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dans leurs travaux ; Se ces avantages fe trouvaient
pour là Fontaine comme pour Racine & Boileau
dans une place à Y académie ,■ à laquelle l’opinion
publique 3 qui décerne la gloire attachoit un
grand prix.
Sur Quinault M. de Chamfort n’eft pas moins
déraifonnable & n’eft pas plus exaét.
, Louis X IV n’a jamais payé fi merveilleufement
fes prologuès 3 que Quinault ne pût encore ouvrir
fon ame à d’autres motifs 3 pour faire de
béaux opéra. Lorfqu’ il avoit cinq filles à pourvoir
3 Se qu’il difoit :
Oh Ciel ! peut-on jamais avoir
Opéra plus fâcheux à faire ;
fans doute il avoit befoin des grâces du roi :
mais en les follicitant il pouvoit délirer aufli
le fuffrage des gens de lettres qui cempofoient
Xacadémie, Se la confidération littéraire que le
public avoit pour les membres de cetté compagnie
3 puifque ces motifs ne s’excluent, pas
réciproquement.
La même réponfe s’applique à Fénelon Se à
Maffillon 3 & c . Perfonne n’ a dit que Bdfliret n’eut
pas écrit fes oraifons funèbres, ni Fénelon fon
Télémaque Sec. 3 s’ il n’y eût point eu d’ académie
; mais parce que Maffillon Se Fénelon dévoient
être évêques, il ne s’enfuit qu’ ils fufîent
infenfibles à la célébrité que donnent les lettres,
Se aux honneurs littéraires , & à celui que l’opinion
attachoit Se attache encore , quoi qu’ en
dife M. de Chamfort, à être de Y académie. Ces
motifs divers-ne fe combattent pas ; & par-tout
où nous voyons un grand talent qui a pris tout
fon effbr , nous pouvons croire que tous ont
concouru à le dévélopper.
Après tant de paralogifmes, M de Chamfort
.fe croit encore obligé de répondre à l’argument
bien naturel qu’on tire des déclarations publiques
& foîemnellés , faites par les hommes les plus
célèbres dans leurs difeours de réception , Se
dans lefquels ils ont tous exprimé fous les yeux
du public aflemblé , & le defir qu’ils avoient eu
d’être admis à Xacadémie , Se leur reconnoiflànce
envers la compagnie, qui les adoptoit.
Certes , ces déclarations dans lefquelles on
ne peut fuppofer , \au moins généralement, ni
faune-té-,. ni baffeffe , parlent plus hautement en
faveur de Y académie que les fuppofitions gratuites «
Se les déclamations injurieufes de M. de Chamfort.
Ses réppnfes font curieufes.
Ils le difent prefque tous , & comment s'en dlfpen-
feroient-ils , puifque Corneille & Racine l ’ont dit.
Etrange raifonnerhent : comment M. de Cham-
Oift ne s’apperçoit-il. pas qu’il lui refie à explia
c A
quet comment Corneille Se Racine l’ont dit l
Sc à nous prouver qu’ils l’ont dit* fans le pen*
fer? C ’eft précifement l’explication des théologiens
indiens qui difent que le.monde eft porté
par un éléphant, Se l’éléphant par- une tortue ,
mais qui ne peuvent aller au-delà de la tortue.
‘La fécondé réponfe de M. Chamfort, eft que
» cette miférable formule étoit une refloùrce
contre la pauvreté du fujet Se contre la nullité
du prédéceffeur ».
Grand fecours en effet qu’une phrafe de plus
pour celui dont le difeours n’avoit qu’ un fujet
pauvre Se dont le prédéceffeur étoit nul. Qui
ne voit que le . récipiendaire le plus ftérile , pouvoit
trouver aifément autre chofe à dire qu’un
menfoiige manifeftel, auquel perfonne. n’auroit
cru ?
M. de Chamfort trouve une troîfième réponfe
à l’objeétion dans les plaifantèries Se les épi-
grammes qu’ont faites contre l’académie, beaucoup
de fes membres les plus célèbres avant d’y
être reçus, témoins Montefquieu Se Voltaire,
Se croyeç j nous dit-il avec autorité, ce qu’ils en
ont dit dans tous ‘les tems, hors le jour de leur
réception.
