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pour objet, étoient rendus, par leur éducation
, propres à embraffer plufieurs états, dans
le choix defquels ils feraient déterminés par leur
goût & leur difpofition. Peut-être cette grande
oc belle fondation , dont les intentions ne pourront'
plus à l’avenir être littéralement fuivies,
pourroit-elle être utilement dirigée vers l’objet
d’une éducation nationale; mais ces confidérations
tiennent à un grand enfemble qu’il n’eft pas du
devoir du comité des finances d’approfondir.
Quoique radminiftration des invalides, & celle
des écoles militaires, foient étrangères aux dé-
penfes de la guerre, il eft cependant certain que
des économies faites dans leurs dépenfes, pour-
roient tourner au foulagement de la caiffe militaire.
Ainfi, s’il étoit pomble de faire porter fur ces
adminiftrations , la folde & l’habillement des
compagnies détachées, qui s’élèvent à 1,195,898 1.,
fi une partie des trois deniers pour livre de
toutes les dépenfes de la guerre , pouvoit
être rendue fuperflue à l’établiiTement des invalides,
il en réfulteroit une économie de deux à
rrois millions pour ce département. La réunion
des adminifirations des invalides & des écoles
militaires, fans nuire à la véritable intention de
ces deux établiffemens, leur donneroitles moyens
de cette économie, & auroit pour l’établiffement
de l’h ôtel, le grand avantage de lui affigner des
revenus fûrs & indépendans.
Toutes ces économies, & beaucoup d’autres
fans doute, peuvent être faites dans le fyfiême
aétuel de la guerre ; mais en ne le considérant
abfolument que du côté des dépenfes, il n’eft
‘pas moins vrai que le nombre des troupes à présenter
à l’ennemi n’eft pas trop confidérable,
que les troupes à cheval ne font pas afl'ez nombreuse
; car la force des armées d’un grand état,
doit être' toujours en proportion avec celles des
empires qui l’avoifinent, & dont il peut craindre les
entreprises. Il n’eft pas moins vrai que le Soldat n’eft
pas, à beaucoup près,afl'ez payé; qu’il n’a ni afl'ez de
pain, ni du pain afl'ez bon; qu’il faut, dans un bon ordre
militaire, faire fréquemment des raflemblemens
de troupes , ce qui a été rarement fait jufqu’ici ; qu’il
faut augmenter la maréchauffée ; qu’il faut Soulager
les provinces du royaume des impofitions directes
ou indire&es qu’elles Supportent pour le Service de
l’armée , mais plus particulièrement encore les provinces
d’Alface, d’Artois & de Flandre, qui en Sont
plus Surchargées ; & que cependant il faut diminuer
les dépenfes du département, finon dans le moment,
au moins dans un avenir aufîi prochain qu’il fera
poflible.
A ces difficultés, qui Semblent s’oppofer à la régénération
du fyfiêmè militaire, il faut encore joindre
la néceflité de renoncer aux milices, qui, jufqu’à ce
moment, étoient une reflource pour Y armée dans des
momens de guerre, & préfentoient toujours Soixante-
quinze mille hommes prêts à marcher. L’étabüflfe-
sient des milices * au moins tel qusil a été jufqu'ici,
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ne pourrait déformais s’accorder avec la liberté individuelle
du peuple françois, fi tous les hommes en
état de porter les armes, habitans des villes ou des
campagnes, mariés ou non, fans diftin&ion d'état
de fortune & de profeflion, refufoient de fe fou- '
mettre à Ses loix avec égalité. Ce n’eft pas quand on !
a détriiit avec tant de raifon les privilèges pécu- !
niaires & tant d’autres confacrés par une longue
pofleflion, qu’il eft poflible de penfer à conferver
ceux qui, fous des prétextes abfurdes, compromettent
la liberté & la vie des uns, pour favorifer celles
des autres.
Les milices nationales & volontaires devront à
l’avenir, utilement & glorieufement remplacer ces
milices forcées, arbitrairement ordonnées, levées
fans proportion & fans règle, qui feifoient à la fois
le défefpoir def malheureux fur quileforttomboit,
& la ruine de ceux fur lefquels il ne tomboit pas.
