftitution
peut être bleffée, fi la qualité de fécond
fuppléanteftégalementexpriméepar le mot prince,
fi la qualité de troifième fuppleant eft également
exprimée par le mot prince. Il n’y a rien de plus
conforme à la conftitution & à l’analogie grammaticale
que de donner lies mêmes noms aux
mêmes chofes ; & puifqu’il eft évident que les
fuppîéans à la royauté ne font qu’un même ordre1
d’hommes , feulement placés à la fuite les uns
des autres, à raifon du rang qui les appelle au
: trône, il me paraît que fans la raifon -qu’on y :
| oppofe du décret rendu par l’afiemblée, il jr
auroit pleine évidence à leur donner le même j
nom, parce qu’ils ont la même qualité. Je réponds
que toute qualité politique n’établit pas
une inégalité, parce que tout ce qui eft porté
comme portion du gouvernement pour la nation,
émane effentielleraent, pour ainfi dire , d’une
fon&ion publique , & par-là n’ eft pas inégalité
telle que la féodalité , mais feulement une portion
du gouvernement. Il n’y a en France qu’une feule
fonction héréditaire : Il n’y a donc qu’ une feule
famille qui foit appelée par fa najffancè à une
dignité , 8c à -une fonélion ; cela n’eft donc pas
une difpofition générale & redoutable par fou
ext-enfion ; car c’eft le gouvernement qui a placé
cette qualité exçlufive dans une feule famille, &
cela eft conforme à vos décrets rendus, qui difent
qu’il ne peut y avoir de diftinélion que celle qui
refaite des fondions publique^. O r , celle-là eft
fcflentielleraent une émanation d’une fonéüon
Lhlique, puifqu’elle n’eft donnée qu’ à ceux qui
font appelés par la conftitution à cette fonction. 1§ On murmure ).
I La queftion étoit donc entièrement réfolue par
h feule circonftance que l’afternblée a donné le
Jom de prince royal au dauphin, s’il n’y avoit
la s un décret de queftion préalable.
R Pour conclure, je crois , comme un des pré-
fopinans, que la délibération doit être divifée ;
jnais il faut fuivre cet ordre-ci : Délibérer d’abord
f i les membres de la famille royale font ou non
éligibles : première queftion , q u i, je crois, doit
Ktre décidée par non. Quelle fera la dénomination
qui leur fera donnée ? Seconde queftion. Je
demande qu on aille fucceflîvement aux voix fur
te s deux propofitions.
I On demande que la difeuflion foit fermée.
B L’affemblée ferme la difeuflion.
■ M. Lanjuinais. Il y a un ordre antérieur à celui
qu’on nous propofe d’établir : C ’eft la queftion
préalable fur un fyftême contraire à ce que vous
]avez décrété &c foutenu pendant deux ans.
t Plufeeurs voix de /’ extrémité de la partie gauche :
lux voix la queftion préalable. ,
1 M. Lavie. Je demande que la queftion préalable
foit pofée fur l’une 6c fur l’autre queftion
Séparément.
I M. Muguet. On demande la queftion préalable
fur l’article : l’effet d;e cette queftion préalable
jferoit d’accorder aux membres de la famille royale
Ses droits de citoyens' aêtifs. Je fuis , comme un
Jautre, partifan de l’égalité ;. mais je ne veux pas
Iqu’elle foit imaginaire ; je veux que, comme les
autres citoyens, les membres de la famille royale ,
■ ne reçoivent de bienfait de la nation que lorf-
fqu’ils auront rendu des fervices....
1 M. Démeunier. Je demande qu’on paffe à l’ or-
nr,e du jour.
| M. lepréfident. Monfteur Muguet, voulez-vous
|bien conclure
1 M. Frétea*. Je vous prie , Monfieur le président,
d.e ne vous pas. preffer de conclure , parce que fi
» ’opinant n’avoit pas ouvert cette difeuflion, je
l l ’aurois fait.
S M. Muguet. Je demande donc, & voici mon ^amendement, que les membres delà famille royale
fouillent des droits des autres citoyens, mais qu’ils
Jne puiffent, fous aucun prétexte, recevoir ae la
•|nation des fommes pouf1 payer leurs dettes ou des
jtentes appanagères ; ou bien que f’-affemblée nationale
déclare que les membres de la famille royale
y 1 ftipendiés par la nation ne puiflfent jouir
J “es droits de citoyen aétif.
M. Burot. C ’eft pour un mot d’ordre que j’aj
demandé la parole ; lorfqu’il s’ eft agi du décret
contre MM. Condé & d’Artois, lorfqu’il s’eft agi
du décret fur le départ de Mefdames pour l’ Italie ,
M. Mirabeau propofa dans èette même tribun'e les
mêmes raifons que vient de foutenir le comité.
M. Charles Lameth y répondit par les mêmes raifons
qu’qn oppofe aujourd’hui au comité. Il fit
bien fentir que nous ne^connoiflions plus de prince, 6c que ce mot devoit être à jamais banni de notre
conftitution.
M. Charles Lameth fe lève pour répondre.
M. Bu^ot. Je crois qu’ il faut fe borner à ceci :
ou d’ après vos principes, les membres de la famille
royale ne doivent être regardés que comme de
fimples citoyens , ou il faut revenir fur les décrets
que vous avez rendus dans ce fens ; & alors puisqu’
ils forment une cafte particulière, il y a une
foule de détails à régler. En conféquence , je
demande le renvoi au comité. Si l’on ne veut pas
1 décréter le renvoi, voici un amendement, c eft
qu’ils ne puiffent exercer aucun droit de citoyen
aétif ni commander l’armée.
M. Camus. Je demande que l’on pofe la queftion
telle qu’elle eft: dans le projet du comité -, telle
qu’elle a été difeutée. Aujourd’hui le comité propofe
de faire des parens du ro i, des citoyens act
ifs , pour tout ce qui leur fera avantageux, pour
; tout ce qui plaira au comité ; il avoit reconnu d’abord
que les membres de la famille du roi ne peu-
I vent exercer aucun des droits de citoyen aélif. Je
• demande la priorité pour cette propofition ; finon,
[ je demande une nouvelle difeuflion. Je maintiens
; qu’ il n’eft point convenable qu’ ils foient appelles
!i aux emplois que- le roi pourroit leur donner. Je
crois qu’il eft tout aufli dangereux de voir un prince,
puifepae vous voulez l’appeller ainfî , à la tête des
armées , que de le voir dansl’ affemblée légiflative.
I ( On applaudit dans l’ extrémité de la partie gau-
i che). Je demande que la queftion préalable foit
pofée fur les queftions, comme elles font rédi-
; gées par le comité, ou qu’ il nous préfentë un ou
| plufieurs articles qui difent expreffément ce que
j feront les parens du roi , quels font les droits
: dont ils jouiront, & ceux dont ils ne jouiront
! -pas..
M. le Chapelier. Nous adoptons volontiers la pro-
| pofition de M. Camus , de mettre en queftion - fi
| l’on donnera 13*priorité à l’avis du comité, tel
; qu’ il a été imprimé, oui ou non. Mais nous avons.
; cru remarquer dans l’ affemblée , & on a même demandé
que , pour que tout le monde opinât félon
. fa manière de penfer , il y eût des divifions de
• queftions ; or , il me paroit qu’ il y a trois queftions
diftin&es dans l’article : la première eft celle
, de favoir fi les princes..........Je vous demande pari
d on , fi les membres de la famille royale feront