
miniftère ayant négligé de le mettre dans fa proclamation
, vous rendîtes un fécond décret pour
le rétablir dans la proclamation , attendu qu’il étoit
conftitutionnel.
Un grand nombre de membres demande la parole.
M. le préfîdent annonce que la parole eft à M.
Goupil.
M- Duport. Je commence par demander à M.
Guilleaume qu’il veuille bien lire la proclamation
dont il s’agit. Enfuite je dis que cela n’a pas été
Qifcute. [ On murmure ]. J’attefte à l’Europe en
tiere avec quelle rapidité ce décret a été enlevé.
Je demande que cette queftion (bit profondément
examinée j je dis que s’il eft vrai qu’un aéfce de
générofité, je veux bien encore l’appeller ainfi ,
ait porté les membres à s’éloigner eux-mêmes des
places du miniftère , il eft évident que par-là vous
etabliifez une difcordance entre vous & le pouvoir
executif , que vous devez deftrer être populaire.
Vous ne voulez pas, fans doute , que le
pouvoir exécutif foit ennemi de la conftitution,
& fi vous ne lui permettez pas..... ( De Violentés
rumeurs & des éclats de rire s’élèvent dans l’extrémité
de la partie gauche ). Je dis donc que fi
vous ne faites pas fympathifer le pouvoir exécutif ,
avec le pouvoir légiflatif, le pouvoir exécutif dé- !
truira votre liberté, ou vous le détruirez vous-
mêmes. ( On murmure ). S’ il y avoit des hommes
afiez meprifables pour mettre leurs fentimens à la
place de ceux qui défendent , d’après leur conf-
cience , une opinion infiniment raifonnable 3 ils
ne mériteraient pas de fîéger dans l'affemblée.
( On murmure ). Je dis que des hommes q u i, depuis
deux ans g ont travaillé à la liberté de leur
pays.... ( Les rumeurs redoublent ). Je dis que fi
k s inculpations préfident à une délibération qui
doit établir un gouvernement folide 3 je dis mie
ce gouvernement ne fera pas établi.( On rit ).
Perfonne ne dira que cette queflion n'eft pas
d une grande importance 3 & je dis que vous
• avez, employé des momens précieux à des chofes
• beaucoup plus futiles. Nosraifons feront courtes
& tres-faillantes. M. le rapporteur vous a donné
dçs developpemens fut les principes, il vous a
dit qu'il étoit néceflaire que dans une bonne
conftitution, toutes les parties s'accordafifent
& qu’ elles tendilfent à des intérêts communs;
qu e b le pouvoir exécutif n'eft pas néceflaire à
la liberté nationale, il faut fe hâter de le détruire,
mais que fi au contraire la néceflité du pouvoir
executif a été reconnue, il ne faut pas qu'il foit
ennerni de la liberté. Il vous a dit que fi les
pouvoirs font tellement divifés que le parti du
pouvoir exécutif & le parti de la lëgiflature
»«fient deux pouvoirs dans l’état....
M. Goupil. Mais , M. le préfident j*ai la parole;
M. Duport. Si l’affemblée ne veut pas entendre
les motifs qui ont déterminé le comité-, je me
renfermerai fi on veut dans des moyens de forme 5
je dis que quand on dit : aux voix ! pour toute
raifon , il n’y a rien de raifonnable à- répondre j
mais comme des moyens de forme ne fuffifent
pas, je defirerois faire connoître à l’affemblée
quel a été le^ motif de vôtre comité. ( Plujîeurs
voix de l'extrémité gauche ; nous n’en avons pas
befoin ). Je dis qu'il eft du plus grand intérêt
de #ne pas conftituer les pouvoirs de manière
qu’ils divifent tellement la nation qu’elle fe divife
en deux claffes diftindtes. Ce feroit fubftituer
; à I’efprit national, à celui qui conftitue I’efprit
public , un efprit d’oppofition & de contrariété.
