
fiance du pauvre & d u foible, s’empareraient de
leurs pièces, les accableraient de frais. J ’ai vu de
ces praticiens fe faire payer la moitié du gain d’un
procès. Si vous voulez venir au fecours du pauvre,
faites des établiffemens patriotiques , tels que celui
qui, exiftoit à Paris avant la révolution. Cet éta-
bliffement eft compofé de jurifconfultes honnêtes
& éclairés, qui donnent des confeils aux plaideurs
,- les avertilTent fi leur affaire eft bonne ou
màuvaife , leur choifxiTent d’honnêtes défenfeurs,
fe livrent; à linftru&ion gratuite^ des procès , &
défendent auprès des tribunaux les droits de l’innocence
opprimée. Voilà les établiffemens publics
& utiles que vous devez ordonner , au lieu de
confier les intérêts du pauvre à ces charlatans &
à ces empiriques judiciaires qui viendraient environner
vos tribunaux. ( On applaudit ). Si vous
ouvrez la porte des tribunaux à tous les inconnus
qui s’y préfenteront, vous appellerez tous ces malheureux
folliciteurs de procès qui ont toujours été
regardés comme des peftes publiques. Vous n’avez
pas le droit d’obliger »:n plaideur de confier fes
pièces au défenfeur inconnu qu’aurait choifi la
partie adverfe ; car qui eft-ce qui empêchera ce
dernier de difparoître avec les pièces qui lui auront
été confiées ? Si vous ordonnez la communi-
cation„des pièces fans déplacement, le procureur
dans fon greffe fera affailli d’une foule d’hommes
qu’il ne connoîtra pas ; comment voulez-vous quil
puiffe furveiller & garantir toutes les pièces, &
empêcher les vols? Si au contraire vous ordonnez
la communication avec déplacement , il n’efl pas
néceffaire de dire que les dangers feront beaucoup
plus grands.
Chacune des parties a le droit d’exiger une
refponfabilité de la part du repréfentant de la partie
adverfe : o r, quelle pourra etre cette refponfabilité
, fi le choix des défenfeurs n’eft fournis à aucune
condition ? le fonde de pouvoirs de l’une
des parties fe préfentera, & on fera obligé de le
croire fur fa parole : car il y aurait fouvent de
l ’inconvénient à lire le contenu de la procuration.
Quelle fureté la partie adverfe aura - 1 - elle pour
contra éler avec un pareil repréfentant ? Deux frip-
pons pourront s’accorder & dire entre eux : T u
feras mon défenfeur ; fi tu réufïis, nous partagerons
le gain du procès, finon >e te défavouerar,
tu partiras, & la .partie adverfe cherchera où elle
pourra le paiement des' frais & dépens de la procédure.
Ces frippons pourront donc impunément
intenter un procès injufte à celui dont ils voudront
partager les dépouilles ; la procuration fera
_ inutile ; car elle fera ou fous feing-privé , ou par-
devant notaire ; dans le premier cas, rien ne s’op-
pofe à ce que la fignature ne foit falfifiée , car
le défendeur n’efl: pas fenfé connoître la fignature
de celui qui l’a fait affigner : dans le fécond cas,
il n’exiftera pas moins un inconvénient très-grave ;
à chaque afie exigé par l’une des parties, à chaque
incident de la procédure, le fondé de pouvoirs
fera oblige de préfenter fa procuration. Si je lu?
demande a&e d’une déclaration importante, il ne
me donnera pas la procuration , il me. demandera
lin délai au moyen duquel- il éludera ma réquifi-
tion. Quelle complication de vices & de dangers!
Je me. réfume. J ’ai prouvé qu’il étoit poffibïe de
concilier le décret que vous avez précédemment
rendu concernant la liberté du choix des défen-
feurs avec l’intérêt public ; j’ai prouvé que rendre
le droit de défenfe indéfini, ce ferait ouvrir l’en*
trée des tribunaux à la chicane & à l'intrigue.
