
Ton fervice même ; femble appartenir plus particulièrement
au fervice du génie qu’à celui de Yartillerie.
Examiner cette affertion, & les moyens
employés pour la combattre, c’eft l’objet de la
troifième queftion.
Si les mineurs tiennent'à l'artillerie par les ré-
fultats deftruéteurs de leurs travaux, difent les
défenfeurs du génie , ils tiennent pareillement aux
fondions des ingénieurs, par les effets conferva-
teurs des contre-mines. S’agit - il de préparer ce
moyen de défenfe, fi néceffaire dans la majeure
partie de nos places, c’eft aux ingénieurs chargés
de leurs fortifications, à lepropofer. Commentpour-
roient-ils le faire, tant que la volonté de ces deux
corps pourra fe trouver en oppofition ? Les mineurs
, fans cette réunion , fe trouveront donc
toujours bornés aux inftruétions ftériles d’un poli-
gone , fans pouvoir jamais les mettre en pratique,
pour augmenter les moyens de défenfes de nos
places en les contre-minant. S’agit-il d’attaquer &
de détruire des remparts ennemis, c’efl aux ingénieurs
à pouffer les fapes, à ouvrir les tranchées
, à diriger l’attaque. Comment, d’après l’avis
même du fameux Vauban, pourroient-ils le faire
avec fuccès, tant que les moyens d’exécution ne
feront pas réellement entre leurs mains ?
Les mineurs & les fapeurs doivent coopérer à
leurs travaux ,. fous ce’ double point de vue de la
paix & de la guerre ; ils doivent donc appartenir
effentiellement au génie. Les mineurs pourroient
être en même temps fapeurs ; & le génie, en les
réuniffant à lui, après en avoir profité pendant la
paix, pour la conduite, direction ou exécution
des travaux qui lui font confiés $ après s’être
fervi d’eux pendant ce temps, pour contre-miner
les places, auxquelles ce moyen de défenfe fe-
roit jugé néceffaire, pourroit, à la guerre, jouir
par eux de cet avantage , que M. do Vauban regar-
doit comme fi indifpenfable pour le fuccès de fes
Opérations. Les mineurs font liés effentiellement
à Vartillerie, répondent les défenfeurs de ce corps,
leurs fondions font les mêmes ; l’emploi de la
poudre pour les deftruétions leur appartient pareillement
; ils doivent également en çonnoître
les propriétés, en calculer les forces. Les études
préliminaires de Yartillerie les conduifent à cette
connoiffance , que celle du génie ne feroit pas
autant dans le cas de leur donner, puifque l’emploi"
de la poudre n’eff pas de fa compétence ;
& fi les mineurs en font ufage médiatement,
tandis que les canonniers ne s’en fervent qu’im-
médiatement, & avec le fecours des corps, 8c
par leurs armes de je t, il n’en réfulte aucune différence
qui puiffe faire préjuger contre l’analogie
de leurs fondions. Les mineurs ont toujours fait
partie de Yartillerie.
Ce n’eft enfin que dans les parcs qu’ils peuvent
trouver tous les uftenfiles néceffaires. à leur fervice.
Il leur faut des poudres qui y font uniquement
en dépôt; il leur faut des outils, particuliers,
félon les cîrconftances , des trépans ~ becsï
de-cannes, aiguilles, piftolets, qu ne peuvent
être forgés & réparés que dans les forges ambulantes
du parc de Yartillerie ; il leur faut des paniers
, des chandelles, des lanternes, des toiles 8e
mille autres chofes, que Yartillerie feule peut comprendre
dans les approvifionnemens ; il leur faut
des planches , des bois d’équarriffage pour le coffrage
de leurs conduits fouterreins ; il leur faut le
fecours des ouvriers en bois, comme de ceux en
fe t , des compagnies d’ouvriers de Yartillerie pour
leurs chaffis, leurs hoquets, leurs planchettes, &c. i
Enfin tous leurs befoins indifpenfables tiendroient j
les mineurs attachés à Yartillerie, quand bien même ;
ils n’en feroient pas aufîi effentiellement une partie i
intégrante.