Sf cette oppofîtion exiftoit dans le fein du corps
législatif, elle feroit véritablement utile à la
liberté | le public qui affifte réellement, ou pat
la penfée, au pouvoir Jégislatif, veut qu’il y
ait une oppofîtion, parce qu’elle eft la fource
des bonnes difcuffions j mais quand cette op-
pofition fe prolonge dans la nation entière j
quand elle la coupe en deux parties 5 quand une
partie des citoyens dit : nous fommes pour le
3 & l ’autre : nous fommes pour ,1e corps législatif.
Alors .il n’y a plus de tranquillité publique,
il n’y a plus de liberté.
Si le pouvoir exécutif eft contraire à la liberté,
il y a des moyens pour l e 1 retenir ; mais s’il eft
inaéiif, il eft impoflible' de le faire agir. Il faut
donc lui donner intérêt pour agir 5 il ne faut
pas dépopularifer le pouvoir exécutif : mais le
pouvoir ex é cu tif, ce n’eft pas le roi feulement,
ce font les miniftres, ce font les agents qui
l’entourent. Si vous avez donc fenti la néceflité
que le pouvoir executif fût populaire, vous devez
vouloir que les agens du pouvoir exécutif foient
élus parmi les hommes reconnus pour être populaires.
Si les perfonnes qui font élues au corps
légiflatif font par là même exclues des places du
pouvoir ex écutif, qui eft-ce qui ira , je vous!
le demande , dans les élections populaires ? Vous
defirez que les officiers foient populaires ; il y a
même des pays où l’on exige des officiers une
propriété. Vous ne l’avèz pas voulu, mais cela
ne fait rien ici. Eh bien ! tous les officiers qui,
ayant du talent & des moyens, voudront avancer,
fuiront les éledions y car s’ils étoient élus 1 ils
ne pourroient obtenir du pouvoir exécutif aucun
avancement. Vous devez defîrer que les agens
de la nation au dehors foient populaires î Eh bien !
les hommes populaires font précifément ceux que
vous voudriez exclure ; il n’y a donc perfonne
qui ne fuiroit ces éledions populaires ; car du
moment où un homme feroit élu, fa carrière feroit
perdue. Cela peut fe poufïer jufqu’au point de
tous faire frémir, Si jamais l’ennemi étoit arx
■ »ortes de la France ; fi la France a beaucoup d’of-
Kciers elle a peu de généraux ; fi la deftinee d’un
lempire" peut dépendre quelques fois de quelques
|individus, fi ces individus étoient dans i’ affemblee
»nationale, vous ne voudriez donc pas qu’ils allaffent
■ défendre l’état à la tête des armées, vous
m ' Maintenant prenons les agens plus direds dupou-
[voir exécutif. Qu’y a-t-il à defîrer, je ne dis pas
»pour l’orgueil de quelques individus, maispour l’in-
Itérêt du peuple françois? Que les loix foient juftes
J&exécutées.Que les miniftres aient la confiance des
Ibeuples. Quelques uns dans l’oppofîtion vouloient
ique le peuple nommât les miniftres,mais vous avez
Ifenti les inconvénient de cette propofition. Ils vont
Itout de fuite à des idées .contradidoires. Parmi
Ices idées il y en a une vraie : le peuple ne peut
■ pas élire les miniftres; il faut donc que les miniftres 1 loient élus parmi ceux qui ont déjà fa confiance.
ISi non le pouvoir exécutif fera obligé de prendre
»parmi les hommes qui ne fe feront jamais préfentés
■ aux éledions populaires, parmi les hommes qui
I auront été rejettés par le peuple. C e n’ eft pas là
I le feul inconvénient ; mais c’eft qu’il ne pourra
(.jamais prendre que des hommes entièrement in-
I connus y au contraire, dans le fyftême que nous
I propofons, il. prendra des hommes que l’opinion
I chérira ; l’opinion aura fur lui une telle adion,
I quelle le forcera à être populaire.
paffions particulières. ( Quelques membres applaudirent
).
