
pas renouvellé , Y armée eft , dès l’inftant, licenciée
& dégagée de tous les liens de la difcipline
militaire.
Le fécond a61e de sûreté eft celui des droits,
dans lequel il eft déclaré que, lever ou tenir fur
pied une armée régulière dans l’intérieur du royaume
en temps de paix , fans le confentement du parlement,
eft un aéte illégal.
De ces deux aétes garans de la liberté angloife,
le dernier nous eft commun ; il ne doit y avoir
de troupes dans le royaume que celles que vous
aurez confenti de payer; quant au premier, convenable
pour des infulaires , mais peu propre à
nôtre' pofition géographique , il eft heureufement
remplacé en France par l’organifation de nos municipalités
8c de nos milices nationales, qui four-
niflent à.la confervation de la liberté, une force
bien plus réelle que l’inutile poflibilité de licencier
une armée qu’il faut nécefiairement confier -
ver ; & la conftitution de votre armée peut encore
accroître vos motifs de confiance , fans diminuer
vos moyens de force.
Ces loix fondamentales pofées , préfervatrices
'de la conftitution du royaume , il en eft encore
qui tiennent à la conftitution dQjYarmée , & fur
lefquelles il convient à l’affemblée- nationale de
prononcer, foit qu’elle les prèfente dans leur complet
à l'acceptation du roi , foit qu’elle fe borne
à les préfenter au pouvoir exécutif, comme bafes
des ordonnances qu’elle doit rendre.
Votre comité militaire vous a préfenté des vues
fur les rapports des milices nationales & de Y armée ,
de la force militaire & de la force civile ; il vous
a parlé de la nèceftitè d’établir des tribunaux per-
manens auxquels- ferait attribuée la révifion des
grands jugemens militaires ; enfin, il vous a entretenus
de la néceffité de. pourvoir à l’augmentation
de Yarmèe , quand la néceffité obligeroit de
la porter au pied de guerre. Le préopinant a développé
ces vues avec plus d’étendue encore. Je
perife avec lui & avec le comité militaire , que
ces-loix doivent fortir dans leur perfection de votre
prévoyance & de votre fageffe. C’eft à votre
comité de conftitution à s’entendre avec votre
comité militaire pour nous les préfenter; & bien
pénétrés de l’efprit de juftice & de liberté qui
vous a fait rejetter avec unanimité l’idée de la
confcription militaire pour le fervice de Yarmèe ,
ils vous foumettront des moyens qui porteront
Xarmée à la force que les circonftances rendront
néceflaire, par la volonté libre de ceux qui com-
poferont cette augmentation.
Il eft encore du devoir de l’affemblée nationale
de prononcer positivement & promptement-l’augmentation
de folde pour le foldat. On ne peut
trop fouvent répéter que la paie eft évidemment
infuffifanre. Le mal-aife qui ôte à l’homme une
partie de fes forces , lui ôte encore l’énergie fi
néceflaire pour faire un métier honorable qui ne
peut être bien fait par celui que la comparaifon
de fon état avec l’état des autres citoyens peut
faire foufirir : il faut au foldat une bonne njU
tant qu’il fert, & une expeélative affurée pour le
temps où la diminution de fes forces ne lui per-1
mettra plus de continuer fes’fervices. j
Vous croirez donc, fans-doute , Meflienrs abJ
folument néceffaire de décréter promptement une
augmentation à la paie du foldat.
Votre comité militaire vous propofe, en 1W
mentant de 20 deniers , de la porter à o fols,
Cette augmentation, forte en apparence, ne portera
pas dans fon entier , ainfi qu’il vous a été
d it, fur la fubfiftance du foldat. Une partie ajoutée
avec néceffité à la maffe aujourd’hui infuffifante
deftinée à fon entretien, réduira à un fol l’augmentation
véritable de bien-être qu’il recevroit,
Vous délibérerez donc , fans doute , Meilleurs
d’ajouter encore à la' propofition de votre comité
& vous aurez facilement le -moyen d’élever à o i
fols 6 deniers la totalité de,la p aie, c’eft-à-dire,
d’augmenter de 26 deniers chaque folde a&uelle. I
Le préopinaht a propofé de porter à un fol ce
furcroît d’augmentation : je n’avois ofé le propofer
que de 6 deniers ; mais j’adhère de toute ma volonté
fans doute à cette plus grande amélioration. Le
plus grand bien-être des défenfeurs de l’état, efi
toujours le voeu d’un bon citoyen.