Obligerez-vous ces^hommes qui facrifientle telle
d’une vie honnête & laborieufe à la défenfe de
l’innocence,, de vivre au milieu de l ’odenr infeéle
du cloaque formé par cette race impure de folliciteurs
de procès ? faites - en l’efiai , & vous
aurez caufé un mal irréparable. ( L ’affemblée applaudit).
M. Tronchet propofe un projet de décret con^
forme aux principes qu’il vient, d’établir.
M. Prieur. Je demande pour amendement, que
les parties aient le droit de faire elles-mêmes l’inf-
truiftion de leur procès.
M. Fréteau'infifte fur l’amendement qu’il aprô-
pofé, tendant à confacrer les exceptions établies
par l’ordonnance de 1667.
M. Defmeuniers. Il ne faut pas laiffer penfer que
l’affembiée foit plus- rigoureufe que l’ordonnance
de 1667 ; U ne faut pas laiffer penfer que le décret
que vous allez rendre préjuge la queflion pro-
pofée par M. Fréteau : vous ne pourrez la juger
que lorfque vous vous occuperez du travail fait
par votre comité de conflitution § fur la fimplifi-
cation de la procédure. C ’eft alors que vous dé-1
terminerez les cas où l’intervention des procureurs
ne fera pas néceffaire. Je demande l'ajournement
de l’amendement de M. Fréteau.
Cet ajournement eft décrété.
Le projet de décret de M. Tronchet cA adopté
prefqu’à l’unanimité, ainfi qu’il fuit :
« I l y aura , auprès des tribunaux de diftriâ
des officiers munifiériels ou avoués , dont la fonction
fera exclufivem'ent de repréfenter les parties,
d’être chargés & refponfables des pièces & titres
| des’ parties, de faire tous les a&es de forme néceffaires
pour la régularité de la procédure , & de
mettre l’affaire en état.
« Ces avoués pourront: même défendre les parties,
foit verbalement, foit par écrit, pourvu qu’ils y
foient expreffément autorifés par les parties , lesquelles
auront toujours le droit de fe défendre
elles-mêmes verbalement ou par écrit, ou d’employer
le miniftère d’un défenfeur, officieux pour
* leur défenfe, foit vefbale, foit par écrit »,
Séance du vendredi 77 décembre iy$o.
M. Dinocheau, au nom du comité de conflitution
& de judicature. Vous avez décrété qu’il n’y aurait
point dans les tribunaux , d’offices vénaux & héréditaires
; qu’il y feroit établi des officiers minif-
tériéls ou avoués, chargés exclufivement de la conduite
de la procédure & du dépôt des pièces des
parties. Vous avez en outre confacré les principes
de la défenfe officieufc pour donner à la confiance
des citoyens une plus grande, latitude. Ces bafes
font les mêmes que celles fur lefquelles vos comités
avoient appuyé le projet de décret qu’ils vous ont
propofé. Mais elles exigent des développemens
néceffaires a l’organifation de cette partie de l’ordre
judiciaire, Ceft pour, connoître la volonté de l’af-
femblée que je viens vous préfenter, au nom de
vos comités, une férié de queflions dont la décifion
doit précéder la rédaéfioii des articles définitifs.
En effet, vous avez bien admis des avoués dans les
tribunaux de diftriâ:, mais vous n’en avez pas
fixé le nombre, ni décrété s’il feroit réduit aux be-
foins du fervice de chaque tribunal, ou s’il feroit
illimité. C ’eft à vous , enconfultant les grandes vues
de l’utilité publique, à décider s’il 11e faut pas, tant
pour l'avantage des juridiciables, que pour celui des
avoués eux-mêmes., reftreindre ce nombre; d’un
autre côté, y o u s balancerez dans votre fageffe les
biens qui, peuvent réfulter pour les peuples d’une
liberté indéfinie , en foumettant néanmoins les citoyens
qui fe préfenteront pour exercer les fonctions
à!avoués à des formes indifpenfaMes. Ces
formes feront néceffaires dans tous les cas pour épurer
les tribunaux de ces hordes de folliciteurs qui
viendraient fouiller le berceau de votre ordre judiciaire.