No n , M. de Chamfort, votre précepte eft
déraifonnable ; pourquoi croirions-nous plutôt
à un moment d’humeur Se à.un mot piquant qu’on
a Tareraient le courage de fe refufer, qu’à une
conduite fuivie, à des démarches empreflees ,
à une déclaration férieufe. Voltaire Se Montef-
quieu ont fait contre Y académie de bonnes plaî—
fanteries, fi l’ on v e u t, quoiqu’elles ne vaillent
pas leurs difeours de réception 5 mais ils - ont
voulu être de Y académie', ils ont follicité leur
place : Montefquieu, félon M. de Chamfort ,
a même commis un faux pour en être ; j’en
crois leur défit foutenu & non une plaifanterie
échappée -, leurs difeours de réception Se non
les epigrammes d’Ufbeck ou celles de l’ auteur,
de la Pucelle. M. de Chamfort lui-même vou-
droit-il qu’on prît pour fes véritables opinions
tout ce que lui dicte l’ efprit cauftique Se dénigrant
qui anime fa converfatjon Se • fes écrits ;
quoiqu’il perdît peutrêtre moins que tout autre
à être jugé ainfi ? .
M. de Chamfort manque tellement de juftefle
dans l’efprit , qu’eri même teins qu’ il nous donne
des plaifanteries de Voltaire Se de Montefquieu ,
comme exprimant, leurs vrais fentimens fur Y académie
, \\ convient que celui-ci étoit révolté des
difficultés qu'on .oppofoit a fa . réception , Se que
celui-là fubit le joug de l ’opinion en follicitant le
fauteuil' qu on. lui refufa longztems. - Et comment
ne voit-il pas que celui qui eft révolté des obf-
taçfes qu’ on lui oppofe, n’eri a que plus de defir
i d’arriver au but ; & qu’ à celui qui ujbit le joug
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•de l ’opinion, en follicitant le fauteuil, l’opinion
elle-même fait donc délirer le fauteuil : mais d un
d’un bout à l’autre de l’écrit de M. de Chamfort
règne la même incohérence.
Enfin, l’obftinë critique , après avoir cherché
bien inutilement -, comme on vient de le v o ir , : à éluder la difficulté , avoue pourtant que de !
grands, hommes ont quelquefois montré un émpref-
fement réel pour le fauteuil académique i avèu qui
pouvoit le difpenfer de tout, le travail de tête
qu’il lui a fallu pour défigurer un fait connu Se
inconteftable qu’il va tenter encore d’ expliquer j
à fa manière pour empêcher qu’on en argumente
en faveur de Y academie.
V o ic i , félon lu i, comment il eft arrivé, que
les hommes les plus célèbres ont déliré d’être
admis à Y académie , malgré les vices de. cette
vicieufe inftitution, malgré les ridicules dont
elle eft couverte , malgré j Sec.
C ’eft parce que » le defpotifme faîfoit un devoir
aux gens de lettres un peu diftingués, d’être
admis dans ce corps ».
C ’ eft parce que » les tyrans éclairés par l’inf-
tinél entretenoient les préjugés pour fubjuguer
les gens de lettres , Se lès enchaîner fous leurs ;
mains ».
C ’eft parce que » c’ étoit la mode aiguillon-
Jiant la vanité & perpétuant l’égarement de l’ opinion
publique ». ’
Enfin , c ’ eft parce que » les gens de lettres
avoiént befoin, comme tout le monde, de ce
que rorguéil appeloit alors un état ; fentiment
qui montre, dit ironiquement M. de Chamfort,
•combien les idées foetales étoient juftes & faines ?a.