Q uel que foit le fyftême que vous croyiez devoir
adopter dans I’enfemble de Y armée 8c dans lai
éombinaifon des différentes armes qui la coinpo-
fent j quelle que foit la fomme generale que vous
attribuyez au département, cet accroiffement de dé-
penfes, qui ne s’élève pas à 1,200,000 livres pour (}
deniers, ôc à 2,400,000 liv . pour un fo l, eft trop
peu confidérable pour qii’il ne vous foit pas facile
d’y fuffije. Il vaudroit mieux d’ailleurs ne pas
avoir ôéarmée que d’en avoir une dont les iiidi-1
vidus mal, payés & mécontens , ne rendraient à I
l’état que des fervices incomplets, les rendraientI
à contre coeur , & foupireroient fans ceffe apres I
la poflibilité de quitter un état où le befoin les
auroit pouffés, & qu’il faut aimer pour en remplir
honorablement les devoirs.
L ’économie à faire relativement aux forces mi*
litaires d’un grand empire , ne confifte qu’à éviter
toutes dépenfes inutiles, à ne rien- payer au-dela
de fa valeur, à n’employer que le nombre d’offl-1
ciers & de foldats néceflaire , enfin , qu’à bien
adminiftrer toutes chofes ; car celle qui porterait j
fur le nombre indifpenfable, comme celle qui au*
roit lieu fur le traitement convenable à faire »
chaque individu de Yarmèe pour l’attacher à ion
état, ferait une épargne deftruélive des réfuhats
heureux qu’une nation doit fe promettre de l’entretien
d’une armée. f I
Il faut aufti fans dçutè , que l’aflèmblee soc*
cupe d’aflùrer à l’officier un bien-être certain p01!r I
le préfent, & pour l’avenir, il faut une aiigme“'
.tation à fon traitement , dans prefque touSJ|
grades; mais'bien perfuadé de cette indifpenh“ej
| hécdfité , je ne penferois pas cependant que
Ivous puiffiez dans ce moment décréter pofitive-
jnent l’augmentation précife que vous propofe le
[comité militaire.
Pour connoître quelle augmentation vous pouvez
faire au fort de l’officier, il vous faut con-
rgoitre quel nombre dans chaque grade vous en
! devez employer dans Yarmèe. Cette connoiflance
ne peut être que le réfultat du fyftême qui fera
[adopté , & pour le nombre des régimens qui com-
Ipoferont Yarmèe , & pour le nombre de compa-
I gnies dans chaque régiment, d’officiers dans chaque
[compagnie, & pour plufieurs autres parties encore
[ du régime militaire. Il eft temps de reconnoître
| que le nombre d’officiers , dans tous les grades ,
I ne doit être qu’en raifon des; véritables bel oins de
Wmnée. Cette jufte proportion n’eft pas univerfel-
[ lcment jugée la même. U armée de Prufle a , comme
vous l’a dit votre comité , plus d’officiers dans
[la même proportion de troupes , que Yarmèe au-
[ trichienne , & bien moins que Yarmèe françoife. i L’ufage ancien qui en a attaché un nombre plus
[grand à nos armées, eft-il fondé fur. des raifons
j que l’on ne puifle contredire ? ou ce nombre pour-
| roit-il être diminué ? Cette queftion doit être exa-
I minée foigneufement avant fa décifion ; mais de
[quelque manière qu’elle le foit, toujours eft il vrai
que les officiers employés doivent être affez bien
traités , pour qu’ils défirent confier ver leur état,
& craignent de le perdre.
Le métier des armes ne fera plus à l’avenir un
I métier néceflaire ; & bien que les fentimens d’honneur
, de devoir & de patriotifine portent, avec
| néceffité, l’officier françois à faire exaélement, &
; toutes fes facultés, le „métier qu’il a volontairement
embrafle , & qu’il peut quitter à chaque
| inflant de fa vie , toujours eft-il vrai que fi les
Lconfédérations de l’intérêt préfent & d’un fort afluré
[pour l’avenir, ne préfentent pas quelqu’attrait, la
Lprofeffiôn des armes fera moins follicitée, & , ce
qui eft peut-être pis encore pour le bien du fer-
i-vice, elle ne fera qu’un état de paflage , & nous
j. ne devons pas oublier que cette continuelle mutation
d’officiers eft , dans le militaire françois, un.