Vos comités penfent que vous ordonnerez
des examens, tant fur la probité que fur la capacité
des candidats : mais qui fera chargé de cet
examen ? en quelle forme fera.-t-il fait ? Vous Tentez
que c’efl: à vous à choifir parmi ces queflions
& parmi les queflions fubfidiaires -, celles qui vous
paraîtront les plus convenables. Mais je ne vous
parle que des vues relatives au décret définitif.
Revenons au projet qui concerne la formation pro -
chaine des nouveaux officiers 'fniniftérieles. Pour
la première admiflion des avoués , vous adopterez
des règles moins févères. Tous les anciens officiers
miniflériels étant en .poffeflion de leur état, ont
line préemption légale de capacité qui les dif-
penfe de tout examen.
I l efl poffible que vous décrétiez que les avoués
feront pris de préférence parmi les officiers fup-
primés; la juflice & l’humanité femblent le commander
: mais jetez un coup-d’oeil fur cette foule
d’anciens officiers miniflériels attachés aux cours
fupérieures , aux tribunaux ordinaires & d’exception
, fur cès procureurs des jufiiees feigneuriales
reffortiffantes immédiatement aux cours ; fur ceux
même qui, fans avoir un reffort immédiat, éxerçoient
auprès des tribunaux importans , dans quelques
endroits dépourvus de juflices royales ; fur les
avocats, fur les juges fupprimés-; enfin fur les fubf-
tituts des procureurs-généraux q u i, dans quelques
bailliages royaux, jouiraient, à ce feul titre, du droit
de pomiîation. Accorderez-vous la concurrence pour
la p nière formation , à tous les anciens officiers
miniflériels , dont les tribunaux de diftriél .concentrent
aujourd’hui toutes lês jurifdî&ions ? Limiterez
vous le nombre des avoués aux avocats &
procureurs exerçant auprès des anciens fiéges royaux
qui ont étéj'emplacés par les tribunaux de diftrhfr,
&c.... ? pour réfoudre toutes ces difficultés , vos
comités vous propofent de prononcer fur les quatre
queflions fuivantes , qui fans doute fe développeront
avec plus d’étendue par le choc de la dif-
euffion.
1,®. Les officiers miniflériels ou avoués qui fe-
| ront établis auprès des tribunaux, feront-ils admis
au nombre proportionné aux befoins du fervice,
en chaque tribunal ? -
a®. Ces officiers feront-ils admis fans aucun examen
de leur probité & capacité ?
3°. Par qui fera fait cet examen, & en quelle
forme ?
4°. Pour le premier établiffement des avoués, admettra
t-on de droit tous les ci-devant juges , avocats
& procureurs des cours fupérieures & autres i
tribunaux royaux, tant ordinaires que d’exception,
même ceux des juAices feigneuriales qui reffor-
tiffoient immédiatement aux cours , ou qui étoient
établis clans les lieux où font placés les tribunaux
de cîHlrift ? '
L ’affemblée décide que la quatrième de ces quef-
tons fera foumife la première à la difeuflion.
M. Guillaume. C ’efl dans une queflion de cette
nature que vous allez voir l’intérêt perfonnel vous
propofer une concurrence plus ou moins grande
des exceptions plus ou moins refferrées. Les anciens
juges, les avocats, & tous les praticiens,
(dont vous avez fait une'dafle commune, en les
comprenant' indiftinaement fous la dénomination
d hommes de loi ) , vous diront que vous avez détruit
leui état, que vous devez les occuper; ils
ajouteront qu’ils ont des droits à la confiance publique
, & vous verrez qu’ils croiront faire grâce
aux officiers miniflériels, eh fe bornant à vous
demander une concurrence a vec eux : concurrence
qu’ils leur avoient refufée âneiennement. Mais il
me femblè entendre les procureurs crier à l'iiîjuf-
tice, reprocher aux avocats de les ayoir autrefois
exclus des places de juges, fe plaindre d’un fyftéme
qui admettrait les avocats à partager entre eux les
dépouilles des procureurs ; ils auront encore d’autres
motifs. Les juges’ diront-ils, reçoivent, par
le rembourfement de leurs finances, un avantage
J plus grand que celui qu’ils retiraient de leurs émo