
I<a queftion préalable fur la motion de M. Bouche
eft invoquée 8c rejettée.
Quelques amendemens font propofés & écartés
par la queftion préalable.
La motion de M. Bouche eft décrétée à une
grande majorité.
Al. le préfident. Le réfuitat du fcrutin a donné
à M. de Virieu 393 vo ix , & à M. d’Aiguillon 371.
M. de Virieu eft donc préfident de Palïemblée.
M. de Vkitu placé près du fauteuil. J ’ofç efpértr
que, vu la fingularité de la circonftancè ; vous
m’accorderez un peu d’attention. Je fuis honoré,
par la majorité des fuffrages, d’une place très-
honorable & très-difficile que je n’avois pas ambitionnée,
mais |è crois que quand cette majorité a
prononcé fur mon fort, je ne fuis plus moi, je
fuis tous ceux qui m’ont honoré de leur choix. Vciis
venez de rendre un decret dont je demande la
permiffion de relire le texte. (M . de Virieu lit *
le décret. ) Le ferment exigé embraffânt dans
fon étendue le paffé, i’oferai dire que dans
une longue carrière confacrée aux affaires publiques,
il eft poffible d’avoir eu une ôpipiOn
particulière, & de l’avoir exprimée. On peut exeufer
celui qui , au milieu de ces evenemeris qui ont
compromis l’honneur du nom François & ie fijlut
public, interprétant les différensaâes qu’il a Faits,
tomberoit dans l’inconvenient de ■ ne pas entendre
ce mot a£lt. I l eft très-peu de membres q u i, tantôt
feuls, tantôt avec d’autres députés, ne fe forint
permis d’écrire & de communiquer leurs penfées.
Je déclare que ma mémoire ne me rappelle pas
la totalité des a&es auxquels j’ai participé ; elle me
rappelle cependant que je n’ai pris-àucüne part à
des proteftations contre des décrets acceptés'ou
fan&ionnés; & fi je.-me trompois. moi-même , & -fi
elle n’étoit point exa&e, cette déclaration que je
fais devant l’ ajjimblcc nationale, devant nia confidence
, devant l’Être fuprême qui m’entend & que
je refpeéte , & que cette înexa&hude me fût démontrée,
le ferment ferait nul à l’égard des proteftations
que je pourrais avoir faites, 0c que j’aurois
oubliées. Le ferment n’embraffe aucun des cas que
ma mémoire ne me rappelle pas. Si l’on connoît
quelque proteftation faite par moi, qu’on me la
préfente, & je me retirerai. Je n’ai jamais eu d’ambition
pour moi, mais j’ai eu le defir du bien pour
lui-même : fi j’avois moins refpeâé le décret qui
me porte à la place de préfident, j’aùrôis refufé
tin honneur qui me conféré des fonâions pour
lefquelles j.e ne me fens pas les qualités néceffaires :
j’accepte cet honneur, parce que je ne puis pré-?
fumer que des çonfidérations qui me foient per-
fonnelles aient déterminé à adopter le décret qui
m’impofe le ferment que je vais faire. Je déclaré
que je renouvelle le ferment du 4 février, qu’une
feule fois avoît fuffi à mon coeur ; je jure d’être
fidèle à la nation, à la lo i, au ro i, & d’obéir
aux décrets de Vajfemblée nationale ~ acceptés ou
fanétionnés par le roi ; je jure de n’avoir pris,
de ne prendre jamais parc à aucuns à&es, proteftations
ou déclarations contraires aux décrets de
Vajfemblée nationale , acceptés ou fanétionnés par
le ro i, ou tendant à affoiblir le refpeét 8c la confiance
qui leur font dus.
M. de Virieu occupe le fauteuil.
M. de Bonnay fait le difeours d’ufage , & reçoit
des applaudiffemens prefque unanimes.
Ai. de Rockebrune. Je n’étois pas à Paffembîée
lorfque vous avez décrété que vos officiers entrant
en fondions feroient fournis à lin nouveau ferment.
