
14-» Que la même proportion fera faite aux
officiers & bas-officiers , pour être remplacés
dans le même grade, s’il y a lieif.
150. Que les agens du pouvoir exécutif feront
tenus de prendre les précautions néceflaires
pour que ces changemens amiables fe faflent librement
& fans danger pour la chofe publique.
160. Enfin qu’il fera furfis à la nomination de
tous les emplois militaires , jufqu’après l’établifîe-
ment de la nouvelle conftitution.
Séance du 12 décembre 1789.
M. le comte de Crillon. De tous les départe-
mens, celui de la guerre offre le plus d’économie'à
faire. Cependant ces économies ne peuvent
être effeéluées qu’on n’ait préalablement prononcé
fiir d’organifation de Varmée : il eft donc inftant
de s’en occuper, afin de diminuer, s’il eft poffible,
les charges du peuple, par la fuppreffion des dé-
penfes inutiles. D’ailleurs, l’état de L'armée exige
qu’on l’organife ; les déferrions, l’indifcipline de
quelques corps follicitent une prompte organifa-
rion................
■ M. Dubois de Crancey. Il s’agit d’arrêter l’orga-
nifation des troupes, & d’établir les bafes de la
conftitution militaire. Il faut que les difpofitions
qu’on croira convenables, s’allient avec la liberté.
Si la nation ne veut pas rentrer dans les^fers,
elle'doit refter fous les armes: notre tranquilité,
notre fureté réclament la confervarion des milices
nationales. . . . C ’eft un honneur d’être foldat,
quand ce titre eft celui de défenfeur de la
plus belle conftitution de l’univers: tout citoyen
dîÉt être foldar , tout foldat doit etre citoyen ;
finon le citoyen fera toujours l’efclave du defpo-
tifme, le foldat en fera toujours l’inftrument.
M. de la Tour-du-Pin a fait part au comité
d’un, planj dans lequel on trouve avec étonnement
les idées de l’année dernière, quand nous
fommes éloignés de cette époque de dix fiècles.
Il demande cent cinquante mille hommes de
troupes , telles que celles qui exiftent, & cent
vingt mille hommes de milice. -Les premières,
félon ce plan, font toujours compofées de gens
fans aveu, fans domicile, prêts à attaquer la liberté
comme à la défendre. L’indécente vexation
des recrues eft le feul moyen propofé pour
former cette armée ................Les cent, vingt mille
hommes de milice feront produits par une ef-
pèce d’impofition fur les hommes, dont le fort
fera la répartition..........
Cette .odieufe pratique eft un véritable outrage ;
elle ne pouvoit exifter qu’à la faveur du defpo-
tifine : il ne doit pas même* en être .queftion
quand il s’agit de liberté. La confcriptïon militaire
eft le feul moyen de former les milices ;
chaque citoyen doit toujours être prêt à marcher
riôur la défqpfe de fon pays : il ne faut confentir
à • aucun remplacement, il ne faut point ajj
mettre des avoués, comme l’a propofé M. de
BoutbilÜer. Bientôt les pauvres feroient feuls
chargés du fervice militaire ; bientôt la liberté fe.
roit compromife.
Comment d’ailleurs incorporer la milice telle
que je la conçois, avec les troupes réglées aftuelle.
ment exiftantes ? Comment faire marcher l'homme '
fans aveu , dont la pareffe a fait la vocation, qui
fouvent s’eft fait foldat pour éviter des punitions I
civiles, qui enfin a vendu fa liberté , avec l’homme
qui s’arme pour défendre la fienne ?...
MM. le duc de Mortemart, de Juigné, de
la Queuille, de Pannat, &c. prétendent que l’on,
teur infulte le militaire: L’un veut qu’il loit rap-
pellé à l’ordre,- l’autre qu’il foit tenu de faire des
exeufes au corps refpe&able qu’il a outragé;
d’autres demandent fi ce travail eft le rapport du
comité militaire, & annoncent que le comité le
défavoue.
M. le préfident rappelle que M* de Bouthillier
ayant fait, il y a quelque temps , un rapport au
nom du comité, M. Dubois de Crancey annonça
que ce travail n’avoit pas réuni l’approbation
de tous les membres, & demanda à y répondre.