Une bonne & fage organifotioil peut les rendre la
fureté des provinces & la reflource de Y armée.
On croit que ce problème de, la régénération militaire
, malgré toutes ces conditions, en apparence
contradictoires , n’eft pas cependant impomble à réfoudre
; mais fa folution ne peut avoir lieu que par un
changement entier dans le fyftême de la guerre. Ce
changement eft rendu néceflaire par les circonf-
tances ; ces mêmes circonftances en faciliteront lès
moyens , ft l’unité d’un plan bien approprié à Pef-
prit national, aux règles eflentiefles de l’organifa-
tion militaire, à la révolution a&uelle , eft encore
fuivi, dans fon exécution, avec fagefle, courage &
perfévérance. Alors on peut annoncer avec affu-
rance, une diminution dans la dépenfe de plufieurs
millions, un nombre de combattans effeftifs plus
confidérable même que celui que nos états préfen-
tent aujourd’hui, une organifation meilleure dans
Y armée, & une fatisfaâion plus grande parmi tous les
individus qui la compofcront.
Le moyen efficace d’avoir des troupes vraiment
nationales , quelle que foit leur compofition, c’eft
de les traiter en citoyens, ç’eft de leur faire un fort
heureux. Le bonheur d’un foldat n’eft point incom-
. patible avec la difeipline ; fans elle il ne peut même
exifter pour lui ; mais il eft incompatible avec le mal*
aife par lequel l’homme de qui l’état attend d’impor-
tans fer vices, ne reçoit pas la nourriture qui lui eft
néceflaire : iLfout, en améliorant fon fort, ceffer
d’exercer fur lui des épargnes qui atténuent encore
cette folde modique, & notre armée deviendra ce
qu’elle doit être : une réunion de citoyens qui engageront
volontairement leur liberté pour le ferviçe
de leur patrie.
Il faut encore que les avantages du commandement
foient l’efpoir certain de tout officier qui
aura éminemment les talens & les vertus militaires
; que la loi qui en ferme l’accès a une
partie d’eux, foit abrogée, & que la carrière de
l’honneur foit ouverte à tous les François qui
fauront s’y diftinguer: alors Y armée françoile,-
bien identifiée avec la nation, forte du nombrç
Atanmes que les différentes combinions auront
?• WeTnéceffaire, affûtera aux citoyens le re- 7 i l s ont droit d’exiger, \8c tnfpirerii aux
Sons étrangères le refpefl que le nom Frandoit
porter avec lui.. ■ ,
r i l étoit réfervé à l’époque aftuelle de pouvoir
; donner la plus grande vraifemblance, de fucces
4 celui qui voudrait, avec des projets bien réfléchis
& bien arrêtés, opérer la deftruftion des
obitacles qui, jufqu’à ce moment , fe font oppo-
I à la bonne compofition du militaire en r rance.
Le retour d’un peuple à fa liberté, la régénération
de fa conftitution , doivent porter dans
toutes les branches de l’adminiftration un effet
falutaire. La révolution au bien né feroit qu'imparfaite
, fi quelqu’une de fes parties ne recevoit
fentimens de dévouement & de reconnoiffance.
Aucun régiment, difent-ils, n’a pu penfer que
M. Dubois de Crancé fe foit rendu coupable envers
Y armée. Les repréfentans de la nation auraient été
les premiers à blâmer un opinant, s’il avoit parlé
d’une manière contraire à l'eftime que l’afleinblee
témoigne auxfoldats françois. Ce régiment n a point
demandé de réparation, quand l’affemblee ne voyoit
point d’offenfe. Voyeç D ubois de C rance.
pas l’amélioration dont elle eft fufceptible.
ï Les vices & les abus, qui, défendus par Pin-
trieue & par un long ufage, ont oppofé jufqu’ici
I. une réfiftance invincible à tous les efforts, tom-
I beront fans réfiftance devant l’efprit national, ]
quand il fe montrera éclairé par l’expérience &
la raifon. C’eft alors que les intérêts particuliers I n’éléveront plus la voix; & les François, animes
de l’efprit public, pénétrés du noble patriotifme
qui fait le caraâère de cette nation généreufe, -
porteront au focrifice des avantages particuliers i
par-lefquels l’intérêt général pourroit être bleffé,
| fenthoufiaûne & le ‘ dévouement qu’ils portent
dans les combats.