Tels font les moyens employés refpe&ivèment
par les deux corps, ou qu’ils pourroient mettre
en ufage pour appuyer lèurs prétentions rivales.
Examinons à préfent fi la réunion des mineurs au
corps du génie pourroit être nuifible à leur fervice
& à leur inftruéiion : c’eft la quatrième 8t
dernière queftion qui me refte à foumettre à votre
difeuflion. L’art des mineurs demande une infinie* ’
tion longue & fuivie , un exercice confiant du j
travail, une étude approfondie de toutes les par- !
ties dépendantes de leurs opérations. L’habitude j
feule peut les former ; leur réunion feule peut leur
donner l’enfemble de théorie & de pratique né-
ceffaire pour porter cet art au point de perfeftion
dont il eft fufceptible, & dont il commence à
approcher fi fort. Si par la réunion de ce corpj
à celui du génie, les compagnies de mineurs doivent
être toujours féparées dans les différentes villes,
où leurs travaux pourroient être néceffaires aux ;
contre-mines à entreprendre ; fi elles ne doivent !
■ plus avoir de point de réunion, pour des écoles
de théorie communes à toutes, il eft certain que1
l’art du mineur ne fe perfectionnera plus, n’aura!
plus d’unité de principes , & que ce corps fera j
trop heureux, s’il ne fait que cefler d’acquérir du ;
côté de fon inftruéiion.
Si les mineurs , deftinés à exécuter par leurs j
mains & par économie, fous les ordres des offi-i
ciers du génie , toutes les parties des réparations
à faire aux fortifications des villes qui feroient fuf-
ceptibles d’être ainfi entreprifes , ou à diriger &
à conduire fous leur infpe&ion , en qualité de
piqueurs, conducteurs ou chefs d’àttsliers, tous ;
les travaux dont ils font chargés , doivent, eu j
raifon de ces fondions que le corps du génie j
paroît leur deftiner, être répartis & divifés dans i
toutes les villes où il y auroit des travaux à fait® j
ou à conduire , il eft certain encore que l’art du j
mineur feroit bientôt perdu pour eux. S’ils ne font j
le fervice de condudeurs d’atteliers que par détachement
, ils cefferont bientôt tout-à-fait d’etre.
mineurs. .
Enfin, fi fans changer leur méthode habituelle
de travail, leur réunion confiftite uniquement3
faire partie du génie, comme ils le font aujour-
Ll’hui de Yartillerie, c’eft-à-dire, feulement pour leur
avancement dans ce corps, il eft certain que leur
réunion au génie ne feroit pas nuifible à leur inf-
tru&ion. Mais dans ce cas, de quelle utilité les mi-
Ipgurs feroient-ils aux ingénieurs pendant la paix ?
île but de leur réunion feroit manqué pour leurs
itravaux ordinaires. S’ils ne peuvent les y employer
comme condudeurs d’atteliers , ils n’en retire-
roient, pour leurs autres fondions, que le frivole
avantage de commander diredement pendant
la paix , pour l’exécution des contre-mines
des places, & pendant la guerre, pour la conduite
des fapes & des tranchées. Une troupe,
quoique n’étant pas effentiellement attachée à eux,
in’en doit pas moins être fous leurs ordres & à
leur difpontion, lorfqu’ils en auroient befoin pour
jl’exécution des ouvrages dont ils pourroient être
chargés. Voilà ce que pourroient objeder avec
raifon ceux qui voudroient s’oppofer à la réunion
Ides mineurs au corps du génie. Telles font toutes
les raifons principales à alléguer pour & contre,
dans la difeuflion des quatre queftions que j’ai
cru devoir vous foumettre. En les comparant &
len les réuniffant toutes, votre comité militaire a
[penfé :
| i°. Que la réunion des deux corps de Yartille-
\rie & du génie peut être defirable, peut • être
[même facile à exécuter, fuivant le mode propofé
Hans le commencement d’une paix, pendant la-
iquelle elle pourroit fe confolider fans inconvé-
foiens, pourroit en avoir dans ce moment, où
les circonftances, relatives à la pofition de TEu-
Irope , femblent faire impérieusement la loi de
p’apporter aucune confufion dans deux corps qui,
