
d’Orange, qu’aux députés de la ville d’Avignon.
Elle charge en outre ffon préfident d’écrire au
peuple avignonois , pour lut témoigner la profonde
douleur dont elle a été affe&ée, à la vue
des malheurs qui ont accompagné les événemens
arrivés à Avignon, & Piuviter à employer les
moyens les plus efficaces pour effacer jufqu’au
fouvenir de fes malheurs, & pour rétablir entre
tous les citoyens la concorde que leur intérêt mutuel
leur pçefcrit.
M. Malouet adhère à l’avis du comité, & conclut à l’élargiffement abfolu & définitif des prifonniers.
Mi Bouche. Il eft néceflaire d’établir le vice radical
du titre tranflatif de propriété au profit des
papes. Une reine jeune , foible & mineure, a
difpofé d’une partie de fes" états grevés de fubfti-
tution § pour fléchir fon juge & obtenir une abfo-
lution. Il y auroit les plus grands inconvénieris
à laiffer fubftfter au milieu de la France, un petit
territoire qui pourvoit en intercepter tontes les
communications, & qui, dans le fyftême propolé
du reculement des barrières, forceroit d’entourer
fcette province d’une armée de c o m m i s & de êner le commerce des départemens circonvoifins.
,e Comtaf donne une retraite indifpenfable à; tous
les fraudeurs, voleurs & banqueroutiers du royaume.
C ’efl: encore1 dans le Comtat que réfide toujours
le foyer de la malveillance ; c’eft-là qu’a été
imprimée la fameufe déclaration du 2,0 avril, d’où
elle s’eft répandue dans toutes les provinces du
midi-; c’efl: du Comtat Venaiffin que font fortis,
dans tous les temps, les intrigans ou les faéfieux
qui ont défolé & tourmenté la' France $ c’eft du
Comtat Venaiffin qu’efl forti Zameto, grand orateur
, & feigneur fuzerain de deuxfois 806,000 écus.
— À l’intérêt de la France' fe réunit le voeu du
peuple avignonois. Non-feulement tous les diflriéls
l ’ont manïfeflc par leurs délibérations, mais encore
ils ont envoyé & tiennent auprès de vous une
députation , pour follicitér l’admiflion de leur
demande. Je vais vous faire le&ure d’un projet
de décret.
L’affemblée nationale décrète que les prifonniers
détenus à Orange , feront provifoirement
élargis eh gardant les arrêts dans la ville ; que le
roi fera fupplié d’envoyer quelques détachemens
à Avignon, pour maintenir, in flatu quo, la - tranquillité
publique ; comme auflî d’écrire au faint-
Père, qu’il prend fous fa proteéfion le Comtat
Venaiflm & la ville d’Avignon, & d’entamer une
négociation pour leur réunion à la France; décrète
en outre que fon préfident enverra une expédition
du préfent décret au peuple d?Avignon , pour
l’engager à ne fè rappel!er des malheureux évé-
n-mens qui ont eu lieu dans cette v ille, que pour
mieux y maintenir l’union & la paix.
M. Clermont-Tonnerre. Il eft impoflible de rien
ajouter aux pr incipes fagement énoncés par M. Tronchef.
Üaflelnbléé à déclaré qu’elle ne vouloit pas
s’agrandir (par des conquêtes. Si elle s’écartoit de
cette belle maxime , il faudroit bientôt claffer une
déclaration qiii a fait votre gloire parmi les principes
' immoraux de la diplomatique des defpotcs.
La ville d’Avignon fera comme la chaumière du
pauvre dans le domaine d’un ro i, un exemple de
jufticè. Je conclus à ce que le projet du comité
foit adopté dans fon entier.
M. Charles Lametn. Je demande l’ajournement,
attendu que toutes les objeéüons contre le décret
n’ont pas été propofées. Vous voulez mettre en
liberté les opprefleurs , qui, à Avignon, comme
à Paris, n’ont pas été les -plus forts.
M. Barnave. Je fuis d’avis que les prifonniers
doivent être provifoirement élargis; mais le furplus
du décret doit être renvoyé à une féance du matin.
La matière eft affez importante.
M. d’Âmbly. J’appuie la motion1 de M. Barnave,
à condition qu’on annullera lés décrets rendus le
19 juin, dans la féance du foir.