Il fait en ce moment cette réponfe. On
infifte pour que M. de Crancey foit rappellé à
l’ordre. L’affemblée décide qu’il n’y a pas lieu à
délibérer fur cet objet.
M. Dubois de Crancey, continue. Je me fuis
engagé de répondre au mémoire de M. le comte
de la Tour-du-Pin, fur la queftion importante
des milices nationales; je le prie d'excufér ma
franchife & même mes erreurs ; je ne puis avoir
en vue que le bien ^publie. Arrêté dans ma carrière
militaire par M. de Saint-Germain, j’ai depuis
long-temps perdu de vue les grands principes
de ce reflbrt puiflant du gouvernement.
Sans efpérance pour ma fortune, je fuis également
fans intérêt : je dois donc dire ce que je
crois la vérité, & je ne crains point de la dire
à ifn miniftre patriote. Dans toute autre circonf-
tance , je ne devrois que des éloges à un plan
qui améliore le fort des foldats, & celui même
des officiers, dans une proportion fagement combinée
; j’admirerois le dévouement à la chofe
publique d’un miniftre qui renonce, en faveur du
fervice, au plus doux dédommagement de festravaux
pénibles, celui de nommer à tous les emplois
militaires; je ferois bien pli» étonne encore
de cette réforme de tant de grandes places,
inutiles à la vérité, mais qui flattent d’autant plu?
celui qui les donne, que ceux qui les reçoive
font illuftres & puiflans. J’avoue que dans le frf
tême ancien, ce plan m’auroit paru le che-
d’oeuvre de la juftice , de la raifon & de la promt.
Mais dans lin moment où la. nation vie*1
de fonder fa liberté fur les débris des P°.11V°L
■ arbitraires, pour ne pas être forcée d’écraler
' ou rifquer d’êrre leur vîftîme ; la
£ 5 » doit cefler d’allier le refpeét & l’amour
vMe a pour fon roi avec la majefte de fa conf-
[ 1’ , Il ne feroit pas exaft de comparer ces
royens! V des principes fages & . conAm,-
I tionnels vont établir , à cette raforreflion fub.te
Hcfordonnée que la crainte de l’oppreffron a
I fait éclorre dans un jour. — Il ne feroit pas plus I «nfl de comparer ces nobles milices aux trilles
I riàimes du defpotifme, qui le coeur glacé,- & I d’une main tremblante, confultoient 1 urne fatale, I & tomboient fans connoiflance dans les bras de
| ]e„rs parens éplorés à l’afpeû du billet noir. Je
I riis due c’eft maintenant un droit de toqs les
I François de fervir la patrie ; c’eft un honneur
I d’être foldat, quand ce titre eft celui de defen- I leur de la plus belle conftitution du monde -en-,
I ,jer- _ Je dis que dans une- nation qui veut
I être libre, entourée de voifins puiflans, criblée
de faftions fourdes & ulcérées., tout citoyen doit
être foldat , & tout foldat citoyen, finon la
France eft arrivée au terme de fon aneantifle-
ment. Inmftement préfenteroit-on en oppofirion
les triftes rëfultats du moment prefent ; l’affail-
fement du pouvoir exécutif eft dû à l’abus quon
»voulu en faire; le mépris des loix, à la conduite
des juges; l’horreur des diftinétions poli-
tiques, aux exactions des hommes puiflans, qui
les ont pouffées jufqu’à la dégradation de la nature
humaine ; la perte du' crédit national, a la
dilapidation des revenus publics & aux operations
ufuraires des gens de finance ; enfin la di-
fette ( même au fein de l’abondance ) oc les
1 mouvemens tnmultuaires qu’elle occafionne, aux
manoeuvres les plus coupables de tous les enne-
j mis du bien public. — Ceffons donc de calomnier
ce pauvre peuple ; moi, j’admire fon courage oc
| fa patience, & je défie qu’on me ^ cite une na-
I tion qui, ayant à lutter à îa fois contre une
[ aufli énorme maflfe de conjurations, ait fu eiever
| fa grandeur fur leurs débris avec autant- de fa-
gelie & aufli peu de cruauté. _ •