Mans leur état aétuel, ont fi bien fervi jufqu’i c i ,
dont les fervices pourroient devenir néceffaires
jd’un inftant à l’autre, & qu’en conféquence il y
put d’autant moins fonger aujourd’hui, que cette
[réunion des deux corps, exécutée comme on le
fcropofe, & comme elle feroit feule praticable,
fnoccafionneroit aucunne économie réelle pour le
fmoment, & ne termineroit pas même la difficulté
jfubfiftante entre eux, relativement aux mineurs,
i- i°. Que fi les befoins du fervice, appuyés de
»autorité refpeétable du maréchal de Vauban ,
Semblent demander, d’une part, que le génie ait
pe troupe directement à fes ordres, pendant la
ffiuerre, pour la conduite des fièges, rien ne pa-
|oit motiver cette néceffité pendant la paix, pas
peme l’opinion de ce général célèbre , puifque
pans fa lettre , à M. de Louvois , il ne demande cette
[troupe que dans 1 e cas où la guerre fe prolongen
t , & qu’il le prie de ne la pas former, s’il
p ir de grandes apparences de paix ; & qu’en
pnftquenee il eft inutile "d’attacher une troupe
peftement au génie pendant la paix , puifque
[pendant l a guerre , moment féal pendant lequel
r e * intéreffant qu’il ait des bras a fes ordres, il
p°urroit avoir à la difpofition tous les travailleurs.
39. Que pour remédier aux inconvéniens de
Poifiveté à laquelle le génie fe trouve trop fouyent
condamné , il feroit poffible & même plus avanta-v
geux de lui reftituer différentes fondions qui lui
ont été enlevées ou qui lui conviendroient parfaitement
, telles que celles des ingénieurs-géographes
, des travaux maritimes, &c. que de lui adjoindre
le corps des mineurs, qui, quoique ne devenant
pas inutile entre les mains des ingénieurs , ne pourroit
qu’être au moins détourné par eux du principal
but d’inftruCtion qu’il doit fe propofer.
4°. Que fi les mineurs réunis au génie doivent
être employés à fes travaux ordinaires & être en
conféquence féparés , leur inftrudion, comme mineurs
, feroit bientôt anéantie ; que fi au contraire
ils doivent continuer à fe livrer au même genre
de travail | leur réunion au génie deviendroit fans
effet pour ce,.corps, &q u’ainfi pour le léger avantage
de remédier à quelques difficultés fur le commandement
dans les travaux communs, inconvéniens
qu’une ordonnance fagement faite peut lever
aifément, il eft inutile d’apporter aucun changement
dont le fuccès pourroit être très-problématique
dans Torganifation du corps des mineurs ’
lorfque le degré d’inftruétion auquel il eft parvenu1
par les moyens aétuels , doit être un sûr garant de
la bonté de la formation.
Tel eft l’avis de votre comité militaire fur le fond
de cette queftion importante , qu’il a cru devoir
vous préfenter d’abord. Il vous refte encore à examiner
le plan du miniftre, dans les -détails particuliers
de la formation intérieure de Yartillerie , des
ouvriers, des mineurs, ainfi que de celle du génie :
ce fera le fujet de deux rapports qui vous feront
faits, lorfque vous l’ordonnerez : en attendant,& fur
le fond de la queftion des réunions feulement,
nous avons l’honneur de vous propofer le projet de
décret fuivant.
.L’affemblée nationale ayant entendu le rapport
de fon comité militaire fur Torganifation de Yartillerie
& du génie, décrète :
i°. Que les deux corps de Yartillerie & du génie
continueront, comme par le paffé, à refter dimnéts 6c féparés.
a°. Que le corps des mineurs , ainfi que les fapeurs
, continueront, de même, comme par le
paffé , à faire partie de celui de Yartillerie.
3°. Qu’il lui fera fait inceffamment le rapport
des plans du miniftre fur la formation intérieure de
chacun de ces deux corps , afin qu’elle puiffe prononcer
fur le nombre & le traitement des individus
de chaque grade dont chacun d’eux devra être com-
pofé.
M. Martineau. Les trois quarts des membrës de
l’affemblée ne peuvent entendre cette queftion.