Le ferment du 4 février devoit fuffire. Tout ferment
ultérieur'feroit inutile , feroit contraire à notre
liberté individuelle , & compromettrait les intérêts
de nos commettrais. Je fupplie M. le préfident de
s’expliquer nettement fur la nature du ferment qu’il
a entendu prêter ce matinv
Ai. le préfident. Je vous prie , Meilleurs, de m’accorder
un profond filence. Je crois que dans un.
cas ordinaire une demande ifolée n’exigercit pas
deréponfe; mais dans cette circonftancè l’affqmblée
ne défapprouvtra pas fon préfident de répondre
à une interpellation.particulière,& même de répéter
ce qu’il a dit précédemment ; car la femme de
Céfar doit être fans foupçon. A l’entrée de la -féance
on a fait une motion • que* l’affemblée a décrétée.
J ’ai déclaré qu’il n’étoit pas h la connoiffanoe de
ma confcience que_ j’cufTe fait aucun aéte , prôtef-
tations ou déclarations contre les décrets de. l’affem-
blée, acceptés ou fanétionnés par le roi; que je
n’avoit point ambitionné l’honneur qui m’eft aujourd’hui
conféré ; que j’étois prêt à me retirer fi
l’on pou voit me r-epréfenter quelque . déclaration
qui fe trouvât avoir rapport à la formule du ferment;
que s’il en. exiftoit, je dem.andoisà en être
averti, Ôç que l’avertiftement même le plus fecret
aurait l’effet le plus fubit. Je me fuis, renfermé dans
la forme du ferment; s’il ayoit eu une. autre forme,
je n’aurois pu le prêter, & Paffembîée aurait fait
de moi ce qu’elle aurait voulut jç né nierai jamais
les aéles que. j’ai faits ; j’ai cru devoir les faire
dans mon honneur & dans ma confcience. S i , dans
quelques cii confiances, il y a eu quelques décrets
non acceptés oignon fanétionnés qui m’aient paru
contraires à quelques-uns des intérêts que je fuis
chargé de défendre, j’ai pu ligner des déclarations;
je ne le nie pas, je né merétfaftç par. Des
décrets non acceptés & non fanétionnés n’entrent
pas dans le ferment qui m’a été impofë. ( I l s’élève
de grands murmures dans une grande partie de
Paffembîée.) Je ne nierai point que m oi, ainfi que
quelques autres membres, nous ne nous foyons pas
gênés pour ligner,* foit c o lle c tiv em e n tt foit individuellement
, notre avis fur quelques décrets , oc
la notice des faits qui ont amené ces. décrets.
Comme il ne doit relier aucun doute fur un objet
qui intéreffe le refpeéi dû aux loix, à l’honneur
& à la confcience d’un honnête homme, je répète
que j’ai entendu me renfermer , dans le texte du.
ferment : fi on prétend donner un autre fens à ce
décret, j’aurai un parti à prendre, fuivant celui
que Paffembîée prendra. ( M. l’abbé Maury applaudit
à ce difeours, ainfi qu’une partie des membres
qui occupent le côté droit de la falle).
Al. Alexandre de Lamtth. J’avoue que la nouvelle
déclaration de M. le préfident ne laide pas dans
inon efprit la meme penfée cfue la déclaration qu’il
avoît d’abord faite ; il m’étoit relié la perfuafion
qu’il'n’avoit ligné .aucun aéie tendant à affaiblir le
fefpett & la confiance dus aux décrets. Si’ fai. bien,
faifi fa penfée , il femblé que fa difculpation porte
fur ce que les décrets contre lefquels il peut avoir
protefté n’étoient pas fanétionnés ou acceptés par
le' roi, lors de fa proteftation. Je demande fi le
défaut de la fanétion peut autorife-r un membre à
fe ffouftraire au voeu de la majorité de Paffembléé.
Je crois qu’en effet un décret non fanétionné rieft
pas encore une loi du royaume , qu’il riengage $
pas tous les citoyens, mais qu’il engage tous les
membres de Palïemblée. Ainfi, dans le cas où M. le
préfident auroit figné un aéfe ou une déclaration
quelconque contre des décrets fanétionnés ou non
fanétionnés par le roi , il ne pourrait fe fauver
par la lettre du décret ; il ne peut pas fe fauver
davantage par(l’efprit du décret. En effet, qui de
nous n’a penfé que Palïemblée ne vouloir pas placer
à fa tête quiconque auroit protefté contre les décrets
qui font la loi de Paffembîée, puifqu’ils font le
voeu de la majorité .de fes membres? S’il eft vrai
que M. le préfident. ait figné une, prpteftation , je
demande que Vajfemblée nationale nomme un autre,
préfident.