j . Certes, je l’avouerai, l’anarchie eft lin fléau ;
I mais la conftitution d’un grand peuple peut-elle
changer entièrement , fans qu’il y ait un inter-,
valle entre la déforganifàtion & le rapprochement
des parties ? Jettons un coup-d’oeil fur les fiecles
futurs, & nous verrons que cet inftant eft un éclair
femblable à la fecouffe qui déplace les montagnes ,
& les fait rentrer dans les, entrailles de la terre,
pour offrir à fes habitans un nouveau fol plus
ferme , & déformais fans danger. Je reviens a
l’examen du plan de M. le comte delà Tour-du-
Pain : je conviens que c’eft une tres-belle organisation
d’armée , maïs fes bafes font les mêmes
t[ue celles, de l’an dernier , quoique nous foyons
a dix fiècles de l’an dernier. Cette armée doit être
de 150 mille, hommes , & au premier bruit de
guerre ii-faut-pouvoir y amalgamer 120 mille hommes
de milice ». T-^C’eft l’exécurioij de cette partie
ffii plalî qlû paroît problématique à M. de Crancé, & il en donne les cinq raifons fiiivantes :
i°. Les provinces fouffriront - elles dans leur
fein des recruteurs de tous lesrégimens, de tous
les pays ,'qui chercheront a abufer de 1 effervef-
cence des paflions des jeunes gens, pour les enlever
de force ou par rufe à leurs parens 2*
20. Les' provinces fouffriront-elles qu’une armée
de 1;50mille hommes, quellesfoudoient pour
la défenfe cle leurs propriétés, n’étant compofce
que de gens fans aveu , fans domicile fixe, aveuglément
dévoués à la main qui les^ conduit, puifte ,
à tout inftant, envahir la plus chere de leurs propriétés,
la*liberté publique ?
3°. Les provinces fouffriront-elles que dans
toutes les places fermées, des régimens étrangers à
l’intérêt du pays, ufurpent l’autorité municipale ;
& fous le pretexte de la confervarion de la place,
vexent arbitrairement les bourgeois ? Je fais quon
m’oppofera l’obligation que les troupes contracteront
d’exécuter les loix nouvelles ; mais les loix
ne peuvent prévoir tous les cas ; & il eft bien
facile d’en abufer, quand on a la force en main,
& peut-être le confentement tacite de l’autorité.
40. Les provinces fouffriront-elles que, poiir la
commodité des entrepreneurs de vivres, de fourrages
, l’argent qu’elles paient pour la folde des
troupes, foit confommé nors de leur fein , tandis
qu’elles manquent elles-mêmes de confommateurs,
& par conféquent de ce qui nourrit l’agriculture „
reproduit les denrées & les moyens d’acquitter les
impôts ?
5°. En fuppofant tous ces obffacles levés | nous
n’avons rien de fait, car le plus difficile du problème
refteà réfoudre; c’eft la compofition des 120 mille
hommes de milice , qui doivent, en cas de guerre y
recruter^ Jarmée. Je n’imagine pas qu’on Veuille
encore s’appefantir fur le moyen du tirage au fort ;
cet impôt défaftreux doit être relégué dans la clafle
de la taille , de la gabelle & de la corvee. 11 faut
donc une confcription , &c.
M. Dubois de Crancey finit par prefenter un
projet de décret conforme aux principes qu’il a
développés , au nom du comité militaire , dans la
féance du 18 novembre 1789. _ H i
M. le Marquis d’Ambly. La conftitution militaire
eft très-importante , il faut y réfléchir murement.
Chacun peut faire des plans ; mais il n eft pas
donné à tout le monde d’en prefenter qui (oient
convenables. J’en ai un aufli , & je l’offrirai a la l-
femblée, s’il le faut.
M. lé baron de Menou. Notre but doit être h
confervarion de la liberté. I l faut donc que l’orgam-
fation militaire ne puifle jamais fournir des moyens
d °Defendre’ la patrie , tel eft le premier des devoirs.
Quand un peuple eft peu nombreux, tous
doivent porter les armes ; quand i l . l’eft trop ,.ce.
F t f a