M. Cnllon le jeune. L’affemblée, par un décret
formel, a renvoyé la difeuflion à la préfente féance.
La proposition de M. Barnave doit donc être fans
effet.
M. Montmorenci demande l’ajournement du
fond & l’élargiffement des prifonniers.
M. Malouet, Je requiers qu’il foit /ait dans le
décret une mention, tendant à pourvoir à la fub-
fiflance des prifonniers.
Après d’affez longs débats fur la priorité des
diverfes motions, Taffemblée l’accorde à celle de
M. Montmorenci.
L’article III du projet de décret eft adopté, avec
l’addition propofée par M. Malouet.
Séance dit 16 novembre 1790.
M. le préfident. Le comité à’Avignon & le comité
diplomatique n’ayant pu fe mettre d’accord fur
le rapport qu’ils avoient à vous faire, la difeuflion
va s’oùvrir fur la' pétition de la ville d’Avignon.
M. Pètion , l’un des membres du comité d? Avignon.
Ee peuple avignonois réclame l’avantage d’être
le premier à s’affocler à votre gloire & à votre
profpérité. Placé au milieu de la France, uni de
-'.tout temps aux François par lés liens del’eftime ,
de l’amitié:, delà reconnoiffance ; ayant les mêmes
moeurs, les mêmes intérêts, il veut refferrer tant
de noeuds, en adoptant les mêmes lo ix , en choi-
flffant. le même chef. Jamais nation n’a reçu uii
plus bel hommage; jamais l’empire de la rai!on
&d e. la juflice n’a obtenu un triomphe plus éclatant.
Combien n’eft-il pas plus glorieux, plus- con-
folant pour l’humanité, de fubjuguer les peuples
paç
par la douceur & la bonté des lo ix , que par la
force des armes ! . .. Cette pétition ., auflï honorable
qu’importante, mérite de fixer toute votre
attention. La difcuftîon entraîne nécëfiairemciit
dans l’examen de plufieürs queftions de droit public.
La marche de notre travail eft fimple & facile à
fuivre. Nous avons penfé qu’avant tout, il felloit
favoir de qui Avignon dépend ; fi la cour de
Rome a des droits, légitimes fur cet état ; quels
font fes titres; quelle eft fa pofleflion ; ou fi au
contraire Avignon appartient à la France, & fait
partie de fon territoire. Nous avons raifonné en-
fuite dans la fuppofition où Avignon. feroit le'
domaine des papes, .& nous avons examiné fi les
Avignonois mécontens de leur fort, fe font déclares
libres Scindépendans, fi ce voeu eft général,
authentique ou fi ce n'eft que la volonté particulière
de quelques individus ; fi les Avignonois
ont pu pafier une déclaration d’indépendance, &
s’offrir à la France; fi une nation entière a ce droit
-fi la portion d’une nation l’a également; s’il eft
jufte-, s’il eft d’une faine polititiqùe de réunir
Avignon à la France ; quel eft enfin le parti qu’il
convient de prendre. Ainfi ce. diieours fe diVife
en deux parties principales ; l’une traite du droit
pofitif; l’autre , des droits naturels & inipreferip
cibles . des peuples. Ces deux parties renferment
tous les1 faits , tous les principes qui peuvent répandre
la lumière fur cette grande affaire. J ’entre
en matière; .• ' ''
Avignon a éprouvé toutes les bizarreries des
événemens politiques; tantôt il s’eft gouverné par
-lui-même , & a formé une république féparée ;
tantôt il -a été joint aux états qui l’environnoient
& en a fubi la loi. H a paffé fuccéflivement -entre
les mains de plufieurs pûiffances ; la proie de ceux
qui ont voulu s’en emparer, le jouet de leurs
caprices; abandonné & repris parla France, fin-
certitùde & l’inftabiiité de fon fort ont été perpétuelles.
Les plus grandes pûiffances n’ont pas
exercé davantage la plume' de nos écrivains , &
en voyant tons les volumes qui ont été faits fur
ce petit état, on croiroit qu’ils renferment l’hiftoire
du inonde. Les hiftoriens rapportent les faits d’une'
manière différente & Couvent oppofée. Cependant
il eft un point fur lequel il n’eft aucune diverftté .
d’opinions ; c’eft que Jeanne, reine de Naples,
a cédé Avignon au pape Clément V I , en 1348.