Mais quoique le nombre des abus dont eft
rempli le fyftême militaire aéluel foit confidé- .
râble ; quoique les récompenfes y aient été données
fans aucune proportion avec les fervices;
quoiqu’il doive réfulter une grande diminution dans
les dépenfes, par la Amplification de cette machine
| compliquée ; quoiqu’enfin les circonftances
aftuelles foient plus favorables qu’aucunes autres
aux retranchemens & aux réformes, toutes les
opérations qui doivent priver les pofleffeurs actuels
de leur état , ou diminuer leur fortune,
doivent être foigneufement examinées, & tenir
au grand enfemble d’un fyftême général ; car l’af-
femblée nationale jugera, fans aucun doute, que
!i l’abandon des avantages particuliers doit irré-
fiftiblement être fait à l’ordre public, il faut que
cet ordre public en foit le réfultat certain.
Séance du 20 janvier 1790.
M. le préjîdent lit des lettres écrites au nofn de
deux régimens.
Dans l’une, M. le vicomte d’Oillançon, capitaine-
commandant des Carabiniers, annonce que la lettre
écrite par M. le préfident, a été reçue avec joie &
reconnoiffance, & que ce témoignage honorable
de confiance a produit l’effet que l’affemblée devoit
en attendre.
Les officiers du régiment de Royal-Etranger prés
e n t de même, au nom de tout leur corps, des
M. Bouthilliet, au nom du comité militaire. Mef-
fieurs, qüatre qïteftions importantes font aujourd hui
foumifes à votre difeuffion.
Quelle eft la fpree néceflaire de Y armée à entretenir
en temps de paix ? . a ,
Dans quelle proportion doivent être, entre elles,
les différentes armes deftinées à la compofer ?
Quelle doit être celle des officiers de tout grade /
avec les foldats qu’ils doivent commander ?
Enfin, quelle dépenfe fon entretien doit-il occa-
fionner annuellement ?
Première Queftion. Force nécejffaire de Yarmée en temps
de paix. La politique de la France ne doit point être de
chercher à agrandir fes poffeflions. Le fyftême deftruc-
i teur des conquêtes rend les rois guerriers un fléau
funefte pour l’empire fournis à leur adminiftration.
Une nation fage ne fauroit prendre trop de précautions
pour enchaîner leur ambition ; & fi les principes
néceflaires d’une monarchie preferivent que
les rois aient le droit de foire la paix & la guerre ;
fi la prudence exige que des forces néceflaires pour
la défendre, & pour foire refpeâer fon nom, foient
dépofées entre les mains de celui qui la gouverne,
l’intérêt particulier de la nation lui foit impérieufe-
ment la loi de les fixer habituellement au fimple
néceflaire, non-feulement afin’ de lui ôter la tentation
d’en pouvoir abufer, mais encore afin de n’être
jamais écrafée fous le poids des dépenfes d’une <zr-
mèe, vain appareil de puiffance toujours menaçante
fans néceflité.
La force militaire de terre doit avoir pour but
de défendre le royaume contre fes ennemis extérieurs
, & de fournir au-dedans main-forte à l’autorité
civile , lorfqu’elle pourroit la requérir pour la
proteâion des loix'.
Une bonne conftitution militaire fera celle qui ~9
en réduifant pendant la paix les forces aux befoins
indifpenfables du fervice , organifera Y armée de ma-
nière à être augmentée facilement, fans fecouffes,
fans moyens violens, lorfque les attaques de nos
ennem’is obligeroient à des efforts extraordinaires.
Pour déterminer ainfi avec fagefle le nombre de
troupes néceflaire à entretenir en tout temps, il faut
confulter notre population , & la fituation des frontières
que nous avons à défendre.
Montefquieu, & tous les autres publiciftes, efti-
ment les rapports de la force militaire à la force
civile, fur le pied d’un fur foixante têtes, ou au
moins d’un fur cent ; les faits même démontrent
dans l’Alface, dans la Lorraine & dans la Franche*
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