■ •At. Charles fie 'LametB.JJn membre ne peut pré-
fider une a ffemblée devant laquelle il eft en caufe.
Je penfe1 donc que M. de Virieu ne peut , en ce'
moment \ préfider Paffembléé., & que M. dé Bonnay
dôif reprendre le fauteuil.
Ai. ■. le \ marquis dp Bonnay. Les circonftanc.es font-
en ce moment délicates 8c,-. embarraffantes. Vous
avez ?,ce; matin , rendu un décret .auquel. M. le
préfident s’eft conformé ; on vjent de l'interpeller
fur le fens fur l’étendue- du ferment qu’il. vient
de,prêter ; il s’eft renfermé dans la lettre du ferment.
Je prie Paffembîée de me permettre de lui obferver
qu’un ferment a quelque chofe de fi. faïnt, qu’il
n’eft pas permis à la penfée çl’aller au-delà des
èxpreffions qui le composent... . L’affemblèe difçute
ici fur'un fait qu’elle ne connoît pas ; j’ignore fi
cet aâe exifte ; mais la iiotoriété publique femblé-
roit le faire croire ; elle annonce même qu’il eft
contraire à. un de vos décrets ; mais j’obferve que
s’il eft queftion de la'motion de M. de la Roche-
Foucault , laquelle, en dernière analyfe, confifle à
dire, il n y a pas lieu à délibérer, pajfons à l'ordre
du jour, il n’y a pas ici une oppofitîon matérielle
à un décret. Ôn a dit que les décrets non fanc-
tionnés font obligatoires pour les membres de
Paffembîée; que le préfident in reatû doit quitter
fa place, & que je dois reprendre le fauteuil. La
majorité peut feule me faire la loi. Je ne crois pas
qu’il y ait lieu à ce que le préfident foit privé de
fes fondions , même momentanément, 8c je penfe
que s’étant renfermé dans les termes du ferment,
on ne doit pas fuivre l’interpellation faite, & délibérer
à cet égard.
M. Bouche. Le; décret que vous avez rendu a
deux parties; la première concerne les décrets-
fanétionnés & acceptés par le roi : c’eft fans doute'
fur celle-là que M. le. préfident a appliqué fon
ferment : la fécondé , les décrets rendus par l’affem-
blée ; c’eft fans doute fur celle-là que M. le préfident
a appliqué fa reftriétion mentale. Cependant
il dit s’être renfermé dans ' les termes du décret ;
il a donc juré m’avoir pris part à aucun aéle contraire
aux décrets fanétionnés 8c non fanétionnés.
Je prie M. le préfident de déclarer pofirivement
fi fon ferment porté,fur les deux parties du décret,
ou d'indiquer celle fur laquelle il ne porte pas.
J ’ajoute , d’ailleurs, que la formule comprend tout
aéïe tendant à affoiblir le refpeéf & la confiance dus
aux décrets de l’affemblée.
Plufieurs membres demandent que M. de Virieu
quitte le fauteuil pendant la délibération dont il
eft l’objet.
Ai. le préfident. J'occupe cette place par les ordres
de Paffembîée ; je n’y tiens point, mais je ne
fuis pas coupable , ■ je ne la quitterai que fur un
nouvel ordre de Paffembîée ; je vais la confulter.
M. Coupé. Vous ne le pouvez vous-même , puif-
que vous jugeriez de la majorité qui doit prononcer
iiir votre fort.
Ai. le préfident. Je vais donc quitter ma place
( pendant le tems de-cette difeufiion.
M. d 'ÈfprémniLyous h’êtës pas. à. vous.
Ai. le préfident. Ce n’eft pas le premier exemple
d’un préfident qui a prononcé un décret contre
lui-même. M. Moünier-, à Verfailles , a confulté
lui-même l’afi'emblée , quand on Paccufoit d’avoir
prononcé un décret d’imfe manière inexaéle. Je
vais donc mettre aux voix la queftion dont il s’agit.
Al. Goupil de Préfeln. La; délibération concerne
direéïément .& pofitivement M. le préfident ; il
ne peut dès-lors en être le chef & le modérateur.
Ai. le marquis de Bonnay. J ’ai demandé la quef-
tion préalable , parce qu’il n’y a pas même lieu à
interpellation , d’après la manière dont M. le pr.èfi-
I dent s’eft juftifié. Cette demande doit avoir la priorité
, & je la réclame.