Çet aâe eft-il une vçnte ? eft-il une donation fimu-
léè? eft-il un engagement ? c’eft fur quoi il exifte
des differtations très-longues & très-érudites. Ce
qu’il -y a de confiant, c’èft que cette vente .fut
vue très-défavorablement par les écrivains provençaux
, qui la qualifient de vente mendiée. Cet
abandon , de quelque nom qu’on veuille l’appeller,
fut fait moyennant 80,000 florins ,.q u i, fuivant
les uns , furent payés par' le pape, qui en retira
quittance, .& fuivant. d’autres ne le furent pas.
.Jeanne étoit violemment foupçonnée du meurtre,
de fon rtiari, Jeanne avoit conçu une paillon très-
AJfemblée Nationale. Tome i l» Débats,
W ’e pour Louis de Tarente, qui devint fon époux,
& plufieurs prétendeht qu’il n’en coûta au pape
que i’abfolntion de ces crimes. PrefqUe tous conviennent
que Jeanne étoit mineure'lors de cette
ceftion. Un petit nombre -foutienf que la loi de
l’etat rendoit Jeanne majeure à dix-huit ans, la
repréfente comme afliftée d’un confeil, & met -un
grand prix au diplôme donné-par Charles V I , en
1348, qu'il conftdère comme l’inveftiture & la
confirmation de la -vente.
D ’un autre cô té ,l’on établit que ce diplôme n’a
aucun rapport à.la vente, qu’il n’en dit pas un
mot ; que Charles céda feulement an pape les droits
de fouverainété qu’il prétendoit avoir fur Avignon..,.
Jeanne, majeure en 1350 , réclame contre toutes
les .conventions qu’elle a fouferites contre l’interet
de fes fujets : u Elle déclare qu’entraînée par
” 1® malheur^ des temps, vaincue par l’importu-
»nité, abufée par des aftuces, fuccombant à la
” fragilité de fon fexe, à la foibleffe de fon âge,
” eIle eft. contrevehue aux loix les plus facreès
'> des nations. Elle révoque toutes les aliénations
” dont elle s’eft rendue coupable depuis la mort
» de fon ayeul, à quelque' titre & en faveur de
w quiconque elles aient été faites ».
Ceux qui combattent l’aliénation, foutiennenr
en effet qu’elle ne pouvoit être feite fous aucun
rapport. Avignon entré les mains de Jeanne , étoit
un domaine fubftmié; il l’étoit par le teftament
de Robert .héritier .des états de Naples & de Provence;
il l’étoit par l’édit folemnel du 20 décembre
1334, par lequel ce roi promet &• jure à fes
fujets de Provence, qu’il ne fera fait aucune aliénation
dans le comté, & interdit à fes héritiers -
& defeendans, de tranfgreffer cette difpofition.:
Les écrivains qui envifâgent, d’après ces faits , les
titres dés papes comme frauduleux & nuis , trouvent
leur pofleflion également vicieufe, par lg
principe d’une éternelle vérité, qu’un titre injnfte
ne peut être légitimé par la pofleflion ; qu’un laps
de temps né légitime jamais la mauvaife fo i Sc
que la mauvaife foi empêche toute prefeription
de s’établir. Cette pofleflion eft conteftée fous
d’autres rapports, & en l’ifolant des prétendus
■ titres de propriété. On affure que les, Avignonois
furent plufieurs. années fans vouloir reconnoître
l’autorité du pape, & qu’ils né fe fournirent que
parce qu’abandonnés; à leurs propres forces,. ils
furent dans l’impuiffance de réfifter.
On trouve des lettres de naturalité fans nombre,’
depuis 1536 , données par nos rois à des habitans
à'Avignon : a Pour éviter, portent-elles, les diffi-
» cultes qu’on pourroit faire, parce que la ville
» A’Avignon n’eft pas de préfent entre nos mains.»
Dans ces lettres il eft dit : « Sans préjudice des
» droits de propriété par nous prétendus , & qui
» nous appartiennent en ladite ville & feigneurie
A'Avignon. — Charles IX donna des lettres-patentes
au mois de novembre 156 7, pour déclarer tous les Ayignonois vrais fujets françois,- & régnicoles.