^es plus grands vices , un de ceux auxquels il
[ dUe plus néceflaire & le plus inftant de porter
[.remède. .
| Cette dernière confidération , fi importante ,
■Vous fera fans doute defirer , Meffieurs , de trou-
, ver dans le fyftême des retraites à accorder aux
I °|bciers, un nouveau moyen de les attacher avec
[.plus de confiance au fervice.
j1 f eut ~ être , en examinant différens projets , croirez-vous utile d’adopter celui qui , plaçant la
; reuource des retraites dans une retenue annuelleïMm
^‘” te **llr ^es appointemens , donnerait à
0heier, dafïs chaque grade, pour le temps de
• °n ieryice , ,un traitement plus fort que celui
[ 0nt 11 jouît aftuellement , & lui en aflùreroit
. encore, à l’époque où il voudrait le cefler, un
beaucoup plus confidérable que celui auquel , à
préfent , il peut-prétendre. Ce fyftême, en fouf-
trayant l’ancien officier à l’arbitraire de fes Supérieurs
& du miniftre, pour la certitude, l’époque
& la fomme de fon traitement, auroit encore le
précieux avantage de diminuer , dans un certain
temps , les charges du tréfor public de prefque
toutes les fournies affeélées à préfent aux penfions
des militaires.
Ces penfions s’élèvent aujourd’hui à dix-huit
millions , qui, avec beaucoup d’économie, ne peuvent
, dans le régime nouveau , s’élever à moins
de neuf à dix ; 8c ce projet , facile à réalifer ,
n’exigeroit , après un certain nombre d’années ,
qu’une fomme affeftée tout au plus d’un million ;
parce que les feules penfions deflinées, ou à quelques
officiers bleffés à la guerre , ou à quelques
officiers généraux, dont la maffe ne ferait pas affez
confidérable , feraient payés fur ce fonds.
Le même principe d’équité vous" portera fans
doute à chercher les moyens de pourvoir au fort
du foldat après l’expiration de fon engagement,
de manière qu’une fomme dont il auroit alors difi-
pofition, & qui ne diminuerait , par aucune retenue
, fa folde pendant le temps de fon fervice,
lui donnerait la poflibilité de quitter fort état s’il
ne délirait pas le continuer, de faire un établifle-
ment, d’embraffer avec quelque reflource une pro-
feflîon nouvelle, ou de ne continuer le métier de
foldat , qu autant que fon goût & fon intérêt l’y
détermineraient ; & ces moyens fe trouveraient
peut-être fans difficulté.
Parmi les différens objets fur lefquels vous croirez
devoir arrêter quelques- principes, vous compterez
fans doute les engagemens : vous avez dû déterminer
le mode de recrutement de Yarmèe, parce
que l’obligation générale du fervice militaire atta-
-ijuoit directement la liberté des citoyens , & que
vous ne deviez pas mutiler cette liberté fous le
fpécieux prétexte d’aflùrer des défenfeurs à l’état,
quand vous pouviez pourvoir à la défenfe commune
, en refpedant les droits d’un chacun. Si les
enrôlemens à prix d’argent ont pu donner lieu à
de grands abus, les plaintes multipliées les ont fait
connoître : cette, connoiflance vous fuffit pour
exiger des loix propres à les détruire 8c à les empêcher
de reparaître,
L’affemblée doit prendre dans toute fa follici-
tude le rétabliflement & le maintien de la difcipline.
Sans difcipline, vous aurez des foldats , mais
vous n’aurez jamais d'armée. Ce que vous croirez
dépenfer pour votre fûreté, pourrait tourner contre
vous-mêmes.
On fuppoferoit, fans fondement, que la fubor-
dination militaire pourrait porter atteinte à la liberté
publique , & comprendre des devoirs contraires
aux droits du citoyen. La difcipline n’eft que le
maintien de l’ordre jugé néceflaire. L’imperreélion
du commandement qui ordonnerait ce que le foldat
auroit droit de ne pas faire , ne peut être regardée