M. Goupil. Le comité ne fe plaindra pas de
n’avoir pas eu affez d’avantages y 8c puifqu’enfm
un membre étranger au comité peut fe faire entendre,
je dirai que je fais bien auffi que ce
feroit un état très-mal diftribué que celui ou la
puiffance légiflative & le pouvoir exécutif fe
regarderoient fans ceffe comme deux forces hof-
tiles & toujours prêtes à fe combattre y mais je
ne m’étendrai pas fur ces differtations métaphy-
fiques., auxquelles ,on ne fe livre que quand on
ne s’entend pas foi même, il nous faut de la fureté
& non pas de la métaphyfique. Mais entendez
bien j & comprenez une fois pour toutes qu il
faut une furveillance des deux parties , l’un fui:
l’autre, 8c ne concertez pas, avec une concertation
, hoftile , cette furveillance patriotique 8ç
indifpenfable. J’abandonne cette foule d’exemples
qu’on nous avoit cités avec une faconde * abondante
, pour prouver que les hommes qui afpi-
reroient à quelque avancement dans les places
du pouvoir exécutif ne fe préfenteroieht pas
aux éledions populaires , & pour ÿ répondre eh
un feul m o t, je demande par amendement que
raflemblée décrète dans Yacte conftitutionnel ,
que lès membres du corps légiflatif ne pourront
accepter du gouvernement, pendant la durée de,
la légiflature, aucuns dons, places ou emplois,
même en donnant leur démiffion.
M. Goupil. Mais , monfieur , j’ ai la parole.
M. Duport. Je finirai par une obfervation faillante.
Vous avez fait une entreprife également grande,
jufte & belle. Vous avez voulu foumettre tous
les citoyens au joug de l’égalité : vous avez voulu
faire de l’égalité la bafe de votre conftitution,
pour cela il a fallu faire courber des têtes or-
gueilleufes qui n’en avoient jamais entendu parler :
vous avez donc pris l’engagement de faire une ;
conftitution folide. Maintenant f i, faute d’ accorder
les parties entr’ elles, votre principe d’égalité vous
échappe, on dira que le fyftême d’égalité n’eft
qu’un beau rêve. Si le pouvoir exécutif eft enne-1
mi, ' il eft impoflible que lés [bafes. populaires
puiffent fubfifter y ce ne fera que par des hommes
qui fe ferorit montrés ennemis de la liberté que
le pouvoir exécutif pourra gouverner.
• Enfin perfuadés que dans cette queftion l’intérêt
général préfidera, & qu’on mettra de côté toutes
les idées , les fentimens, les paffions particulières y
je demande qu’on mette à la difcuflion, non pas
le décret qui exclut du miniftère les membres
de l’affemblée actuelle , car il eft poffible qu’il
foit bon, mais l’autre y de manière qu’ on voye
k\en. que l’affemblée a pris en confideration des
înotifs tirés de l’intérêt du pays 8c non pas des
M. Ræderer. Pour quiconque v e u t , $c veut
fërieufement s’occuper de la machine politique ,
non pas en machinifte , mais en artifte & ea
méchanicien de l’ art foc ia l, il doit être évident
que le véritable intérêt national, celui d’obtenir
aux loix le ’ refped qui leur appartient,
c’eft d’attacher à ce refpea une forte de religion
publique, au moyen de laquelle les citoyens
ftéchiffent fans qu’il foit jamais befoin de l’intervention
de la lo rce; o r , rien n’eft fi propre à
établir le refpe&à la-loi, la religion de U lo i ,
que de montrer au peuple qu’aucun intérêt per-
fonnel n’ a pu approcher du légiflateur. Il ne
fuffit pas qu’ il foit incorrompu ; il ne fuf-
fit pas même qu’ il foit incorruptible , il faut
que le peuple ait devant fes yeux des motifs
evidens qui l’empêchent de craindre la corruption
, & il aura cette crainte s’ il fait que le
pouvoir exécutif peut obtenir des • députes tout
ce qu’il veut, en les nommant aux places du miniftère
, ou même aux places inférieures y car il
eft des gens qui s’accommodent de tout; c’eft par
le‘ fentiment de cette grande vérité qui appartient
plus à la confcience qu’à l’efprit, que fans
difcuflion & par un premier mouvement de votre
générofîtë , vous avèz décrété qu’aucun de vous
ne pourroit recevoir des places du pouvoir exécutif.
On a bien eu tort cie vous reprocher cette