J’oppofe d’abord à ces étranges explications ,
que le defpotifme , c’ eft-à-dire , dans la langue
de M. de Chamfort, l’ ancien régime n’ a jamais
fait un devoir à aucun écrivain diftingué ,
d’être de Y académie. Quand Louis XIV dit à
Racine : je veux que vous en foyeç , ce' n’ëtoit
•pas une injonction du monarque à Racine, c ’é-
toit une expreffion du defir ou de la volonté
du monarque adreflee à Y académie.
Si l’inftinCf des tyrans , qu’on ne s’attendoit
■ guère à voir citer en cette affaire , leur avoit
donné quelque confeil, c’eût été bien plutôt
•celui d’empêcher lès hommes éclairés de devenir
membres d’une compagnie qui avoit quelque
influence fur l’opinion publique ; des tyrans rai-
fonnant ainfi , auroient été plus habiles que ceux
de M. de Chamfort; puifqu’il n’eft pas douteux
•que Y académie a. compté parmi fes membres de
grands promoteurs de la liberté , de grands pré-
■ cepteurs du gènte humain, qui l’ont éclairé
fur ses droits, Sec.
Ajfemblée Nationale. Tom. Iî, Débats%
 C Â
Lorfque M. de Chamfort nous dit que les
gens de lettres diftingués vouloient être de l'académie,
parce qme c*étoit la mode, il ne fait
que préfenter, fous une autre forme , fans la
réfoudre , l’objection à laquelle il avoit à répondre.
Dire que c ’étoit la mode d’être de Yacadémia ,
ç’ eft convenir que dans l ’opinion publique une
place à Yaçadémie étoit de quelque prix ; que
cette opinion fût égarée ou raifonnable , cela ne
fait rien à la queftion, qui eft uniquement de fa-
voir s’il eft vrai que les gens de lettres les plus
diftingués regardaflent une place à Yaçadémie
comme un objet de leur ambition Se comme un
prix de leurs travaux.
Enfin , quant au defir d’avoir un é ta t, on fait
que la plupart des hommes célèbres dont on
parle i c i , ont eu un état indépendant de celui
que leur donnoit Y académie. Corneille , Racine ,
Boileau , B ofluet, Fénélon , l’abbé Fleury ,
Maffillon, Montefquieu , Voltaire, Buffon, Sec.
Sec. ont eu un état ; & c .
Quelle idée anti - fociale de voir dans cette
neceftité d’avoir un état, l ’entière corruption des
idées fociales ? qu’y a-t-il au contraire de plus
focial que d’attacher quelque importance pour foi
Se pour les autres, à ce' que chacun foit quelque
chofe, ait un état dans la fociété ?
« Solon, dit Plutarque, voulut que l ’aréopage
eût l’autorité Se charge de s’enquérir de quoi
chacun des habitans vivoit , Se de châtier ceux
qu’on trouveroit oififs. C e que faifoit l’aréopage,
pourquoi l ’opinion publique feroit-elle blâmée
de le faire chez nous , en diftinguant par quelque
eftime Se quelque confidération celui qui a un état
de celui qui n’en a point f
Enfin, quel tort peut-on faire à Yaçadémie ,
de donner un état à l’homme de lettres qui n’en
a point ? Y ’académie ne donne à fes membres ni
magiftrature , ni rang dans les armées , ni places
dans l’adminiftration , ni fonction dans l’églife ,
toutes chofesen horreur à M. de Chamfort; elle
fait feulément qu’à la quel! on qu’on peut faire
dans la fociété , qui eft M. de Chamfort , quelle
eft fa famille ? on répond : I l ejl de l ’académie
françoife , Se le queftionneur eft content. Quel
grand inconvénient peut-on voir à cela ?
Ces obfervations fuffifent pour démontrer
combien fauffement M. de Chamfort fe vante
« d’avoir éclairci des idées dont la confufion
faifoit attribuer à l’exiftence d’un corps la gloire
•de fes plus illuftres membres ; « il a bien plutôt
tenté d’obfeurcir Se de confondre tout; mais on
fe flatte que malgré cette obfcurité Se cette confufion
il demeurera clair que Yaçadémie a été utile
aux lettres , en offrant à ceux qui les ont cultivées
avec quelque fuccès une récompenfe à laquelle